A chaque été son lot de casses. Les cambriolages des maisons prennent une proportion alarmante durant la période des vacances. Les vols par effraction sont commis généralement pendant les jours fériés et les week-ends. Les services de sécurité enregistrent une moyenne de 5 à 10 plaintes par semaine. Particularité de ces malfaiteurs : ce sont, pour la plupart, des repris de justice. Leur credo : la discrétion. Ils se font passer pour des vendeurs ambulants, des agents commerciaux, des agents de Sonelgaz, de l’ADE ou de l’OPGI. Mais il y a aussi des collecteurs de pain rassis et des mendiantes, selon la police et la gendarmerie. A ces deux catégories, s’ajoutent ce que les enquêteurs appellent « des vols de confiance » commis par des proches, des voisins, des femmes de ménage ou des nourrices.
Vous aimez l’été, les vacances, les voyages et tutti quanti ? Eh bien, vous n’êtes pas les seuls. Les cambrioleurs aussi. Mais ce n’est pas pour les mêmes raisons. Eux n’ont qu’une idée en tête, s’introduire dans votre maison pour la dévaliser une fois que vous l’ayez quittée pour des vacances, une fête de mariage ou un week-end. Plus de 110 cas ont été enregistrés ces deux derniers mois sur l’ensemble du territoire national. Alger vient en pole position, suivie d’Oran. Durant cette période, la capitale a enregistré une dizaine de cambriolages sans qu’aucun malfaiteur ne soit appréhendé. Singularité : ces actes ont été perpétrés en plein jour. Les auteurs ont fait preuve d’audace. Ils se sont emparés, non seulement d’objets de valeur, mais aussi d’appareils électroménagers et même d’immobilier. « Il s’agit d’une vraie vague de cambriolages », affirment des habitants de l’ouest d’Alger, région de prédilection des cambrioleurs. Zéralda, Souidania, Mahelma, Rahmania, Chéraga et Ain Benian sont particulièrement visées. Mais l’est de la capitale aussi connaît cette année une montée certaine du phénomène. Des appartements ont été la cible de cambrioleurs professionnels armés. Au domicile du propriétaire d’un établissement hôtelier, lors de leur « visite », les voleurs étaient munis d’armes à feu.

LE FLAIR DES CASSEURS
Selon les rapports des services de sécurité, le phénomène connaît un pic durant la période allant du mois de juin à la mi-septembre, mais aussi durant les jours fériés et les occasions de mariages et de décès. « Les études réalisées par nos services ont fait ressortir que 80 % environ des cambriolages sont commis durant la période de l’été », affirme un officier au niveau de la direction de la police judiciaire. Particularité : ces vols sont perpétrés entre 13 h et 17 h. Avant de passer à l’acte, les voleurs surveillent le domicile ciblé. « Une fois assurés qu’ils peuvent opérer sans problème en l’absence des propriétaires, ils passent à l’action », souligne un rapport de la police. Une enquête diligentée par les services de la Brigade de recherche et d’investigation (BRI), relevant de la police judiciaire de la Sûreté de wilaya d’Alger, a fait ressortir que les auteurs planifient minutieusement leur acte. Ainsi, les membres d’un réseau qui a été démantelé visaient les quartiers résidentiels à Chéraga. Ils ciblaient des cadres, des commerçants et des hommes d’affaires à l’ouest d’Alger. Selon un autre rapport établi par la Gendarmerie, les cambrioleurs choisissent particulièrement les domiciles de bijoutiers, de commerçants et de hauts cadres où « le butin est assuré ». Ce qui attire d’abord ces délinquants c’est le moyen de locomotion de leur victime. Une voiture de luxe est synonyme d’un appartement bien équipé. Seconde étape : la surveillance de ses faits et gestes, son emploi du temps et ses fréquentations. Parfois, les cambrioleurs ne s’embarrassent pas de détails. Ils passent à l’acte même si le domicile ciblé est habité. Avec toutefois cette précaution : que la victime soit seule. Ainsi, le réseau de Chéraga avait recruté une jeune fille. Elle était chargée de frapper à la porte de la maison ciblée en faisant semblant de chercher un voisin en donnant un nom qui existe sur la boîte à lettres de l’immeuble. La victime qui a ouvert la porte, en toute confiance, s’est tout de suite retrouvée ligotée par les acolytes de la jeune fille. Les cambrioleurs ont pris la fuite en toute quiétude après avoir pris argent, bijoux et autres objets de valeur, profitant du calme qui règne dans les quartiers résidentiels. Autre mode opératoire : le recrutement d’enfants qui se font passer pour des collecteurs de pain rassis, pour surveiller les maisons. Une fois une maison vide repérée, les voleurs sont alertés.
