realite de l’ecole algerienne victime de la mondialisation et des politiques.

realite de l’ecole algerienne victime de la mondialisation et des politiques.

Depuis 1980, la mondialisation s’est dirigée vers le néolibéralisme et ceci dans toutes les sphères de l’activité humaine et l’éducation n’y a pas échappé. Cet état d’esprit s’est accentué et finalisé par les directives mondiales de la conférence de 2000 sur l’éducation à Dakar (Sénégal) avec comme slogan « Une école pour le monde, une école pour tout le monde » ce nouveau modèle éducatif s’est implanté un peu partout piloté et par les grandes institutions mondiales économiques internationales basé surtout sur le passage d’une logique économique au profit d’une logique des valeurs éducatives et sociales.

Cette rupture avec les anciens systèmes scolaires nationaux, étatiques et centralisés serait garante d’égalité, d’efficience et de qualité. Tout cela n’est que Mensonge, lorsqu’on analyse ce virage en détail. Dans un tour d’horizon des diverses études internationales portant sur les effets de ces changements, la mission même de l’éducation qui est mise en péril par ce modèle. Le principe de la concurrence entre les établissements, « a conduit, un peu partout dans le monde, à une exacerbation des divisions de classes, à une accentuation de la fracture sociale et à davantage de division culturel ». Aujourd’hui, en Algérie l’école publique est gravement menacée, on assiste à des établissements et des classes sélectionnés pour certains enfants et dotés de tous les moyens nécessaires et les autres pour les misérables. Le programme est critiqué, et, est très chargé, mais solidement argumenté, et est un véritable danger d’une « soumission de l’éducation à d’étroites visées économiques » nous pouvons argumenter cela par le démantèlement des lycées techniques en Algérie qui a amené l’Etat à importer des ouvriers de maintenances spécialisés alors que l’enseignement technique était chargé de les former ici. Mais le système néolibéralisme a voulu accentuer la dépendance de l’Algérie dans ce domaine. L’enseignement technique et la vraie école publique doivent revenir dans notre pays. C’est rien de moins que l’idéal démocratique, une des missions fondamentales de l’éducation, qui est menacé par cette dérive marchande.

C’est en mélangeant les jeunes de tous les horizons socioéconomiques dans les mêmes établissements et, aussi, dans les mêmes classes que l’on réussit à vraiment faire monter le niveau collectif, et ce, sans nuire à l’élite. Depuis plus de 42 ans, « la société algérienne a grandement profité du développement rapide de l’éducation publique », mais force est de constater, aujourd’hui, que le système connaît des ratés qui ne relèvent pas d’abord, attention, de la qualité de l’enseignement ou de l’indifférence des jeunes, mais de vices structurels inspirés par le modèle éducatif néolibéral. Nous sommes exaspérés de lire et d’entendre le discours de certains savants didacticiens, spécialistes patentés de l’éducation, d’autant plus écoutés qu’ils planent très haut dans les hautes sphères irréelles, et qui expérimentent depuis plus de 50 ans, sur les élèves de l’Algérie indépendante, des théories fragiles qu’on a parfois abandonnées ailleurs. Bien que les intentions soient bonnes — assurer la réussite du plus grand nombre —, on a cru nécessaire de jeter ce qui fonctionnait et de le remplacer par l’improvisation, les essais, suivis de ratés successifs et d’un décrochage qui oscille encore autour de 60 % dans certaines régions. Il faut redéfinir la théorie des abc de l’éducation au sens commun. Apprendre d’abord la base de la langue : lettres, voyelles, consonnes, leur assemblage en sons puis en mots. Ensuite de pas en pas arrivait la lecture, puis la grammaire, la dictée tous les jours. Lors des corrections l’enseignant avait pour rôle d’expliquer le sens des mots, les règles de grammaire, l’orthographe et ses raisons. Après un certain temps les élèves voisins se corrigeaient entre eux et échangeaient leurs cahiers. La lecture était plus fréquente et à l’âge de 13 ans ce régime permettait aux élèves d’écrire des phrases convenablement et généralement sans fautes.

Laboratoire Algerie

Au fur et à mesure nous nous dirigeâmes en Algérie vers la frénésie du changement. Pour les langues, il y eut plusieurs méthodes. Pour l’arithmétique, on n’exigeait plus des élèves qu’ils mémorisent les tables de multiplication et autres : la calculette ou les doigts faisaient l’affaire. L’enseignement de l’histoire se perdit dans les marécages de l’indifférence… Mettre en place un projet-pilote avant d’implanter un nouveau programme était considéré comme une perte de temps. L’Algérie était devenue un vaste champ d’expérimentation sans moyen ni condition d’accompagnement (infrastructures, matériel, formation). Par la suite, chez des étudiants de tous niveaux — secondaire, collégial, universitaire, on découvre l’échec du laxisme du système et des théories fumeuses qu’on avait essayées pour apprendre aux jeunes à s’exprimer par écrit.

