En dépit des propos rassurants du ministre algérien de l’Energie, l’attaque terroriste du 17 janvier sur un site qui produit près de 18% des exportations de gaz naturel algérien est «au moins aussi grave» pour le commerce énergétique que la perte (explosion) d’un train de liquéfaction à Skikda en 2004. Explications.
C’est une course contre la montre qui va être engagée dès cette semaine pour la remise en marche de l’usine de traitement du gaz humide provenant des quatre gisements du champ d’In Amenas. Des ingénieurs de Sonatrach pris en otages du mercredi au jeudi derniers sur le site gazier de Tiguentourine à In Amenas «sont déjà sur le départ pour leur lieu de travail après avoir passer le week-end avec leurs familles. Ils font preuve d’un engagement professionnel et patriotique admirable» a déclaré à Maghreb Emergent une source de la première compagnie nationale. Toutefois, le point de vue d’un expert en sécurité qui a déjà intervenu lors de la crise de 2004, lors de l’explosion d’un des trois trains de GNL au terminal gazier de Skikda, est plus mesuré sur les délais de remise en route du site de Tiguentourine. «Il faudra compter plutôt en mois qu’en semaines» a-t-il déclaré «les assureurs voudrons établir une audit complète de la sécurité industrielle de l’usine avant de rétablir leur couverture. Mais, le problème ne va pas se limiter au fonctionnement des équipements et à la fiabilité des tubulures et des réservoirs. Les équipes vont manquer pour tous les postes requis. La reprise dépendra aussi en partie du retour des employés des firmes étrangères». L’enthousiasme des survivants algériens de In Amenas, ne suffira donc pas pour retrouver le flux de production de ce site exploité par le consortium BP-Sonatrach-Statoil et entré en activité en 2006. La sécurisation du périmètre des trains de liquéfactions de Skikda a pris plus de six mois en 2004. «Je pense que deux à trois mois devrait suffire pour déclarer le site de Tiguentourine apte à la production. Mais il me parait difficile de faire plus vite compte tenu des dégâts occasionnés au site et aux risques liés à la dispersion de tirs d’armes automatiques» explique l’expert en sécurité. La base vie de son côté ne serait pas totalement réhabilitée pour accueillir, dans un délai inférieur au mois, tous les travailleurs nécessaires au fonctionnement de l’usine de traitement du gaz.
UNE CRISE D’APPROVISIONNEMENT «GERABLE»
Sonatrach et ses partenaires britanniques et norvégiens «vont se dépatouiller» pour assurer les fournitures à leurs clients européens. Un premier «split» a permis dans la nuit de jeudi dernier de palier une chute de 13% du flux de gaz naturel qui transite vers le marché italien à travers le gazoduc Enrico Mattei. 75 millions de mètres cubes par jour, prélevés à partir d’autres gisements gaziers en amont du gazoduc, ont permis de rétablir les volumes contractuels. La durée de l’arrêt de l’approvisionnement des clients de l’Algérie à partir du site d’In Amenas devient un enjeu commercial important, «les volumes disponibles pour maintenir le flux dans le gazoduc vers l’Italie ne sont pas illimitées» de l’avis d’une source proche de Sonatrach. Le consortium BP-Sonatrach-Statoil comptera, dans un tel contexte, comme allié le ralentissement de la consommation énergétique en Europe, qui a finit par toucher la demande en gaz naturel algérien. Pour le cadre de Sonatrach: «les pénalités juridiques provenant d’une rupture d’approvisionnement devraient être évités pour nous. Le marché européen du gaz est très bien fourni. S’il faut acheter sur le marché spot les quantités manquantes durant quelques semaines, cela ne sera pas une opération ruineuse pour le consortium de In Amenas».
LE «BOOSTING» PAR LES JAPONAIS PAS PRES DE REPRENDRE
Au-delà des incertitudes sur la durée de mise hors d’activité du site gazier de Tiguentourine, c’est la question du développement de la production qui risque de faire le plus problème durant l’année 2013. Deux trains de compression d’une capacité de 29,7 millions de mètres cubes de gaz par jour devaient être complètement livrés en août prochain. Leur rôle, remettre de la pression dans le gisement principal pour maintenir son plateau de production de 9 milliards de m3 par an et faire produire les trois autres gisements satellites (Hassi Farida, Hassi Abecheu et Ouan Taredert). Ce projet de «boosting» du champ gazier sera sans doute plus complexe à faire redémarrer que l’exploitation en cours. La compagnie japonaise JGC qui en avait la charge depuis mai 2011 a laissé un très lourd tribut dans l’attaque terroriste du 17 janvier. 09 travailleurs nippons ont laissé la vie durant la prise d’otage du site, et le gouvernement japonais demeure le plus véhément contre le choix prêté aux autorités algériennes d’avoir employé, très vite, la méthode forte. JGC n’est plus tenu de respecter les délais du contrat en EPC qui courre sur 28 mois. Si le redémarrage de la production est envisageable dans un horizon proche, la reprise du développement du champ gazier d’In Amenas menace d’être plus conflictuelle.