Le premier est présenté comme le « cerveau » des affaires de corruption et de malversations au sein de Sonatrach. La seconde, architecte et directrice d’un bureau d’études, a obtenu pas moins de 11 contrats avec cette compagnie pétrolière.
Les deux sont aujourd’hui au cœur de l’instruction menée depuis janvier 2010 dans le cadre de ce qui est appelé « l’affaire Sonatrach ». Lire également : Le nouveau ministre de l’Energie épure le secteur des proches de Khelil. Quand Chakib Khelil s’informait des enquêtes menées par le DRS sur la gestion de Sonatrach
Revoilà Réda Hemche. Ancien chef de cabinet de Mohamed Méziane, ex- PDG de Sonatrach placé sous contrôle judiciaire en janvier 2010 dans le cadre d’une affaire de corruption présumée, le nom de Réda Hemche revient avec insistance lors des audiences menées par le pôle judiciaire du tribunal de Sidi M’hamed, à Alger.
Selon les prévenus entendus par le juge d’instruction, ce proche de Chakib Khelil, ex-ministre de l’Energie, constitue un pivot central autour duquel s’organise la mécanique des passations de marchés de gré à gré ainsi que l’octroi de contrats non –conformes à la réglementation.
Onze contrats qui laissent perplexe
Réda Hemche aura usé de son influence au sein de l’entreprise pétrolière ainsi que de sa proximité avec l’ancien ministre (ils sont tous les deux originaires de H’ania, dans la région de Tlemcen) afin d’accorder pas moins de 11 marchés de gré à gré à un bureau d’études dirigé par une architecte du nom de Nouria Meliani.
Parmi ces contrats obtenus par cette architecte figure celui de la réalisation du Petroleum Club à Zéralda pour le compte de Sonatrach. Ce projet d’un montant de 8,709 milliards de dinars (120 millions de dollars) a été confié en juin 2004 à la joint-venture algéro-américaine BRC (Brown, Roots-Condor) laquelle a été dissoute au cours de l’été 2007.
Brown avait ensuite, ainsi qu’il a procédé systématiquement sur tous les contrats obtenus en Algérie, sous-traité le marché avec l’entreprise américaine William A. Berry & Son, Inc en empochant une marge de 65 %. Les études pour ce projet ont été élaborées par le bureau de Mme Nouria Meliani
Visiblement très introduite auprès de l’entourage de Sonatrach, cette dernière a encore obtenu deux autres gros contrats : Le premier concerne l’élaboration du cahier de charges pour la réalisation de l’Institut Algérien des Mines (IAM), à Tamanrasset, d’une surface de 20 hectares. Le cout de ce projet était de 11,9 milliards de dinars (165 millions de dollars).
Le second contrat touche à la réhabilitation du siège de Sonatrach à Ghermoul, Alger. Les études de ce projet d’un montant de 64 millions d’euros ont été confiées au bureau de Mme Nouria Meliani.
Une villa construite pour le compte de la mère d’un ministre
Quelques semaines après l’éclatement en janvier 2010 du scandale qui a balayé l’équipe dirigeante de Sonatrach, Mme Meliani a fait l’objet d’une attention particulière de la part de la cellule d’enquête et d’investigation du DRS (Département du Renseignement et de la Sécurité).
L’intérêt de ce département pour cette dame est d’autant plus particulier que celle-ci s’est arrangée pour faire construire, quelque mois plutôt, une villa au profit de la mère d’un ministre du gouvernement d’Ahmed Ouyahia dans le quartier de Canastel, sur la côte est d’Oran. Un cadeau en guise de remerciement pour services rendus ? Une faveur obligée ?
Elle fuit l’Algérie, s’installe France
Nouria Meliani a donc été entendue dans le cadre d’une enquête préliminaire par les officiers du DRS concernant les marchés qu’elle a pu obtenir de la part de Sonatrach.
Mais voila qu’au cours du printemps 2010, cette dame a réussi à quitter clandestinement le territoire national, via les frontières algéro-tunisiennes, pour se réfugier en France où elle possèderait des biens immobiliers.
Après quatre mois de fuite en France, elle a du se résoudre à revenir au bercail. C’est qu’ainsi qu’elle a été entendue dans le courant du mois de juin par le pôle judiciaire du tribunal de Sidi M’hamed pour s’expliquer sur les marchés qu’elle a obtenu de la part des dirigeants de Sonatrach.
Reda Hemche fuit le pays peu de temps avant le scandale Sonatrach
Le témoignage de cette architecte devrait être déterminant pour faire la lumière sur le rôle et la mission qu’exerçait Réda Hemche au sein de Sonatrach autant qu’il pourrait éclairer davantage la justice sur la puissance et de l’influence qui lui a conféré sa proximité avec Chakib Khelil, voire même avec celle du frère du président, Said Bouteflika.
Installé en Suisse, Réda Hemche a quitté l’Algérie à l’automne 2009 alors que le DRS avait déjà déclenché les premières investigations sur la gestion de Sonatrach. A-t-il fait preuve d’une prudence de sioux ou a-t-il été mis au parfum sur les enquête du DRS, toujours est-il que Hemche a fait la belle pour s’installer en Suisse. Dans son édition du 28 janvier 2010, le journal arabophone El Khabar indiquait que ce dernier a pris la tangente grâce au concours de « personnalités influentes » au sein du pouvoir.
Ancien agent consulaire devenu personnage influent
Un vrai personnage ce Réda Hemche. Ancien agent consulaire en Europe, cet homme originaire de Tlemcen a été arrêté et inculpé en 1997 à Marseille pour trafic de voitures avant d’être libéré suite à l’intervention des autorités algériennes.
Marié à une ressortissante turque, Hemche a transité par la Belgique, L’Espagne et la Turquie avant de s’installer en Algérie où il s’adonnait à un petit business entre Alger et Oran.
L’arrivée aux affaires de Chakib Khelil comme ministre de l’Energie et des Mines à la fin de l’année 1999 lui offre l’opportunité de connaitre une promotion aussi étrange que fulgurante. D’abord conseiller du ministre, responsable de la cellule marketing à Sonatrach, il devient progressivement un homme influent au sein de cette compagnie au point ou il s’est vu propulser comme chef de cabinet du PDG Mohamed Meziane. Placé au cœur de cette compagnie pétrolière, Hemche y faisait la pluie et le beau temps.
Qu’importe si son expertise dans le secteur du pétrole et du gaz faisait défaut, l’essentiel résidait dans les relations très amicales qu’il entretenait avec Chakib Khelil.
Jusque là confiné à la discrétion, le nom de Réda Hemche apparait publiquement en 2003 dans l’affaire du nouveau siège du ministère de l’Energie, situé prés de la résidence Chaabani, à Hydra. Ces deux tours avaient été acquises à l’état inachevé par Sonatrach avant que celle-ci ne confie le marché de leur réalisation à BRC.
Aussi bien au cours des interrogatoires effectués par les officiers du DRS à l’automne 2009 avec les cadres de Sonatrach que lors des auditions faites par le juge d’instruction du tribunal de Sidi Mhamed, Réda Hemche a été souvent cité comme étant le « cerveau » des affaires de malversation présumées pour lesquelles est aujourd’hui poursuivi le staff dirigeant de la compagnie pétrolière.
Des informations parues dans la presse algérienne révélaient qu’un mandat d’arrêt international a été émis contre l’intéressé, mais aucune autorité judiciaire n’a confirmé l’existence de ce mandat.