C’est toute une culture ancestrale qu’il faut ressusciter
De nos jours, de l’avis des vieux propriétaires, l’olivier est perçu comme une source de rente, sans plus.
Pour les oléiculteurs, cette saison est celle des vaches maigres. La récolte qui pointe à l’horizon s’annonce très pauvre. Les quantités attendues sont insignifiantes comparées à celles de 2010 qui ont atteint les 600.000 quintaux. Selon certains agriculteurs approchés, cette année est l’exact contraire de la précédente. Les causes de cette mauvaise production sont, par ailleurs, diversement expliquées.
Les raisons avancées par les spécialistes de l’agriculture convergent avec celles évoquées par les exploitants eux-mêmes. Elles ne diffèrent cependant que dans la manière de les concevoir et de les exprimer. Ces deux approches mettent en évidence la différence dans la relation à l’arbre de l’homme d’avant et celui d’aujourd’hui. En ces temps, en Kabylie, l’arbre avait une âme. Elle avait la même valeur que celle de l’être humain.
Sauf qu’actuellement, l’activité, contrairement aux temps anciens, doit intégrer le secteur économique qui, lui, prend en compte le facteur rentabilité. Cette dernière conception même si elle garde le principe de l’intérêt n’en respecte pas pour autant le contrat de la réciprocité. De nos jours, de l’avis des vieux propriétaires, l’olivier est perçu comme une source de rente, sans plus. Aussi, les quantités attendues pour cette année sont insignifiantes de ce point de vue. Certains agriculteurs affirmaient que les oliviers alternent leur production avec une bonne et une mauvaise saison. L’oliveraie de la région a toujours fonctionné de la sorte. «Mais, je me souviens, du temps où mon père s’en occupait, la récolte était tout de même importante», raconte Aami Ali. «Aujourd’hui, les gens n’observent plus le contrat qui les lie à l’olivier. Car, il existe bien un contrat entre l’homme et l’olivier. Nos ancêtres le respectaient tout autant que l’arbre», poursuit-il.
Afin de nous expliquer les clauses de ce contrat, le vieil homme rejoint la règle du donnant-donnant. «Jadis, nos grands-parents, après avoir pris la récolte, retournaient, quelques jours après dans les champs pour défricher les arbres. Les travaux d’entretien des oliveraies étaient immédiatement engagés après l’emmagasinement de l’huile. Ils parlaient de remercier l’arbre pour le bien qu’il leur a procuré», explique-t-il.
Des arguments qui rejoignent ceux évoqués par les services concernés. L’oliveraie, pour qu’elle soit rentable, nécessite un traitement.
Le respect des normes dans les différentes étapes de défrichage, de récolte et de stockage est indispensable pour une bonne récolte. En ce sens, l’Etat a investi des enveloppes financières importantes dans les contrats de performance qui l’engagent avec les agriculteurs. Mais, il manque la relation à l’arbre. Et celle-là n’a pas de prix car c’est toute une culture ancestrale qu’il faut ressusciter et arrimer au monde moderne dominé par les lois du marché. Sans relever ce défi, nos oliveraies et autres richesses resteront avares avec toutes les performances du monde.