Dans cet entretien, le président du FCE aborde de manière succincte l’urgence d’un nouveau régime de croissance beaucoup moins appuyé sur la rente pétrolière, porté par l’entreprise de production créatrice d’emplois et de richesses et non par la dépense publique.
Liberté : Pourquoi avoir organisé une rencontre sur l’urgence d’une économie moins dépendante des hydrocarbures ?
Réda Hamiani : On a profité d’une conjoncture particulière : l’organisation prochaine des élections législatives. Il faudrait que les futurs députés aient une vraie connaissance des positions du patronat. La réalité économique, mise en évidence par les experts, c’est qu’en 2025-2028, nous ne compterons plus sur nos ressources pétrolières. Elles seront épuisées. Ce qui veut dire qu’il convient de trouver d’autres voies pour financer notre développement que l’économie nationale fonctionne sur d’autres bases. Cette nouvelle politique de gestion se résume à un désengagement par rapport à cette rente pétrolière. Il est temps d’agir pour remodeler l’économie algérienne tout en tirant profit de ses atouts. Il s’agit de faire jouer un rôle plus important au secteur privé qui a montré ses capacités de se redéployer, de créer des richesses, de favoriser l’emploi. Eu égard à ces éléments précités, le secteur privé constitue un important moteur de croissance. Ce qui est souhaitable, c’est que le régime de croissance actuel soit revu. Cela fait dix ans que la croissance est tirée par les dépenses publiques. C’est une bonne chose parce qu’il y a des retards à rattraper dans les infrastructures. En un mot, développer les infrastructures du pays, c’est une bonne chose pour le bon fonctionnement de l’économie. Mais ce régime de croissance doit être modifié pour donner place aujourd’hui à une croissance portée par les entreprises, faisant appel à plus de marchés et moins de budget. La critique que vous pouvez faire à ce régime de croissance est qu’il ne crée pas de richesses et ne favorise pas beaucoup l’emploi. Il est surtout éphémère dans le sens où si l’argent manque, on annulera le processus, toute l’économie s’arrêtera. On souhaite une orientation dirigée vers la microéconomie, c’est dire réunir les conditions de création des entreprises, les conditions de financement des entreprises. En somme, une politique de fonctionnement de l’économie plus adaptée aux entreprises, dans laquelle les administrations ne se contentent pas de position de contrôle tatillon et de censeur mais se mettent en position d’accompagnement et de facilitation pour que les entreprises puissent se développer.
Comment évaluez-vous de manière succincte l’évolution de la petite et moyenne entreprise au cours des cinq décennies d’Indépendance ?
On a bien eu une croissance de PME de 450 000 à 600 000 aujourd’hui. On s’en félicite. Mais par rapport au Maroc et à la Tunisie, si on adopte les mêmes standards, l’Algérie devrait compter 1,5 million de PME. La taille de ces entreprises est trop faible. On a un tissu de PME constitué à 95% de très petites entreprises (TPE). Très peu de PME sont dans l’industrie. Alors ce qui est très dommageable par rapport à la politique d’ouverture, on a beaucoup attendu de la mise à niveau des entreprises qui a été décevante par le passé. Et maintenant, on a le paradoxe de bénéficier de 5 milliards de dollars par la mise à niveau de 20 000 entreprises avec un soutien plus prononcé de la part de l’État. Mais un nouveau programme de mise à niveau n’a pas démarré. Il attend depuis deux ans. Il y avait un problème d’organisation qui est réglé aujourd’hui. C’est l’ANDPME qui conduira les opérations de mise à niveau. On s’en félicite. Second signal positif, le Premier ministre a débloqué le financement pour que ce programme démarre. On peut espérer que la mise à niveau devrait partir sur de bonnes bases et donner plus de résultats. En attendant, on n’a pas assez développé le tissu de PME. Les PME sont trop petites. Elles sont polluées par les pratiques informelles.
Quelles sont en résumé les principales propositions du FCE pour ériger une économie moins dépendante des hydrocarbures ?
On est drogué aux hydrocarbures. On est sous l’effet de cette drogue. On ne prend pas conscience des problèmes que peut créer une telle dépendance.
Malheureusement, les ressources financières tirées des exportations d’hydrocarbures vont à la Banque centrale. Elles sont placées en bons du Trésor américain à un taux d’intérêt de 2,5%. Et ce pétrole ne vaudrait-il pas mieux le garder dans le sous-sol, n’extraire que ce dont nous avons besoin.
Que la Banque d’Algérie ait 30 à 40 milliards de dollars de réserves en devises, c’est une bonne chose. Mais quand on a 200 milliards de dollars de réserves en devises et qu’on n’a pas une bonne utilisation, un emploi efficient de cette ressource financière, il vaut mieux laisser cette ressource naturelle en sécurité dans le sous-sol au lieu de l’extraire pour la transformer en papier américain soumis à la dépréciation et au risque financier. Quant aux propositions du FCE, 50, chiffre retenu en rapport avec 50 ans d’Indépendance, en bref résumé, elles se regroupent en quatre thèmes. Le premier thème, c’est la nature et le renforcement de l’investissement.
Dans ce volet, on va demander la révision de la règle du 51/49 parce que le 49/51 est très mal apprécié par la communauté internationale. On a proposé la modification de cette règle du partenariat avec les investisseurs étrangers en termes d’avantages, en fonction du volume d’investissement, le transfert de technologies, de la formation. Ceux qui ramènent plus par rapport à ces trois critères auront plus d’avantages. Il n’est pas normal qu’on laisse un étranger faire du commerce extérieur (importation dans ce cas), il ne rapporte ni technologie ni formation, on lui permet de disposer de 70% du capital alors que pour un investisseur local dans la production, on ne lui donne que 49%. En revanche, un investisseur étranger qui veut construire un hôtel, en quoi cela gêne qu’on le laisse investir à 100%.
En somme, pour la règle du 51/49, il vaut mieux laisser la place à la négociation avec les investisseurs étrangers. Par contre, dans les secteurs stratégiques de l’économie, effectivement, la partie algérienne devrait être majoritaire : hydrocarbures, banques, technologies de l’information et de la communication, les transports. La règle du 51/49 à tous les secteurs et à tout le monde n’est pas bonne. On demande aussi qu’on supprime les autorisations pour investir sauf si on demande des subventions de l’État. On passe alors par l’Andi…
K. R