Réda Amrani «L’Algérie peut accueillir 4 grands constructeurs d’automobiles»

Réda Amrani  «L’Algérie peut accueillir 4 grands constructeurs d’automobiles»
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Consultant et expert en industrie, Réda Amrani estime que le marché algérien de l’automobile est potentiel, ayant les capacités d’accueillir quatre grands constructeurs. Il recommande dans cette optique une stratégie industrielle ciblant non seulement les marques françaises, mais également allemandes, anglaises et italiennes.

Le Temps d’Algérie : Des groupes mondiaux de l’industrie automobile ont manifesté leur intérêt pour investir dans la fabrication en Algérie de véhicules de tourisme. Pensez-vous que l’Algérie est un marché porteur ?

Réda Amrani : le marché algérien est l’un des plus importants en Afrique. Nous avons des données qui illustrent la taille de ce marché. Il s’agit du nombre de véhicules en circulation qui dépasse les 5 millions. Nous allons atteindre un nombre de 40 millions d’habitants dans quelque temps.

La moyenne d’âge des véhicules est de 10 ans. A partir de ces données, on peut conclure qu’il faudrait en moyenne 500 000 voitures neuves par an. L’Algérie importe annuellement près de 220 000 véhicules tous types confondus. Les industriels de l’automobile disposent d’un marché potentiel et peuvent avoir une part de 100 000 véhicules par an.

LG Algérie

Le marché algérien peut donc accueillir quatre grandes marques et non seulement les deux groupes qui sont actuellement intéressés, à savoir Renault et Volkswagen. Le pays a besoin de trois grands complexes de fabrication de voitures et d’un ensemble de sociétés de sous-traitance. Nous avons besoin également d’usines de fabrication de pneumatiques avec des capacités de 300 000 unités.

Certains experts estiment que l’Algérie ne dispose pas d’infrastructures et de sociétés pouvant contribuer à l’émergence de l’industrie automobile. Quel est votre avis ?

Je ne partage pas totalement cet avis. L’Algérie était déjà un pays fabricant de véhicules. Le groupe Renault avait fabriqué des voitures jusqu’à l’année 1973. Mais la décision de nationalisation du complexe de l’automobile prise à l’époque par les autorités algériennes n’a pas été appréciée par le gouvernement français.

C’est ce qui avait conduit au retrait de Renault du marché algérien. Il s’agissait à mon avis d’une sanction à l’égard de l’Algérie. Il faut rappeler que l’Algérie a réussi un partenariat avec les industriels allemands. C’est d’ailleurs ce partenariat qui a permis de développer les véhicules industriels et le matériel de machinisme agricole. Nous avons deux grands complexes qui fonctionnent aujourd’hui,

certes avec des difficultés, qui sont la SNVI et le Complexe de machinisme agricole (CMA). Maintenant, il est clair que le travail à accomplir en la matière est colossal et nécessite une politique cohérente avec des objectifs précis.

Pensez-vous que les groupes asiatiques peuvent venir investir en Algérie dans ce secteur ?

A mon avis, il ne faut pas trop compter sur ces groupes. La première vocation de ces industriels est celle de l’exportation. Ils considèrent le marché algérien comme une cible. Et d’ailleurs ils réalisent de bons résultats en Algérie.

Est-ce que l’Algérie offre des conditions attractives pour attirer des industriels de l’automobile ? La main-d’œuvre algérienne est-elle qualifiée et moins chère que celle des autres pays de la région ?

Indépendamment des efforts qu’il faudrait accomplir pour concrétiser les projets de fabrication de véhicules, le marché algérien dispose d’une main d’œuvre qualifiée et compétente.

Nous avons en moyenne 500 000 diplômés de la formation professionnelle qui arrivent annuellement sur le marché de l’emploi, sans oublier le nombre important de diplômés universitaires qui sont formés par des instituts et des écoles de qualité. Beaucoup de nos diplômés sont recrutés à l’étranger par de grandes puissances économiques. Sur ce plan, il n’y a pas d’inquiétude.

Quant à la rémunération, la situation du dinar algérien est très favorable aux investisseurs étrangers. Les niveaux de rémunération en Algérie ne sont pas aussi élevés comme certains pays de la région. C’est vous dire que de tels projets d’investissements sont réalisables pourvu qu’une volonté soit manifestée.

Comment expliquez-vous le temps pris dans les négociations entre le groupe Renault et les autorités algériennes pour la réalisation de ce projet de fabrication de voitures ?

Sincèrement, je m’interroge personnellement sur les négociations menées actuellement par le groupe Renault avec l’Algérie. Ce fameux projet date depuis des années.

Ce qui m’amène à dire qu’il y a des problèmes plutôt d’ordre politique et historique entre les deux parties. Le groupe Renault veut plutôt investir au Maroc et exporter vers l’Algérie. C’est la stratégie tracée depuis des années. Mais, avec les nouvelles données politiques et économiques en Algérie, le groupe français a entrepris des négociations qui seront, à mon avis, longues et ardues.

C’est pour cette raison qu’il est indispensable au gouvernement algérien d’entreprendre des discussions avec les constructeurs allemands, britanniques, italiens et suédois, plus aptes et avec lesquels il n’existe pas de contentieux politiques. Avec nos partenaires allemands, nous avons réalisé les véhicules industriels d’agriculture les plus solides au monde. L’expérience a été une réussite totale.

Il faudrait explorer et développer ce type d’initiatives. Le partenariat avec les constructeurs français ne doit pas être l’objectif principal, car ces industriels veulent investir au Maroc, pour des considérations politiques et non économiques.

Selon vous, les capacités d’absorption du marché algérien sont plus importantes dans tout le continent africain ?

Nous avons un réseau routier digne d’un pays européen. Notre pays est pratiquement un continent. Les routes sont toutes goudronnées sans oublier le réseau important de stations-services. Ajoutons à cela le service après-vente et le nombre de mécaniciens en activité.

Si l’Algérie parvient à créer sa propre industrie de l’automobile, elle pourra développer toute l’industrie. L’industrie automobile implique toute une chaîne d’activités, à commencer par les usines de pneumatiques, des pièces de rechange et autres composants. C’est un secteur stratégique qui permet la création d’emplois et une valeur ajoutée. Il faut réfléchir à cette question de manière à barrer la route à l’importation.

Propos recueillis par Farouk B.