Réda Hamiani président du fce à propos du scandale de la Sonatrach

Réda Hamiani président du fce à propos du scandale de la Sonatrach

«Un impact très mauvais pour le pays»

Sonatrach, la principale source de revenus de l’Algérie est actuellement au centre d’un éclaboussant scandale. Son ampleur ne se limite indubitablement pas à l’image du management de l’entreprise, c’est toute l’Algérie qui est pénalisée.

Il s’agit d’un « coup fatal » à tous les efforts de transparence et de bonne gouvernance entrepris jusque-là par l’Algérie. Au vu des énormes scandales de corruption qui s’entassent et qui éclatent d’années en années, conjugués à celui de Sonatrach, le crédit politico-économique de l’Algérie sur la scène internationale pourrait être considérablement compromis.

C’est en somme ce que nous a déclaré Réda Hamiani président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), En marge de la cérémonie de signature de contrats de réalisation de projets d’hôtellerie, tenue, hier à l’hôtel El Aurassi, à la faveur de l’interview qu’il nous a accordée.

Peut-on savoir votre réaction concernant le scandale qui secoue actuellement Sonatrach ?

On est bien sûr surpris que ce soit aussi important et que ça touche la première société en Algérie et en Afrique. On a une idée sur les réseaux de corruption et sur cette gangrène qui ronge les structures économiques algériennes et surtout les centres de décision.

Mais on n’a pas imaginé que ce soit à la tête de ces grandes sociétés. De l’autre côté, c’est rassurant parce qu’on constate que l’appareil judiciaire fonctionne et que nul n’est au dessus des lois, quelle que soit l’importance des personnes qui ont été mises sous examen, c’est rassurant que l’arsenal juridique que nous avons soit appliqué dans tous les cas de figures.

Ce qu’on estime maintenant raisonnable, c’est de trouver des moyens pour ne pas décapiter des staffs dirigeants de sociétés aussi importantes pour l’image du pays et pour l’intérêt de l’économie, parce que la Sonatrach est tout de même au centre d’un certain nombre d’activités toutes aussi vitales les unes que les autres.

Donc, nous disons oui au respect de la loi, mais peut-être en prenant en compte les intérêts supérieurs du pays afin de ne pas trop ternir l’image de notre économie et de notre pays. Donc il faudrait qu’on puisse trouver des transitions harmonieuses qui préserveront les intérêts de notre pays, à travers cette économie pétrolière, tout en ayant le souci d’appliquer la loi dans sa plus grande sévérité et dans la neutralité. Voilà ce qu’inspire comme commentaire cette affaire.

Nous assistons, ces derniers temps, à des enquêtes ciblant plusieurs secteurs et administrations et, de ce fait, plusieurs scandales ont été révélés. Croyez-vous qu’il s’agit d’une volonté politique réelle de nettoyer, notamment, les centres décisionnels algériens des responsables corrupteurs ou s’agit- il seulement d’un vent de passage ?

Effectivement, cette fois-ci, on le sent d’une façon plus nette.On a eu des discours dans le passé qui n’ont pas eu de résultats concrets, mais là on sent une résolution et une détermination de nos autorités à vraiment éradiquer ce phénomène qui, entre-temps s’est beaucoup développé, il faut le reconnaître.

Mais peut-être qu’au lieu de mener de façon ponctuelle des opérations aussi importantes et en même temps déstabilisantes et cela atteste ainsi que les mesures de contrôle en continu en interne, ne sont pas suffisantes, plutôt que de procéder à des contrôles rigoureux par nos services de sécurité.

Il serait plus important et intéressant de mettre en place des procédures de contrôle qui fonctionneront en continu pendant 360 jours et qui veillent donc à encadrer ces activités extrêmement importantes et vitales, plutôt qu’une fois tous les deux ou trois ans en bouleversant tout : la justice, l’appareil répressif, les forces de sécurité etc. Bien sûr on est heureux qu’il y ait des attitudes aussi importantes qui prouvent la bonne volonté des autorités à combattre ces perversions.

Mais pour l’avenir, notamment en ce qui concerne les dépenses publiques qui constituent la source principale des déviations que nous constatons, il serait plus intéressant de s’organiser en un appareil de contrôle animé par des auditeurs et spécialistes et qui puisse arrêter tout de suite toutes les observations qui aurait été constatées en dehors de l’application des textes.

C’est mieux que de faire des opérations coup de poing d’envergure et déstabilisantes et qui détruisent beaucoup l’image de notre pays et de notre économie.

Comment imaginez-vous l’avenir de Chakib Khelil, premier responsable du secteur, après avoir déclaré qu’il ignore complètement cette affaire ?

Pour l’instant, on n’a pas de recul et puis c’est à la justice de définir le sort de chacun. Et dans la mesure où il y ait une suite juridique, on ne peut pas se substituer à la justice. D’une part, parce qu’on n’est pas habilité à le faire et parce qu’on a pas tous les éléments du dossier, et d’autre part, on n’est pas une structure d’arbitrage. C’est une question pour laquelle on ne peut pas répondre directement.

Et pour ce qui est de l’impact de cette affaire sur notre pays et sur le crédit de Sonatrach à l’échelle internationale ?

L’impact est très mauvais pour le pays. On se pose des questions. Sonatrach n’est pas n’importe quelle société, on parle là de la onzième société mondiale et de la première en Afrique dans le secteur des hydrocarbures.

Elle emploie plus de 120 000 personnes et fait un chiffre d’affaires comparable à des revenus nationaux de certains pays, donc c’est un séisme qui ne sert pas l’Algérie, dans la mesure où elle vit encore une fois un scandale supplémentaire par rapport à tout ce qui était enregistré auparavant. On peut reprendre l’affaire de Khalifa et ça continue. L’affaire de Sonatrach est donc le couronnement ou disons la version extrême de ce qu’on peut imaginer.

L’image du pays en prend un coup sur le plan du classement par rapport à la corruption, sur le plan d’environnement des affaires, sur le plan de difficultés de réussir ses affaires en Algérie sans avoir à verser des pots de vin.Tout cela est négatif. Il ne faut pas se cacher cette réalité.

C’est pour cela qu’il faut être circonspect pour gérer cette affaire de façon fine et un peu diplomatique en prenant en compte les impacts négatifs qui pourront être le résultat de décisions prises à l’emporte pièce, parce que le monde entier nous observe.

Dans d’autres pays, ils savent laver leur linge sale en famille. Bien sûr, nous, nous avons l’avantage d’avoir une presse libre qui peut nous servir, mais ça a un effet également boomerang parce que ces informations diffusées comme on vient de le dire avec les impacts négatifs enregistrés dans la conduite des affaires de cette première société, posent des problèmes.

En se disant qu’est-ce que fait l’État, pourquoi depuis le temps qu’on en parle il n y a pas de mise en place de mécanismes précis d’encadrement des activités ? Donc tout cela concours à annuler tous les effets positifs qu’on a enregistré dans des campagnes précises pour améliorer l’image du pays.

Il faut le reconnaître que cette affaire est un coup fatal à toute la politiques menée ces dernières années en vue de donner une image d’une Algérie transparente, en ce qui concerne la prise de décision et de conformité au droit etc. Çà ce n’est pas du tout bon pour l’Algérie.

Interview réalisée par Hamid Mohandi