Rebonds : La société civile, une conscience collective

Rebonds : La société civile, une conscience collective

Une société civile forte, multisectorielle et consciente de son rôle déterminant dans la consécration du progrès de la justice et des valeurs républicaines peut avoir un pouvoir panoptique de telle sorte que son rôle de vigile soit un élément important dans la préservation de l’intérêt général…

Si les participants aux Assises nationales sur la société civile ont pour eux une parfaite compréhension des enjeux liés au rôle qu’ils entendent s’assigner dans le cadre d’un Etat de droit et dans le cadre d’une démocratie participative, il y a réellement une certitude que la société tout court, autrement dit les populations, saisissent tout à fait les termes concrets de ce pacte dont on vient, en Algérie, d’asseoir les bases inaugurales. On a beaucoup parlé et écrit, durant les journées consacrées à cet événement important, sur la marginalisation de la société civile et sur les contrecoups que cette marginalisation a pu avoir sur les efforts de développement et de mobilisation des populations en vue de les mettre à contribution dans l’entreprise de reconstruction du pays.

Cette étape de défoulement cathartique qui sert à solder les passifs en matière de griefs politiques devait, comme ce fut le cas, laisser la place à une vision prospective, désormais vouée au devenir de cette société civile, son rôle, sa place et ses responsabilités. Dès lors que l’on admet que la nécessaire prévalence d’un rôle de la société civile dans la vie sociale, économique et politique est le fruit de la plus haute volonté politique du pays, tout l’effort, après coup, se concentre sur la manière de faire prendre ce cap à tout le monde, société civile, classe politique et administration confondues.

DES DÉBATS, DES PROPOSITIONS ET UN PROJET DE CHARTE

Au niveau des ateliers dont les différentes thématiques structuraient cinq groupes, au sein des participants, en vue d’enrichir, pour chaque matière, la rubrique des propositions, les phrases introductives des interventions étaient, pour la plupart des participants, une occasion pour faire un état des lieux de ce qu’est devenue la société civile qu’on s’apprête à réhabiliter en cet espace de concertation pluriel. Hors cette entrée en matière, somme toute compréhensible, les cinq thèmes retenus, à savoir : «le nouveau régime de croissance», «le système de protection sociale et de solidarité nationale», «pour une gouvernance rénovée», «la prise en charge de la problématique de la jeunesse» et enfin, «le processus de consécration d’une société civile plurielle» ont, chacun, suscité des débats d’une grande lucidité et, surtout, des propositions, beaucoup de propositions, qui ont fini par se condenser dans un minima consensuel, ou encore dans une matière générique qui théorise pour l’avènement d’une société civile nouvelle en Algérie, à savoir un projet de charte de la société civile. Le projet en question contient les principes généraux qui fondent le rôle, la place et la dimension de la société civile en tant qu’acteur de la démocratie participative et en tant que relais de première main dans la formulation du dialogue social.

UN GARDE-FOU

Une société civile forte, multisectorielle et consciente de son rôle déterminant dans la consécration du progrès de la justice et des valeurs républicaines peut avoir un pouvoir panoptique de telle sorte que son rôle de vigile soit un élément important dans la préservation de l’intérêt général, la neutralisation des tentations et des tentatives de confisquer une liberté ou de bafouer un droit, mais aussi la dénonciation de tout ce qui prévaut sur les scène sociale, politique et économique qui va à l’encontre de la justice ou de la morale publique.

La société civile est d’autant plus apte à assumer ce rôle qu’elle est foncièrement citoyenne, motivée, en premier lieu, par tout ce qui touche de près ou de loin, au quotidien des citoyens et par tout ce qui affecte leurs intérêts ou hypothèque leur liberté, leur sécurité ou leur bien-être.

Ce rôle, bien compris, est bien entendu celui des institutions de l’Etat et la société civile ne saurait se substituer à celles-ci dans l’exercice de leurs missions. Cela dit, la société civile est ce garde-fou qui s’avère indispensable quand il s’agit de redresser un dépassement, de combler une carence ou de dénoncer un abus ou un excès de pouvoir.

UNE CONSCIENCE COLLECTIVE

Si tout le monde est convenu pour reconnaître que l’Etat, ses institutions et tous ses départements sectoriels réunis ne peuvent régler tous les problèmes et les questions qui se posent aux citoyens dans leur vie de tous les jours, la société civile, par le rôle que lui assigne la modernité, se pose comme un cadre susceptible d’acquérir l’efficacité la plus grande dans la prise en charge de ces questions.

C’est quoi la société civile, sinon l’ensemble des associations, syndicats et mouvements citoyens qui fédèrent, au nom d’intérêts et de besoins communs, des citoyens dont la motivation et le niveau de conscience sont à ce point importants qu’ils se mobilisent volontiers et s’engagent pour une cause. Dès lors, la société civile n’est pas que ce garde-fou qui veille au respect des règles de la démocratie, sa prévalence étant, après tout, le symptôme nécessaire du respect de l’un des principes de cette démocratie.

La société civile est surtout un grand acteur dans l’organisation de la vie sociale et de la cité.

Sans ce rôle, bien des postes dans les espaces urbain et rural demeurent vacants, et certaines causes restent orphelines de parrains providentiels, donnant à voir des zones entières du progrès sociales désertées.

La salubrité, la fonctionnalité, le respect des règles, du voisinage, du service public, des consommateurs et tant d’autres aspects importants de la vie quotidienne, s’ils sont le fait d’une gestion et d’une présence de l’Etat, rigoureuse et efficace, n’en sont pas moins tributaires des actions concrètes, fédératrices et mobilisatrices, de la société civile qui, en incarnant une somme convaincue et acquise de conscience individuelle, peut prévaloir en tant que conscience collective. L’Algérie et les Algériens en ont absolument besoin et ces assises viennent à point nommé pour reposer, entres autres questions, cette problématique cruciale.

UNE FORCE DE PROPOSITION

La société civile agit sur le terrain, mobilise, corrige, soutient, se solidarise. Bref, elle est action pure et mobilisation continue des idées et des hommes.

Mais, et du fait même de sa grande proximité et de sa bonne connaissance des réalités sociales et des perceptions citoyennes de ces réalités, elle constitue une précieuse force de proposition en direction des pouvoirs publics. Dans cette Algérie en pleine mutation, seuls des acteurs qui activent dans le vif et qui incarnent eux-mêmes la citoyenneté et les aspirations citoyennes et populaires peuvent traduire les attentes des populations ou du moins remonter des informations susceptibles de constituer une matière authentique qui soit traduisible, en haut lieu, en projets de développement ou de réformes.

Dans ce registre, ce qui peut être dit de la société civile dans son rôle de médiateur entre la base et le sommet, peut être dit de son rôle dans le désenclavement des aspirations populaires au niveau régional, autrement dit l’application du principe de subsidiarité qui dynamise la relation entre le centre et les périphéries et entre la société civile et les autorités locales.