La situation des réfugiés subsahariens à Annaba est de plus en plus préoccupante. Les dizaines de familles installées sur les places publiques de la quatrième ville du pays sont quotidiennement confrontées à des défis de toutes sortes.
Accusés de porter tous les maux imaginables, Sida, Ebola, escrocs ou biens voleurs, les réfugiés subsahariens n’ont cessé d’être stigmatisé et marginalisé depuis leur arrivée en Algérie. À présent ces réfugiés font face à une nouvelle forme d’agression, alors qu’ils n’ont personne vers qui se tourner. Depuis quelques semaines, les familles maliennes qui demandent l’aumône au centre-ville de la commune chef-lieu, font face à une vague de violence entretenue par les mendiants de la région.
Ces derniers les chassent des lieux publics où ils ont trouvé refuge. Depuis le rond-point Souidani Boudjemaa jusqu’à la Colonne, plusieurs familles de réfugiés ont pris position sur les trottoirs pour demander l’aumône. « Nous n’avons nulle part où aller, nous dormons ici à tour de rôle, à même le sol, nous demandons de quoi nous nourrir, rien de plus et même ça on nous le refuse à présent ! » nous raconta, Amara, mère de deux enfants de 2 et 5 ans. Il n’est pas rare que ces réfugiés soient victimes d’insultes et de gestes déplacés de la part des passants.
La semaine passée, une passante a giflé si fort une enfant de 4 ans, qui demandait l’aumône, qu’elle a heurté le trottoir, avant de s’attaquer à la mère de l’enfant, pour la traiter de tous les noms. Laissés pour compte par le gouvernement, pointés du doigt par les citoyens comme des bêtes de foire dans le meilleur des cas, à présent les réfugiés maliens font face aux mendiants locaux qui les chassent de leurs territoires, à coup de bâton et d’armes blanches.
Le racket, condition de survie
Il y a plus dangereux que les mendiants en colère dans les rues du centre-ville. À présent les réfugiés subsahariens, sont victimes de racket par des délinquants et récidivistes, qui leur font payer le droit de mendier dans leurs quartiers. Un droit de protection qu’ils appellent çà, pour pouvoir mendier et bénéficier d’une protection contre les délinquants où les mendiants des quartiers, les réfugiés doivent s’acquitter d’une taxe où un pourcentage sur revenu journalier.
Une nouvelle manière de se faire de l’argent facile, qu’ont encore inventé les délinquants pour se payer des psychotropes et de la drogue sur le dos de gens désemparés et livrés à l’horreur des criminels locaux. À présent la situation a évolué, des délinquants d’autres communes, comme Sidi Salem où Oued el Aneb viennent en ville pour racketter les réfugiés dans des quartiers qu’ils ne connaissent ni d’Eve ni d’Adam, avant de reprendre le dernier bus en partance vers chez eux.
Les réfugiés désemparés, ne savent plus vers qui se tourner, ils ont peur de s’adresser aux autorités, de peur qu’ils ne se fassent expulser. En même temps ils ont peur de se défendre et d’être expulsés. Fuyant la misère de la guerre qui a mis leur pays à feu et à sang, ils n’ont trouvé dans les villes algériennes qu’une extension de la peur qui les a chassés de leurs demeures, la suite de leur cauchemar.
Les autorités brillent par leur absence
Aussi bien sur le plan sanitaire que sécuritaire, les réfugiés n’ont bénéficié d’aucune aide. Présents sur le territoire de la wilaya depuis des mois, aucune campagne sanitaire n’a été organisée afin de les prendre en charge. L’état de santé des réfugiés semble ne pas susciter la curiosité des autorités sanitaires locales. « Une consultation générale est de rigueur dans ces conditions.
Les centaines de personnes en état de nomadisme présentent des problèmes de santé. Il s’agit de les prendre sérieusement en charge » a estimé D. K, médecin à Annaba. Les autorités sécuritaires, en premier lieu la police, restent dépendantes de la politique nationale d’accueil. En coordination avec le Haut-commissariat des réfugiés (HCR), le ministère de l’Intérieur décide des procédures à suivre en ce qui concerne les réfugiés. Les décisions de rapatriement sont prises, suivant des critères bien codifiés.
« Dans l’état actuel des choses et avec l’instabilité politique qui règne encore au Mali, il est difficile de procéder au rapatriement des réfugiés. Pour le moment, il s’agit de tolérer leur présence sur le sol national » a expliqué un avocat au fait du dossier. L’on se demande néanmoins si les Algériens, société civile et autorités, ne sont pas prêts, par solidarité humaine, par humanisme, à prendre à bras le corps le problème très épineux des réfugiés.
S. S.