Rencontré en marge du symposium sur la sécurité alimentaire organisé aujourd’hui à l’hôtel Sheraton d’Alger, le président du Forum des chefs d’entreprises, Réda Hamiani a bien voulu répondre à nos questions sur ce thème considéré comme stratégique pour le pays.
L’Econews : En organisant cette rencontre sur la sécurité alimentaire en Algérie, à quoi veut aboutir le FCE ?
Réda Hamiani : Il faut dire aujourd’hui qu’on est l’un des rares pays au monde à développer une industrie agroalimentaire basée sur les importations des matières premières. Ce que nous voulons à travers ce séminaire, c’est transposer les problèmes des industriels de manière à créer une synergie entre les différents acteurs et arriver à une production issue des produits du terroir. C’est là le sens et l’objectif de cette rencontre qui sortira avec une série de propositions pour réduire la dépendance des importations en céréales et lait.
Comment conçoit justement le Forum des chefs d’entreprises le développement du secteur agricole algérien ?

Nous sommes totalement d’accord avec la politique tracée par les pouvoirs publics afin d’améliorer la productivité et d’assurer la sécurité alimentaire. Mais, il faudrait penser maintenant à mieux organiser le soutien de l’Etat à l’agriculture. La subvention doit être mieux ciblée et destinée à ceux qui n’ont pas les moyens. Des pays qui continuent à soutenir l’agriculture privilégient les producteurs et non pas le produit final de consommation. Donc, le soutien direct à la consommation décourage les opérateurs. Il y a lieu d’encourager la production en amont de manière à améliorer l’offre. C’est là le grand défi de notre gouvernement. C’est difficile de l’envisager de manière radicale, car le choix a été porté sur l’apaisement du climat social. Mais il est nécessaire d’y réfléchir et revenir à une logique plus orthodoxe de favorise l’amont, c’est-à-dire la production et non pas la consommation.
Est-ce qu’il est possible pour l’Algérie d’assurer sa sécurité alimentaire alors que le secteur agricole dépend largement de la pluviométrie ?
Dans le Sud algérien, il existe une mer intérieure, d’après des experts de l’hydraulique. Le problème de l’eau ne se pose pas aussi de manière égale sur tout le territoire algérien. On peut citer les régions de l’Est, telle que Constantine, Jijel et Annaba où le problème de l’eau ne se pose pas de la même manière que les régions de l’Ouest.
Le gouvernement a investi dans le dessalement et soutient les projets d’irrigation aux profits des grandes surfaces d’exploitation. Réellement, le problème de disponibilité de l’eau pour les cultures de maïs et de céréalicultures ne se pose pas.
Il faut aussi relever au passage que nous sommes obligés de travailler la terre et d’assurer les besoins nationaux. Nous avons assisté en 2008 et en 2009 à des pénuries de matières alimentaires.
Les Chinois et les Indiens avaient refusé de vendre leurs stocks de riz. Le monde entier ne dispose que de deux mois de stocks de matières alimentaires. Il suffit que les Chinois décident de consommer un croissant par jour pour qu’il n’y ait plus de farine sur le marché mondial.
Ce n’est pas une menace, mais une réalité à prendre en compte de manière urgente. La sécurité alimentaire ne se pose pratiquement plus en termes de coûts, mais en en termes de disponibilité des produits. Il ne faut plus faire de calculs économiques savants. Nous n’avons pas le choix.
Que devrait entreprendre, selon vous, l’Algérie à moyen terme pour réduire les importations alimentaires ?
Le lait en poudre importé coûte en moyenne 900 millions de dollars par an. C’est un facteur handicapant pour les éleveurs qui veulent assurer la production laitière à des prix concurrentiels.
Mais, peu à peu, le secteur agricole arrive à desserrer l’étau avec la multiplication du nombre d’électeurs professionnels disposant de fermes laitières conventionnées avec des transformateurs. Cette politique est valable pour les autres filières agricoles qui enregistrent de plus en plus des avancées notables.
C’est un travail de longue haleine qui nécessite des politiques durables et audacieuses.
Ne pensez-vous pas que l’Etat devrait réfléchir sérieusement à la libéralisation des prix ?
Dans l’absolu, c’est l’unique solution pour assurer la durabilité de la politique agricole. Mais, il ne faut pas oublier que le marché algérien est miné par le secteur informel y compris dans le domaine de l’agroalimentaire. Des acteurs ont profité de cette situation et faussent aujourd’hui tous les calculs de la concurrence. Les mécanismes de régulation ne sont pas encore bien ancrés dans ce secteur.
Propos recueillis par Fayçal Abdelaziz