Les scientifiques algériens résidents sont plus que jamais inquiets du devenir de la recherche scientifique, et du leur, à tel point qu’ils réclament aujourd’hui un ministère plein et indépendant qui permettra d’assurer l’édification d’un système national de recherche scientifique «fonctionnel et utile», a estimé le Syndicat national des chercheurs permanents (SNCP).
Il est vrai que de nombreuses carences en la matière ont fait que la recherche scientifique en Algérie ne suit pas l’évolution voulue en dépit des moyens consentis au profit de ce secteur qui jusque-là a de tout temps été rattaché au département de l’Enseignement supérieur. De plus, contrairement à ce qui se passe sous d’autres cieux, le domaine de la recherche scientifique, toujours en gestation, n’a aucun impact sur le développement du secteur socio-économique du pays. Pourtant, ce n’est pas la matière grise qui fait défaut dans le pays. Même si la fuite des cerveaux n’est pas propre à l’Algérie, chaque année, ils sont des centaines à quitter le pays en quête d’un meilleur cadre socioprofessionnel indispensable à l’épanouissement scientifique. Les derniers chiffres rendus publics sur cette question ont révélé que quelque «3 000 chercheurs algériens se trouvent aux Etats-Unis». «Plus de 15 200 Algériens représentant les compétences scientifiques des niveaux académiques établies à l’étranger sont inscrits auprès des représentations diplomatiques et consulaires», selon des déclarations de Mourad Medelci, ministre des Affaires étrangères. En outre, quelque 5 000 médecins et professeurs en médecine algériens ont été récupérés par des hôpitaux français. Parmi eux, 2 000 ont fui l’Algérie durant les deux dernières années. D’autre part, l’hémorragie intellectuelle coûte quelque 100 milliards de dollars à l’Algérie.
Ceci étant, selon le conseil national du SNCP qui s’est réuni récemment à Alger autour du projet d’amendement de la loi organique 2014-2018 sur la recherche scientifique et le développement technologique, «seule la création d’un ministère plein dédié à la recherche scientifique et au développement technologique assurera l’édification d’un système national de recherche scientifique fonctionnel et utile».
Dans ce contexte, le syndicat a déploré, dans un communiqué, le fait que de nombreuses et importantes dispositions introduites dans l’avant-projet de la loi «renforcent le pouvoir de l’appareil administratif au détriment du scientifique». Aussi, a-t-il attiré l’attention des pouvoirs publics en charge du secteur de la recherche scientifique sur «les graves préjudices causés par la persistance de la non-fonctionnalité d’importants organes d’élaboration et de mise en œuvre de la politique nationale de recherche scientifique et du développement technologique, pourtant, a-t-il souligné, prévus dès 1998 par la première loi programme».
Ceci étant, le SNCP, affilié à l’UGTA, ne manquera pas de relever «les entraves et le refus de mise en place de l’organisation administrative et scientifique au sein des structures de recherche conformément aux dispositions prévues par la réglementation et l’ineffectivité du fonctionnement et des prorogatives des organes scientifiques». Par ailleurs, le syndicat a déploré la situation «difficile et précaire» des chercheurs permanents à l’origine de leur départ, à la moindre opportunité, vers l’université et d’autres secteurs.
Le conseil national du SNCP appelle à cet égard «avec force et insistance» les autorités à entreprendre les démarches effectives et sans délai, à même de prendre en charge la levée de ces «graves dysfonctionnements». «Cela permettra de garantir que les importants efforts financiers consentis au bénéfice de la recherche scientifique soient mis au service réel du développement national», a assuré le conseil national du SNCP. L’Algérie dispose actuellement, selon SNCP, de 2 200 chercheurs permanents, dont la majorité est constituée de débutants. Un déficit accru se fait ressentir en matière de ressources humaines compétentes, en termes d’encadrement, à même de faire fonctionner les centres de recherche, les unités et les plateformes technologiques existants.
Par Lynda Naili Bourebrab