La commission ministérielle chargée de réexaminer la décision d’exclusion des candidats du baccalauréat accusés d’avoir participé à la fraude collective a décidé d’alléger la durée d’exclusion de cinq à une année ferme «pour préserver l’avenir des ces élèves».
Toutefois, la commission a confirmé le recalage de tous les candidats concernés par la fraude au bac session 2013. Néanmoins, certains syndicats du secteur, contactés par nos soins, rejettent cette décision qualifiée de pénalisante pour les élèves. M. Achour Idir, SG du Conseil des lycées algériens (CLA), a indiqué que cette dernière décision «est injuste et ne répond ni à un souci pédagogique ni à une réglementation, mais traduit plutôt une décision politique». «Nous nous attendions à quelques sanctions mais pas contre la majorité.
Et contrairement à ce qui a été annoncé par la commission, je doute que chaque dossier ait été traité au cas par cas puisque si elle avait entrepris une telle démarche, elle n’aurait pas annoncé une sanction uniforme. Tous les élèves ont été considérés comme des tricheurs, sans aucune possibilité de recours. J’estime, à l’instar de nombreux enseignants qui connaissent ces élèves, que la commission aurait dû décentraliser le verdict final au niveau des commissions disciplinaires de chaque établissement et ce, afin d’étudier plus attentivement le dossier de chaque élève incriminé en prenant en considération son dossier scolaire dont ses notes, sa conduite tout au long de l’année» a-t-il affirmé. «Une telle démarche aurait permis de sanctionner les vrais tricheurs», a-t-il expliqué.
De son côté, M. Salem Sadali, SG du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation nationale (Satef), estime que ces décisions ne sont que de «simples mesurettes qui n’empêcheront nullement la reproduction de tels actes». «Je pense qu’il ne faut pas s’attaquer aux conséquences sans avoir au préalable mis un terme aux sources du problème.
Je ne cautionne pas la triche, mais je juge qu’elle est la résultante de la gestion anarchique de l’école algérienne et la répercussion néfaste de la société sur cette dernière. Je désapprouve la méthode répressive car le scénario ne fait que se répéter depuis des années. Tout notre système de valeurs est à revoir car notre école va vraiment très mal. Il faut aller vers une solution définitive de ce problème et revoir dans le fond et la forme le baccalauréat», a-t-il proposé.
Dans ce sens, il préconise la révision du contenu de chaque matière, leurs horaires et le retour au contrôle continu. «Chaque année, le bac est amputé d’un semestre. Le programme surchargé n’est jamais terminé, ce qui augmente le stress des élèves. Il faut revenir à l’ancien système, à savoir les fiches de synthèse qui prenaient en considération les notes de l’élève tout au long de l’année. Cela permet de mettre en place une dynamique de rachat, et le bac ne devient plus un examen couperet.
Il faut voir à quel point cette épreuve est devenue l’objet d’un véritable marché. L’explosion des cours de soutien particuliers en est un exemple des plus significatifs et les parents utilisent tous les subterfuges pour faire réussir leurs enfants. Il en est de même pour la tutelle qui perpétue le seuil des cours sous la pression des élèves. Pour moi, c’est une sorte de démission. Il faut redonner au bac sa véritable valeur dans les plus brefs délais car ces sanctions ne résoudront rien au contraire, a-t-il alerté.
Le CLA annonce qu’il manifestera son mécontentement à la rentrée si des enseignants sont sanctionnés
En outre, cette commission a fait savoir que les personnels d’encadrement qui ont manifesté
«une défaillance professionnelle» seront également sanctionnés. «Certains responsables au niveau des centres concernés, incapables de maîtriser la situation, ont permis à des candidats de communiquer entre eux et certains se sont montrés conciliants, voire laxistes avec les candidats fraudeurs de peur de représailles», a-t-elle relevé.
Questionné sur de telles mesures, M. Achour s’interroge sur le personnel concerné. «S’agit-il des enseignants correcteurs qui ont refusé de corriger les copies des tricheurs ou parle-t-on des enseignants surveillants ?» s’est-il demandé, expliquant que ce sont les membres du personnel de sécurité ainsi que les chefs de centre d’examen concernés par les fraudes qui devraient être sanctionnés.
«Ce n’est pas aux enseignants surveillants de faire les frais d’un tel manquement. Ils ont établi leurs rapports quand une fraude a été observée. Ils ne sont pas là pour maîtriser les élèves. Ce ne sont pas des agents de sécurité. Je tiens à dire que ce sont ces derniers qui ont encouragé à tricher les élèves qui avaient quitté leurs salles. Les enseignants ont refusé cet état de fait et j’en veux pour preuve qu’ils n’ont pas cautionné ces pratiques en refusant de corriger les copies des tricheurs.
Ces enseignants ne sont pas laxistes. C’est au chef de centre d’examen de prendre les mesures adéquates en collaboration avec le service juridique. La mission dévolue à l’enseignant a été modifiée par la tutelle pour la circonstance. On accuse facilement l’enseignant», a-t-il déploré, menaçant de recourir à la manifestation à la rentrée si des professeurs sont sanctionnés.
Pour le retour à une intersyndicale de l’éducation
Abondant dans le même sillage, M. Sadali a expliqué qu’il ne fallait pas jeter l’anathème sur l’ensemble de la corporation au vu de leurs conditions socioprofessionnelles et de l’environnement hostile auquel elle est confrontée. «Une infime minorité a été laxiste mais dans sa majorité, elle est l’objet de nombreux obstacles.
Un professeur est menacé de violences à longueur d’année. Ce qui est alarmant, c’est que l’on observe ce phénomène chez les plus jeunes. J’estime que le ministère en est responsable car il a accordé aux écoliers des pouvoirs de déstabilisation. Dès qu’ils sortent dans la rue, on leur accorde un seuil de cours.
Désormais, pour eux, il n’y a plus de limite», a-t-il averti, ajoutant qu’au-delà de cette problématique, c’est un débat national sur l’école qui doit être initié.
«Il faut organiser une conférence nationale sur le sujet avec des participants du mouvement associatif, des syndicats, des parents d’élèves, il faut que se soit une large consultation d’où seront dégagées des solutions qui devront impérativement être mises en œuvre. Il faut aussi une synergie des forces syndicales, une convergence de vues sur les questions pertinentes de l’école, la réforme scolaire, la dignité de l’enseignant. Jusqu’à présent, chaque syndicat part en ordre dispersé et manifeste pour des détails.
Il faut que l’on crée un rapport de force sur le terrain, comme cela avait été le cas avec l’intersyndicale de l’éducation en 2004-2005. Cette lutte syndicale, nous nous devons de l’arracher et de la conduire pour nos élèves, pour le devenir de l’école algérienne», a-t-il souhaité.
S. B.