La refonte du système statistique en Algérie est nécessaire en absence de coordination. Il y a aussi un déficit en matière de circulation de l’information.
C’est ce que s’accordent à dire les experts réunis lors de la dernière session du Conseil national économique et social (CNES), tenue à Alger, jeudi dernier.
En effet, les administrations et les opérateurs sont encore récalcitrants envers la diffusion instantanée de leurs informations statistiques, ce qui permettrait à l’Office national des statistiques (ONS) de les exploiter et de les diffuser. A ce propos, son directeur général, Mounir Khaled Berrah, a insisté sur le renforcement du système national des statistiques et de la culture statistique en Algérie. IL a souligné que les efforts consentis dans ce sens demeurent «insuffisants», que des programmes nationaux de travaux statistiques sont en cours de préparation et une réflexion sur l’élaboration d’une stratégie nationale sur la statistique est engagée, a rapporté l’APS.
Pour sa part, le professeur Boukella a estimé que «c’est une affaire qui nécessite une mobilisation générale et une coordination des efforts de la part de tous les secteurs». M. Kadda, professeur en Mathématiques, s’est interrogé : «comment améliorer la performance de notre système statistique?» En soutenant que «ce n’est pas la statistique ni les systèmes utilisés qui sont mis en cause». Il a proposé «l’importance d’inclure l’évolution de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC)» et «investir dans le capital humain».
De son côté, Djoudi Bouras, expert au CNES, a relevé «la déconnexion des différentes sphères» ce qui fait, selon lui, que « le service public de la statistique ne remplit pas convenablement son rôle». En effet, certaines sources ne communiquent pas à temps les données statistiques aux services collecteurs. Certaines administrations accusent des retards de 2 à 3 ans dans la communication des chiffres à l’ONS. Afin d’y remédier, «les pouvoirs publics sont interpellés, plus que jamais, sur la nécessité de mettre en place des mécanismes de rationalité économique», a insisté cet expert.
En novembre dernier, Sid-Ali Boukrami, commissaire général à la planification et à la prospective, organisme sous tutelle du ministère des Finances, intervenant à l’ouverture des travaux du Conseil national des statistiques (CNS), organisés à Alger, a révélé que le système national d’information économique manque de transparence.
Les statistiques, en Algérie, sont souvent contradictoires. D’ailleurs, l’exemple le plus frappant a été celui du taux de chômage en 2008, deux taux rendus publics par deux institutions différentes, l’un émis par l’ONS sur la base des données du gouvernement (11,8%), l’autre par le CNES (12%) ; ont soulevé une polémique. Devant un tel constat, le commissaire général a souligné que «la transparence est la priorité des priorités. Le système d’information des statistiques devrait être la base de toute économie.
Il faut le crédibiliser et le réhabiliter» en insistant sur la formation. Dans cette perspective, un recensement économique national devrait être lancé en 2010 par l’Office national des statistiques (ONS) pour établir un état des lieux des agents économiques en Algérie, avait annoncé à la même occasion le DG de l’ONS. Par ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) a souvent contesté les chiffres algériens se rapportant à l’inflation.
L’Algérie répond aux exigences du FMI
Aussi, il est à rappeler que l’Algérie a intégré le Système général de diffusion des données du Fonds monétaire international (International Monetary Fund’s General Data Dissemination System-GDDS), institué en 1997. Désormais, cette intégration à ce système de base de données permet ‘’la publication d’informations complètes sur l’Algérie qui seront diffusées dans le FMI Bulletin Board réservé aux pays ayant adhéré à ce dispositif de statistiques’’, a noté le FMI dans un communiqué.
Ce dispositif comprend la publication des informations de chaque pays membre du SGDD portant essentiellement sur la comptabilité nationale, la production industrielle, l’indice des prix, le chômage, le secteur financier, la dette, les taux d’intérêt, la balance des paiements, le commerce extérieur et les données socio-démographiques (santé, éducation, pauvreté…).
L’Algérie devient ainsi le 95ème participant au GDDS du FMI.
Cela ne suffira pas. Car bientôt, la qualité de la statistique économique algérienne sera soumise à l’appréciation internationale.
