Bachar al-Assad a été finalement réélu à la tête d’une Syrie en guerre et dont la fragilité est toujours de mise tant la pression extérieure et intérieure demeure permanente
La réélection de Bachar al-Assad à la tête de la Syrie pour un troisième mandat aussi attendue soit-elle constitue une évolution patente dans la tragédie qui déchire ce pays et qui polarise les forces en présence depuis maintenant trois années. La nouvelle donne, plutôt attendue, confirmera par ailleurs la spécificité du cas de la Syrie, en comparaison notamment avec d’autres contrées, dans la chronologie des bouleversements qui ont ébranlé la zone arabe.
En effet qui aurait imaginé au début de la crise syrienne que le pouvoir en place résiste à la déferlante «printemps arabe», à l’adversité occidentale et à l’animosité des pays du Golfe arcbouté à de redoutables télévisions satellitaires ? Mieux, qui aurait parié sur un troisième mandat de Bachar al-Assad dans une Syrie qui vit depuis trois ans une des crises les plus déterminantes de son histoire ?
La donne du peuple syrien
Le scrutin présidentiel en Syrie annoncé comme impossible a finalement bien eu lieu. Le régime en place aura réussi l’exploit de réaliser une opération électorale en situation d’instabilité avancée et où le bruit des armes est assourdissant. Le fait qu’une partie du territoire échappait au gouvernement ne l’a pas empêché de réussir l’opération de vote. La majorité des ambassades à travers le monde auront pu assurer l’opération avec un engouement populaire notable dans certains pays comme le Liban. Des images de participation qui n’ont pas trop plu dans les milieux adversaires au régime syrien.
En effet le peuple syrien, du moins une grande partie de celui-ci, présenté par les grandes machines médiatiques occidentales et ceux des pays du Golfe comme résolument anti-Bachar ou le soutenant sous la contrainte, a au travers du scrutin présidentiel exprimé un choix logique. Celui de préférer un régime autoritaire à un lendemain de chaos voire d’éclatement du pays. La Syrie est aujourd’hui sérieusement confrontée à la menace de la scission. Une perspective qui angoisse les Syriens dans leur diversité.
La problématique djihadiste
Une des problématiques les plus déterminantes dans l’avenir de cette guerre aux ramifications géopolitiques complexes sera indéniablement celle des groupes
djihadistes qui activent actuellement en Syrie. La diversité et le nombre de ces mouvements, leurs origines et leurs parrains, devraient peser sur l’avenir de la tragédie syrienne et sur les relations futures de Damas avec ses voisins. Certains pays, acteurs indirects du conflit tant en Europe que dans le monde arabe, craignent déjà un éventuel retour en masse des combattants dans leurs pays d’origine.
Ce sujet anime d’ailleurs les commentaires médiatiques en Europe où la hantise terroriste est un sujet central avec des incidences électorales évidentes. La question de l’avenir de ces groupes devrait constituer dans les temps à venir une thématique inévitable dans la crise multidimensionnelle qui déchire la Syrie. Un drame humain, produit de manipulations géopolitiques diverses, qui ne donne pour l’heure que peu de signes d’espoir de résolution.
Les craintes de Brahimi
Le diplomate algérien Lakhdar Brahimi, démissionnaire de la mission périlleuse que l’ONU lui a confiée l’année dernière, continue justement à alerter sur le danger futur de cette tragédie toujours en cours. Le diplomate chevronné est catégorique. Si une solution politique au conflit n’est pas rapidement trouvée le conflit ne va pas rester confiné en Syrie. Le diplomate algérien nomme bien les choses en affirmant que les Occidentaux et de nombreux pays arabes ont tablé à tort sur l’effondrement du régime de Bachar al-Assad. Il reproche à certains dirigeants arabes d’avoir commis l’erreur de soutenir «les efforts de guerre au lieu des efforts de paix».
La situation de guerre civile de basse intensité, avec les manipulations de plusieurs parties étrangères, menace toujours d’exploser et de déteindre sur le voisinage. Seulement, la position géographique de la Syrie reste un des éléments les plus déterminants dans les grilles de lecture imposable à la guerre actuelle. La question (fondamentale en termes d’analyse géopolitique) de l’axe Téhéran-Damas-Hezbollah a été un peu trop rapidement négligée par les observateurs qui voyaient en la déferlante «printemps arabe» un ouragan qui allait emporter tout sur son passage.
C’était sans compter sur un «équilibre» dissuasif important, en cours actuellement au Moyen-Orient, dont l’ébranlement aurait probablement conduit à l’affaiblissement du camp de la résistance et la prééminence, probablement définitive, de l’Etat colonial israélien.
M. B.