L’OMERTA
Les nouvelles cités n’échappent pas aux malfaiteurs. A l’exemple de la cité AADL d´El Achour qui a fait l´objet d´un cambriolage en plein jour. « Les casseurs profitent du fait que les voisins ne se connaissent pas encore », souligne un rapport de la police. Mais parfois les cambrioleurs s’avèrent être les plus proches voisins ou des membres de la famille. Les victimes ? Généralement des émigrés, euro oblige. Pour éloigner tout soupçon, ils simulent un cambriolage alors qu’ils possèdent les clefs de la maison à l’exemple de la récente affaire traitée par les gendarmes d’El-Oued où une maison a été dévalisée avec la complicité de l’ex-épouse du propriétaire. « Près de 80 % des malfaiteurs pénètrent par la porte d’entrée, le plus souvent en milieu urbain », indique le rapport de la police. Les responsables des services de sécurité estiment que la lutte contre ce phénomène n’est pas l’affaire seulement des policiers ou des gendarmes. « Le citoyen doit s’impliquer aussi », rappelle un officier de police qui précise qu’un cambriolage dure en moyenne 20 minutes. « Mais généralement, personne n’a rien vu ni rien entendu alors qu’on a enregistré des cas de vols en plein jour. Récemment, un appartement situé au 3e étage d’un immeuble a été totalement vidé y compris de ses meubles et on n’a enregistré aucun témoignage. Il est vrai que le citoyen a peur des représailles mais il est possible de faire appel anonymement au numéro vert de la police ou de la gendarmerie », souligne l’officier de police. Pour le lieutenant-colonel Kerroud, responsable de la communication auprès de la Gendarmerie nationale, si le phénomène prend de l’ampleur en période d’été et pendant les week-ends c’est aussi parce que les propriétaires des maisons n’informent pas les services de sécurité de leur absence. « On invite toujours les citoyens à informer nos brigades de leur déplacement. Cela permettra de renforcer la sécurité à travers la multiplication des patrouilles dans ces quartiers », affirme l’officier supérieur.
DES VICTIMES SANS PRISE EN CHARGE
Un cambriolage provoque un traumatisme extrême chez les victimes, surtout les enfants. Et pour ne rien arranger, notre pays ne prévoit aucune prise en charge psychologique de cette catégorie. « Les victimes sont tout simplement ignorées », souligne Wassila Boukaoula, psychologue chargée du suivi au commandement de la Gendarmerie nationale. Pourtant, découvrir son appartement vidé et saccagé est pour les psychologues une forme de viol. « Les victimes sont exposées à des troubles post-traumatiques, ce qui provoque une crise psychologique qui pourrait être chronique. Celle-ci induit un traumatisme traduit par un sentiment de peur et de stress permanents qui poussent ces victimes à quitter leur domicile. Les cas des enfants sont plus compliqués même s’ils n’assistent pas à l’incident ». « Les enfants sont des êtres très fragiles. Ils souffriront d’un sentiment permanent d’insécurité qui aura des effets sur leur formation morale. Car la maison est censée être un milieu de sécurité pour lui. En cas de cambriolage, ce sentiment est violé. L’enfant sera déstabilisé moralement parce qu’il perd un repère, un refuge », ajoute la psychologue.
Neïla B.