Le ministre libyen de la Défense, Oussama Jouili, a demandé l’aide de l’Algérie pour mettre sur pied une nouvelle armée libyenne. L’ancien chef militaire de Zenten, figure emblématique de la révolte contre le régime de Kadhafi, a avoué que la reconstruction d’une armée est «chose difficile qui demande du temps».
Et c’est le temps qui fait grandement défaut à la Libye postrévolution, en proie à des revendications séparatistes et aux soulèvements armés de quelques tribus. Les dernières violences ont ciblé, hier à l’aube, un tribunal de la ville de Benghazi, dans l’est de la Libye, victime d’une charge explosive.
Jeudi, des affrontements ont éclaté dans une prison de Benghazi à la suite d’une mutinerie, faisant au moins un mort et quatre blessés, selon des sources de sécurité. Berceau de la révolte contre l’ancien dirigeant Mouammar Kadhafi, la ville méditerranéenne de Benghazi a été le théâtre de violences sporadiques depuis le début de l’année, dont un attentat visant des bâtiments gouvernementaux, la profanation d’un cimetière historique et des affrontements lors de rassemblements politiques.
L’appel du ministre libyen de la Défense découle de la logique des réchauffements des relations entre Alger et Tripoli consacrées par de nombreuses visites de hauts responsables des deux pays et les promesses d’aide faites en marge de ces entrevues.
La visite du chef du Conseil national de transition (CNT), Mustapha Abdeljalil, à Alger, où il a rencontré Bouteflika le 16 avril, avait pour objectifs des dossiers épineux tels que la sécurité aux frontières et la coopération bilatérale. L’appel d’Oussama Jouili peut être perçu également comme un signe d’apaisement entre Alger et les rebelles qui n’ont pas pardonné la position de l’Algérie par rapport à la révolution libyenne.
Le ministre libyen a déclaré que Tripoli s’attend à une coopération dans le cadre de la réorganisation des frontières mais aussi dans la préparation des militaires libyens, imputant cette situation à l’ancien régime qui ne reposait pas sur une armée régulière mais sur des brigades armées commandées par les fils Kadhafi.
Rappelons qu’avec sa nomination au poste de ministre de la Défense par le CNT, Oussama Jouili doit atteindre deux buts, celui de désarmer les brigades rebelles et jeter les bases de la future armée libyenne. Objectifs difficiles à atteindre puisqu’il doit convaincre les rebelles, présents dans les rues de Tripoli et dans toutes les grandes villes du pays, de déposer les armes alors que selon les desseins du CNT, ce sont ces derniers qui doivent constituer l’ossature de la future armée libyenne.
La demande libyenne sera certainement acceptée du moment qu’Alger avait signifié pleinement son intention d’aider Tripoli à retrouver sa stabilité. Fin mars dernier, et lors d’un point de presse animé à Djenane El-Mithak par Daho Ould Kablia, ministre de l’Intérieur et son homologue libyen, Fawzi Abdelaal, les deux ministres ont souligné la volonté commune de développer la coopération dans divers domaines dont la formation, la sécurité des frontières, la lutte contre le terrorisme et le crime organisé.
Ainsi, en matière de formation, il a été convenu de tracer une démarche pour la prise en charge de cette question au niveau des instituts algériens en vue d’aider la Libye dans ses efforts visant à structurer ses différents services de sécurité. Il a été décidé l’envoi en Libye d’une délégation d’experts algériens pour évaluer les besoins, de sorte à proposer des formules de formation adaptées à la situation.
Dans le domaine de la sécurité des frontières, outre la coopération dans la surveillance des frontières, l’échange d’informations, l’Algérie a proposé à la Libye un protocole d’accord prévoyant la mise en place d’un comité bilatéral frontalier, à l’instar de celui mis en place avec le Niger et le Mali dont la mission est d’élargir les domaines de coopération entre les deux pays de sorte à inclure le transport de marchandises, la circulation des personnes, l’intervention d’équipes médicales, toutes mesures qui bénéficieront aux populations frontalières, avait souligné M. Ould Kablia.
En matière de lutte contre le terrorisme, les deux parties ont convenu de mettre en oeuvre les recommandations de la commission mixte de sécurité réunie les 8 et 9 février 2012 à Alger concernant la lutte contre le terrorisme et le crime organisé transfrontalier, le trafic d’armes et de drogue, l’immigration clandestine.
Par ailleurs, et à propos d’éventuels mouvements séparatistes, le ministre libyen de la Défense a affirmé qu’il est favorable à une décentralisation administrative et contre un fédéralisme recherché.
Moncef Wafi