Hormis l’installation d’un commissariat général de la planification et à la prospective, le Conseil national des statistiques, créé en 1994 et dont la mission principale est de formuler des avis et des recommandations sur la politique nationale d’information statistique, a été enfin installé en août 2008 et un projet e-Algérie a été lancé en vue de réhabilité et développer le système national d’information statistique (Snis). Pour sa part, l’ONS s’est tracé une «feuille de route statistique» pour la période 2008-2015, dans la perspective d’une stratégie nationale de développement de la statistique.
Une modification progressive des indices s’est mise en place, notamment à travers la révision des méthodes de calcul de l’indice des prix, de l’inflation sans compter les stratégies sectorielles de développement de la statistique.
Au Maghreb, l’Algérie à la traîne
Néanmoins, comparativement aux autres pays, l’Algérie reste à la traîne, quand l’Union européenne (UE) avec ses 27 pays a réussi d’installer un système statistique européen (SSE). «Au centre du dispositif organisé en réseau, Eurostat est chargé de promouvoir l’harmonisation des statistiques, en étroite coopération avec les autorités statistiques nationales.
Celles-ci sont composées des 27 instituts nationaux de statistiques auxquels s’ajoutent des organismes (par exemple, les services ministériels en France) qui concourent à l’élaboration des statistiques officielles dans les États membres de l’UE. L’ensemble est complété par les 4 pays qui composent l’Association économique de libre- échange : Islande, Norvège, Suisse et Liechtenstein.
Eurostat publie les statistiques portant sur les secteurs relevant des politiques communautaires, le développement de ces dernières se traduisant par l’élargissement des domaines couverts par les statistiques communautaires. Eurostat coordonne les travaux du SSE pour des organisations internationales telles que l’OCDE, les Nations unies, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.
Pour le cas Maghreb, en juillet dernier, une conférence maghrébine sur la statistique s’est tenue à Alger à initiative de l’ONS et de la Banque africaine de développement (BAD) dans le but d’une coopération, une harmonisation et une uniformisation des définitions et méthodes de calculs des statistiques dans les trois pays pour une jonction ensuite avec le Medstat. Le Programme Medstat à sa deuxième phase vise à développer un système permanent d’échanges réguliers de statistiques entre l’UE et les pays partenaires méditerranéens.
Le projet maghrébin vise, quant à lui, à disposer de données de qualité en conformité avec les normes et standards internationaux et de veiller à ce que toutes les données statistiques produites puissent être comparables, d’adopter une périodicité au moins décennale pour les enquêtes sur la consommation, quinquennale pour les enquêtes sur la mesure des niveaux de vie, annuelle pour la production d’un indicateur sur la consommation des ménages, l’adoption d’une liste commune d’indicateurs sociaux comparables, de valider la version finale des deux projets de la Nomenclature unifiée maghrébine des activités (NUMA) et de la Classification unifiée maghrébine des produits (CUMP) ainsi que la finalisation dans les meilleurs délais des versions en langue arabe de la NUMA et de la CUMP.
Chose qui n’est pas encore possible puisque l’Algérie vient à peine de mettre en place son dispositif. Le Maroc a entamé la mise à niveau de son système national des statistiques en 2005 suite à son adhésion la même année à la Norme spéciale de diffusion des données (NSDD) du FMI.
Il est à signaler que le Maroc est un membre actif de Medstat. Il a contribué au succès de ce programme de coopération technique dans le domaine de la statistique entre l’UE et ses voisins méditerranéens.
La Tunisie, quant à elle, a mis en place un deuxième plan statistique (2007-2011) pour définir des orientations et des actions pour répondre aux besoins prioritaires du pays en matière d’informations statistiques. Ses orientations portent sur le développement de la production de l’information statistique dans les différents domaines économiques et sociaux et sur la promotion des activités de diffusion de cette information en vue de répondre aux besoins des utilisateurs.
Sur le plan économique, la Tunisie a créé un institut national de la statistique (INS) en tant que registre national pour les entreprises. Ce pays a contracté un partenariat européen à cette fin. Il est à noter que les statistiques sont, à ce jour, un module intégré dans des licences en sciences humaines ou économiques et commerciales en Algérie.
Malak Farah