Le tribunal criminel d’Alger statuera, sauf imprévu, mercredi prochain dans l’affaire du chanteur Réda Sika et de pas moins de dix-sept autres accusés, après que les juges de la chambre criminelle de la Cour suprême aient accepté les pourvois en cassation formulés par les avocats de la défense constitués au profit des mis en cause.
Les magistrats de la plus haute instance judiciaire dans le pays ont conclu que les vices de forme discutés dans les mémoires des avocats étaient canoniques et ont relevé plusieurs anomalies dans l’arrêt judicaire qui ne comportait pas la signature du premier membre du jury, et les questions n’étaient pas spécifiées.
Le procureur général, Talbi Farid, muté à la cour de Tipasa a, au cours de son réquisitoire, requis, la réclusion à vie contre les accusés impliqués dans l’affaire de Ben Djemaa Réda connu sous le sobriquet de Réda Sikapoursuivis pour commercialisation de stupéfiants dans le cadre d’un groupe organisé spécialisé en matière de trafic de drogue.
Selon le procureur général, l’enquête préliminaire a été ouverte suite à des informations parvenues aux éléments de la police judiciaire faisant état qu’un groupe composé de stewards au niveau de la compagnie aérienne d’Air Algérie procédaient à l’importation de quantités de cocaïne depuis Bamako (Mali) et d’Espagne.
D’après une autre enquête des services des renseignements et de la sécurité dépendant du ministère de la Défense nationale, il s’est avéré que des stewards ont usé de leurs postes qu’ils occupaient au sein de cette compagnie pour s’esquiver à la fouille.
Suite à quoi, ils ont tendu une souricière en date du 2 octobre 2011 au fils d’un responsable d’Air Algérie au moment de sa descente de l’avion en provenance de Bamako. Après la fouille, les investigateurs du DRS ont découvert que Hallou Youcef dissimulait 5 sachets de cocaïne d’une quantité de 204,33 grammes.
Auditionné, le mis en cause a dénoncé tous les membres de l’association en question, en affirmant aux investigateurs qu’il acheté cette matière auprès d’un certain Brahim Idrissou qui logeait dans l’hôtel, où les stewards à Bamako fout leur réservation.
Informé, le juge d’instruction du pôle judiciaire d’Alger a ordonné une entraide judiciaire mais elle n’a pas pu être exécutée suite à la situation sécuritaire au Mali.
Le procureur général a par ailleurs affirmé que les faits sont formels pour tous les inculpés, arguant que toutes les preuves légales et matérielles relatives aux graves accusations sont fondées, notamment en ce qui concerne l’importation de cocaïne récupérée auprès de plusieurs accusés, à l’instar de Farsi Abdennour, Hellou Youcef, Chakib Slimane et Hadji Mounir.
Le procureur a en outre axé son intervention sur le rôle qu’a joué notamment le brigadier Hamoudi Mustapha qui exerçait au niveau de la sûreté de Ouled Fayet. Il a par ailleurs axé sur le rôle joué également par Guenaz Redouane, alors élément de la BRI d’Alger qui a tenté d’intervenir, selon les conclusions du procureur, en faveur du nommé Farsi Tayeb, et ce pour s’esquiver à la vigilance des services de sécurité ; mais il a été arrêté sur place, après avoir collaboré à l’arrestation de ce dernier.
Le procureur a purement et simplement rejeté les accusations portées à l’encontre des éléments de la police militaire arguant qu’aucun des mis en cause n’a déposé plainte dans ce sens.
Les avocats de la défense qui se sont succédé aux plaidoiries ont insisté sur les tortures exercées sur leurs clients comme l’a confié Me Miloud Brahimi : « Les accusés ont été bel et bien torturés par les services de sécurité.ils ont subi d’énormes sévices au cours de l’enquête préliminaire ».
En effet, c’est sous haute surveillance des éléments de la police judiciaire en faction à la cour de juridiction dirigé par les deux officiers dépendant de la Sûreté de daïra d’Hussein Dey, que le président du tribunal criminel d’Alger, Omar Benkharchi, entouré par Mmes Kazem Zahia et Benkara Keltoum, a procédé au cours des débats à l’appel de tous les mis en cause .
Il a ensuite demandé aux avocats des parties concernées, c’est-à-dire ceux des accusés et de la partie civile, à savoir la direction d’Air Algérie de formuler des demandes verbales ou écrites relatives à l’affaire.
Il a par la suite procédé au tirage au sort des membres du jury lequel s’est soldé par la désignation de deux membres, pour siéger dans ce procès qui a fait couler beaucoup d’encre au lendemain du démantèlement du réseau, composé de pas moins de vingt accusés.
Avant de donner la parole au greffier pour la lecture de l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation de la Cour d’Alger, cette dernière, c’est-à-dire (la lecture) a duré deux heures cinq minutes.
Appelé à la barre, les mis en cause qui se sont succédé se sont rejeté les chefs d’inculpation et ont axé leurs interventions sur les pressions exercées sur eux lors de l’enquête préliminaire par les services de sécurité et plus particulièrement par les agents du département des renseignements et de la sécurité dépendant du ministère de la Défense nationale(DRS).
L’un des principaux accusés répondant aux initiales de H.Y., 27ans, sans antécédents judiciaires, steward à Air Algérie, a sans hésitation aucune affirmé au président en charge du dossier qu’il en était un consommateur et que Slimane C., et Mounir Hadji procédaient à l’importation illégale de cocaïne.