Malgré moi, les circonstances amenèrent les enseignants à devenir, pour plusieurs ainsi qu’aux élèves, des mentors, voire des précepteurs, tellement il y avait parfois du retard à rattraper : articulation de la pensée, vocabulaire, structure de la phrase, syntaxe, orthographe, culture générale, calcul. Nos mères, qui avaient dû abandonner l’école à 10 ans, avaient appris à lire et à écrire selon la méthode traditionnelle, jugée aujourd’hui « dépassée ». Elles exprimaient néanmoins leur pensée clairement, avec peu de fautes, ce que pourraient leur envier bien des diplômés d’aujourd’hui. C’est dire ! Les jeunes d’aujourd’hui et leurs enseignants ne sont pas moins pourvus de talent que ceux d’autrefois. Nous percevons cependant un profond malaise chez les enseignants. Bien sûr, il y a les problèmes récurrents : classes nombreuses, manque de ressources spécialisées pour les enfants en difficulté, indifférence de certains parents, difficulté aussi de comprendre le nouveau langage… Mais ce qui ressort clairement, c’est la confusion autour de la réforme en cours. Et la confusion émane principalement du ministère de l’Éducation.

Confusion ministérielle

C’est la tergiversation, l’atermoiement continu du haut en bas du système. Les enseignants reçoivent des avis contradictoires, du matériel pédagogique qui paraît souvent improvisé ; ils participent à des réunions qui tournent en rond, faute de directives claires. Bref, rien pour les motiver. Pendant ce temps, nos enfants de cinquième année du primaire, issus de la réforme de l’éducation, sont moins bons que leurs prédécesseurs en lecture. Alors, que faire ? Avec raison, la réforme en cours en inquiète plusieurs. Pourquoi ne pas y surseoir pour un temps, afin de permettre aux enseignants de respirer un peu et aux dirigeants de mieux se préparer à une implantation réussie ? Beaucoup souhaitent revenir aux bases de l’éducation, garder ce qui a fait ses preuves, sortir du charabia des théoriciens : socioconstructivisme, compétences transversales et autres vocables hermétiques que seuls les initiés comprennent. À cet égard, j’estime qu’on doit d’abord mettre l’accent sur les connaissances et que les compétences viendront après. Quant au bulletin, il doit d’abord être clair. Mais pour les compétences, qui sont l’application des connaissances acquises, une évaluation chiffrée, qui reflète vraiment la réalité, est impraticable. Comment, en effet, quantifier des observations qui sont par nature principalement d’ordre qualitatif ? On devrait donc utiliser des lettres, assorties d’explications appropriées. Il faut remettre la dictée à l’honneur. Si elle doit être fréquente, elle n’a pas besoin d’être longue, quelques phrases suffisent. L’important, ce sont la correction et les explications qui l’accompagnent.

Enfin, il faut favoriser dès le plus bas âge l’amour des livres et, par tous les moyens, la lecture à la maison et à l’école. Selon nos statistiques, 69 % des Algériens seraient analphabètes fonctionnels. Nous devons faire mieux ! Aujourd’hui chaque année, 200 à 300.000 enfants sont massacrés dans le primaire et collège, avant d’être pourris dans le secondaire. Pour ces enfants, l’école algérienne est bien morte.

Les 10 principes internationaux connus pour une école juste sont :

1) L’école ne doit pas être un sanctuaire, mais un lieu de vie

2) L’école doit être un lieu d’apprentissage de la citoyenneté

3) L’enfant doit être placé au cœur du système scolaire

4) Il faut former davantage les enseignants (NDLR : non pas aux disciplines qu’ils enseignent, mais aux pseudo « sciences de l’éducation »)

5) Il faut amener plus de 70% d’une classe d’âge au bac

6) Il faut donner l’égalité des chances de réussite scolaire à tous

7) L’élève doit construire son savoir

8) Il faut permettre dès leurs plus jeunes âges les enfants non aptes à suivre un long cursus à une formation professionnelle.

9) L’école ne doit pas être, le champ idéal et continuel d’application et d’expérimentation.

10) Rendre la pédagogie à l’enseignant que ce soit au niveau disciplinaire qu’au niveau de sa fonction.

Ces principes procèdent tous, à divers degrés, à la transmission du savoir, et nous connaissons bien les responsabilités dans la débâcle de l’école. Cependant, la grande originalité, elle est dans le domaine de l’éducation, et précisément dans la description et l’explication de la véritable contre éducation que subissent les enfants. L’élève au centre, qui discute d’égal à égal avec son maître, qui « s’exprime » et « débat » est en définitive traité comme un petit adulte qu’il n’est pas. Il est ainsi privé de ce qu’il attend et auquel il a droit : être guidé par des adultes dont il accepte naturellement l’autorité. Le citoyen qui se veut éclairer ne peut pas ignorer l’immense drame national de l’enseignement. L’école n’a pas joué son rôle. Elle n’a enseigné ni l’exigence vis-à-vis de soi-même, ni le goût de l’effort, ni le sens du travail, ni l’humilité devant les savoirs. En refusant l’instruction, l’école les a incités à ne pas quitter leur monde d’enfants. L’école, en refusant d’accomplir sa mission, forme maintenant, depuis une dizaine d’années, et à la chaîne, des générations entières d’hommes qui n’en sont pas et qui vivent dans un monde illusoire. L’école se mêle de prendre la place des familles au lieu d’instruire. . Ceux qui déclarent si facilement que des parents éduquent mal ou peu leurs enfants oublient ou méconnaissent le rôle de l’école qui crée de terribles dégâts dans l’éducation donnée par les familles. Cette école, qui se croit moderne, veut leur apprendre à transgresser les règles avant même de leur apprendre à s’y soumettre. L’important n’est plus de penser juste et de savoir énoncer ce qu’on pense, mais d’avoir quelque chose à dire : l’expression d’une opinion personnelle a la même importance que la réponse correcte à la question posée.

Hakem Bachir Professeur de mathématiques au lycée Lotfi d’Oran