Reconnaissance par Paris des massacres du 17 Octobre 1961,«Une initiative purement tactique», selon Amar Bentoumi

Reconnaissance par Paris des massacres du 17 Octobre 1961,«Une initiative purement tactique», selon Amar Bentoumi

Le célèbre avocat du FLN du temps de la colonisation et premier ministre de la Justice de l’Algérie indépendante considère la reconnaissance toute récente par la France des massacres du 17 Octobre 1961 à Paris comme une initiative purement «tactique» de l’ancienne puissance coloniale.

Amar Bentoumi, qui animait hier une conférence au siège du quotidien Echaab, à l’occasion du 58e anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution du 1er-Novembre 1954, s’interrogera sur le fait que c’est là la seule fois, encore tardive, que la France reconnaît un tel génocide parmi les autres, innombrables qu’elle a eu à commettre au long des 132 ans de sa colonisation du pays. Notamment le tristement célèbre code de l’indigénat instauré en 1883 et qui sera de mise jusqu’en 1947. «Est-ce parce que le fameux crime de l’automne 1961 est commis en France même, de surcroît en plein cœur de la capitale, Paris ?», lancera-t-il, avant de proclamer inopportune toute initiative tendant à engager des poursuites judiciaires contre les tortionnaires du fait, dira-t-il, que pour leur majorité, ces derniers sont décédés».

Bentoumi insistera, a contrario, sur la nécessité de tout faire à l’effet d’amener l’ancien colonisateur à une réparation aussi morale que matérielle pour les innombrables torts qu’elle a causés au pays. Le tout premier ministre de la Justice de l’Algérie indépendante reviendra succintement sur son long parcours d’avocat, notamment durant la période coloniale quand il a eu à prendre la défense du FLN et des indigènes comme lui. Une carrière qu’il dira devoir à Hocine Asselah qui «m’a enrôlé très tôt dans le mouvement nationaliste algérien et qui, à ma réussite au bac, m’a dissuadé de faire histoire comme je projetais de le faire». Un conseil que le conférencier affirmera avoir suivi puisqu’il prêtera serment le 10 juillet 1947. Une date qui sera le début d’une très longue histoire de plaidoyers pour le compte du PPA-MTLD puis du FLN au déclenchement de la glorieuse Révolution du 1er-Novembre 1954.

Mais la bataille d’Alger sera quelque peu fatale pour le collectif d’une dizaine d’avocats du FLN dont certains décéderont ou s’exileront et d’autres dont Bentoumi, arrêtés et incarcérés. C’est alors que la Fédération de France du FLN entrera en scène pour pallier cet impondérable en montant, par l’intermédiaire de Mourad Oussedik, un collectif d’avocats au tout début, limité à seulement trois robes noires avant qu’il n’essaime presque tout l’Hexagone et d’atteindre près de 80 avocats. Et à Bentoumi de reprendre le Premier ministre Michel Debré de Charles de Gaulle qui affirmait que «les avocats du FLN ont causé plus de dégâts qu’une division entière de l’armée». Il se remémora aussi la célèbre réplique de Saâd Dahleb à ses interlocuteurs négociateurs français qui ne voulaient pas entendre parler du Sahara algérien : «Puisque vous nous considérez comme des hors-laloi, nous ne reconnaissons donc pas les lois françaises sur lesquelles vous vous basez pour proclamer le Sahara français.»

M. K.