Il a par ailleurs avoué avoir été à trois reprises chargé d’importer 240 grammes de cocaïne qu’il dissimulait dans des sachets en plastique pour les remettre à un certain Brahim qu’il a rencontré à quelques encablures d’El Achour, juste après sa descente du vol aérien reliant Alger-Bamako.
L’inculpé a, en outre, tenu à souligner au président que les policiers l’avaient arrêté puis remis aux services du DRS qui lui ont suggéré de demander à son complice de patienter, et ce dans le but de lui tendre une souricière tout en lui retirant son portable. Le même prévenu a déclaré que Slimane C., lui a déclaré qu’il avait l’habitude de faire transporter de la cocaïne.
A la question de savoir s’il connaissait les noms de certains accusés impliqués dans ce scandale, l’inculpé, qui est incarcéré à l’établissement pénitentiaire d’El Harrach, a cité trois noms, dont celui de Ben Djemaa Réda Abdellah, connu artistiquement par « Réda Sika « , poursuivi dans le cadre d’un groupe criminel organisé spécialisé en matière de commercialisation de cocaïne, au même titre que le neveu du célèbre réalisateur Lakhdar Hamina, Lakhdar Hamina Mounir.
L’incarcéré a indiqué qu’il exerçait au niveau d’Air Algérie depuis 2007 et que son premier vol qu’il avait effectué fut le 21 mai 2008. Le deuxième inculpé auditionné n’est autre que F. Abdennour, 36 ans, steward de son état.
Il a nié tous les faits qui lui ont été reprochés notamment au cours de l’enquête préliminaire et l’instruction judiciaire estimant que les aveux lui ont été retirés sous la contrainte du corps. Il a par contre reconnu avoir consommé au début des années 2000 de cette matière dure avant de s’arrêter en 2005 juste après son retour de la Mecque.
L’inculpé tant attendu, à savoir Réda Sika a d’emblée nié toutes les griffes rapportées dans l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation, estimant que ces dernières sont montées de toutes pièces par les services de sécurité. « Je n’ai rien à voir dans cette affaire.
J’ai subi des pressions de la part des enquêteurs qui m’ont dicté ce que je devais déclarer même au juge d’instruction. Ils sont allés jusqu’à me toucher dans ma dignité en m’affirmant que je ne verrais plus mon épouse et mes enfants », dira-t-il
Le chanteur incriminé qui a eu beaucoup de difficultés pour parler, s’en est ensuite pris aux journalistes en clamant haut et fort en direction du juge en charge du dossier qu’il a fait l’objet d’une sale campagne journalistique : « Les journalistes m’ont collé une étiquette dont je ne suis pas porteur. Ils ont publié des articles diffamatoires en me traitant d’être le baron de la cocaïne en Algérie.
Ils ont fait de moi le chef d’un réseau international spécialisé en matière de commercialisation de stupéfiants ». Mais il a été immédiatement contrarié par le président : « Je ne me réfère pas aux articles de la presse écrite pour juger ou condamner les mis en cause. »
Et d’ajouter : « Je ne comprends pas pourquoi quand les journalistes écrivent sur vous de bonnes choses vous vous taisez mais lorsqu’ils disent certaines vérités sur vous, vous vous retrouvez dans tous vos états ».
Il a par ailleurs rappelé au mis en cause qu’il ne s’agit pas là du procès des journalistes… . Interrogé à propos des faits qu’ils lui sont reprochés, l’inculpé a tout fait pour ne pas répondre aux questions pertinentes posées et par le président d’audience et par le procureur général. Il a nié avoir commercialisé cette matière mais il a par contre reconnu avoir sniffé de la cocaïne une seule fois dans sa vie en 2008.
Les autres accusés qui se sont succédé aux auditions ont rejeté les accusations en procédant à la même tactique, celle de dénoncer les pressions exercées sur eux par les enquêteurs du DRS. Mais ils ont par contre nié avoir passé de belles soirées dans des hôtels de luxe situés en plein cœur de la capitale, notamment celui d’El Djazair (Saint George), à quelques encablures du siège de la Présidence.
Parmi les derniers accusés interrogés figurent le brigadier de police qui exerçait à la sûreté de Ouled Fayet auquel il a été reproché d’avoir facilité la tâche aux mis en cause pour échapper aux barrages fixes dressés par les policiers à travers la capitale.
Guenaz Redouane, alors élément du BRI d’Alger, était poursuivi quant à lui pour avoir tenté d’intervenir en faveur de Farsi Tayeb arrêté en flagrant délit en possession de 30 grammes de cocaïne. Ce dernier pour esquiver aux éléments du DRS a proposé ses services pour l’arrestation du mis en cause.
Ces derniers sont parvenus grâce à une minutieuse enquête à mettre la main sur un steward qui faisait partie de ce gang qui allait gangréner la société avec la commercialisation de cette drogue, le 2 octobre 2011 en provenance de Bamako (Mali), suite à des informations qui leur ont été fournies dans ce sens.
Ce dernier a été arrêté par les services de sécurité, notons-le, à l’aéroport Houari Boumediene (Alger). Le chanteur, Réda Sika, a été, rappelons-le, condamné à cinq ans de prison ferme par le président du tribunal criminel d’Alger Omar Benkharchi.
Dans la même affaire, le même juge a prononcé des peines de deux à cinq ans de prison ferme. Il convient de signaler que le dossier a été confié à Mme Derrar Djebbari Meriem connue pour être méticuleuse dans son travail.