Rectorat de Bejaia : 11 étudiants menacés d’exclusion, les enseignants dénoncent des «dérives»

Rectorat de Bejaia : 11 étudiants menacés d’exclusion, les enseignants dénoncent des «dérives»

Après les menaces, le recteur de l’université de Bejaia passe à l’acte. Au moins 11 étudiants, membre du comité local autonome, ont été destinataires jeudi 7 avril de convocations leur enjoignant de comparaître devant le conseil de discipline. Prévu ce jeudi 14 avril, la comparution n’a pas eu lieue, chahutée par un sit-in des étudiants devant le siège du rectorat. En colère, les enseignants, exigent l’annulation des poursuites et la mise en place d’une commission d’enquête indépendante.

Après la réunion du conseil de la direction, environ 80 étudiants de l’université de Bejaia encourent des poursuites judiciaires et sont menacés d’exclusion.

Mahmoud Allouche, 22 ans, étudiant en 2e année droit, a reçu, en compagnie de 10 de ses camarades, une convocation pour comparaître devant le Conseil de discipline devant se réunir ce jeudi.

Pour défendre leurs collègues, les étudiants ont observé un sit-in de protestation devant le rectorat de l’université. « Les étudiants ont empêché la tenue du conseil de discipline », raconte à DNA Mahmoud, également membre du comité de la Faculté de droit et des sciences politiques de Bejaia.

Lors du rassemblement, les étudiants protestataires ont réclamé l’annulation des poursuites judiciaires et disciplinaires à l’encontre de leur camarades et le départ du recteur, Djoudi Merabet, ajoute notre interlocuteur.

Les étudiants que le rectorat a accusé d’avoir saccagé le siège du rectorat avant de les convoquer à comparaître devant le conseil de discipline, « n’étaient même pas présents lors du saccage du rectorat », soutient Mahmoud.

Mercredi 13 avril, veille du conseil de discipline, des dizaines d’étudiants, solidaires de leurs camarades convoqués, ont initié une marche spontanée du campus de Targa Ouzemmour vers le siège de la wilaya. Au cours de cette manifestation, ils ont réclamé la tête u premier responsable de l’université

Pour Mahmoud, l’un des animateurs de la coordination nationale autonome des étudiants algériens, (CNAE) laquelle a organisé une grande marche mardi 13 avril à Alger, les récentes décisions du conseil de direction constitue une compagne « d’intimidation ».

« Ils [membres du conseil direction, NDLR] veulent étouffer le mouvement de contestation des étudiants. Ce n’est pas un acte isolé. Il y a déjà eu harcèlement et menaces contre des étudiants dans certaines universités du pays à Alger et à Tizi Ouzou », dit-il.

Pour Mahmoud, le recteur joue avec le feu. « Il est dans une situation délicate. Il est débordé par des mois de grèves et par une dizaine de marches et de rassemblements. Au lieu que le conseil de direction se réunisse pour proposer des solutions, il enflamme la situation parce qu’il n’a aucune solution à proposer à nos revendications », note cet étudiant en droit.

Et de poursuivre : « Ça fait longtemps qu’il est recteur, et voila le résultat de ses deux mandats. Ça légitime notre revendication de démocratisation de l’université. S’il était élu sur la base d’un programme, il aurait des comptes à rendre. »

Visiblement, les étudiants de l’université ne sont pas intimidés par « les manœuvres » du recteur. « Dans une conjoncture pareille, les étudiants n’ont pas peur parce qu’ils sont mobilisés. Tous les comités locaux du CNAE ont exprimé leur solidarité avec les étudiants de Bejaia », estime Mahmoud,

Ce dernier pronostique que le recteur finirait par faire marche arrière et abandonner les poursuites judiciaires et disciplinaires. « Il sera forcé de les annuler, car nous ne sommes pas prêt du lâcher du lest», affirme-t-il.

Des assemblées générales devront se tenir sous peu au niveau de chaque département et campus universitaire pour donner des suites au mouvement de grève.

Les enseignants de l’université de Bejaia ne sont pas restés indifférents. Deux de leurs collègues sont accusés par le recteur d’avoir soutenu les étudiants dans la saccage du siège rectorat

Fustigeant derechef « le contenu du PV du conseil de direction », les enseignants estiment que celui-ci « constitue une atteinte grave à l’éthique et à la déontologie de l’université » et relève d’une « diversion pour éluder la responsabilité du recteur quant à l’origine de la violence ».

« L’intrusion du recteur accompagné d’agents de sécurité au niveau de la table d’information des étudiants est une provocation. C’est une atteinte à la libre expression dans l’espace universitaire. Cette action a engendré une agression physique sur un étudiant de la Faculté de Droit et des Sciences Politiques », selon une déclaration rendue publique par les enseignants.

Qualifiant de « dérives » les décisions du conseil de direction, ils exigent « l’annulation des poursuites engagées contre nos étudiants » et réclament « une commission d’enquête indépendante qui situera les responsabilités ».

Les enseignants qui condamnent la gestion de l’université par « la menace et la violence », soulignent que le « changement immédiat au sein de notre établissement est indispensable ».

« Nous restons, cependant, convaincus que le salut de l’université passe par la consécration du principe de gestion démocratique (élections aux postes de responsabilités) », estiment-ils.

Un rassemblement des enseignants se tiendra devant le rectorat le mardi 19 Avril à 10h.