Réaction de Sellal à partir de Ghadames,«L’Algérie reste attachée au processus de dialogue»

Réaction de Sellal à partir de Ghadames,«L’Algérie reste attachée au processus de dialogue»

Au lendemain de l’offensive de l’armée française contre les groupes terroristes au Mali, le Premier ministre a réagi, à partir de Ghadames, pour rappeler que l’Algérie reste attachée à un «dialogue politique» entre les différentes parties.

C’est à partir de Libye que le Premier ministre a réagi, hier, aux derniers développements que connaît le Mali. Abdelmalek Sellal, qui participait, à Ghadames, à une rencontre algéro-tuniso-libyenne sur la sécurité des frontières, s’est toutefois contenté de rappeler la position algérienne concernant la crise malienne et qui se limite en une seule phrase : «Soutient le dialogue politique entre les différentes parties.» Prudent, Sellal a évité de se prononcer ouvertement sur l’offensive lancée par la France contre les groupes terroristes au Mali. Mais l’ordre du jour de cette rencontre entre justement dans la gestion de la problématique sécuritaire au Maghreb et dans la sous-région du Sahel. Ainsi, la Libye, la Tunisie et l’Algérie ont décidé de «créer des points de contrôle communs et de coordonner les patrouilles aux frontières pour assurer la sécurité et lutter contre le trafic d’armes et le crime organisé», précise le communiqué signé par les trois Premiers ministres, Ali Zeidan, Abdelmalek Sellal et Hamadi Jebali. Rappelons que la chute du régime de Mouamar Kadhafi en 2011 avait eu des conséquences directes sur la détérioration de la situation sécuritaire au Sahel. Les groupes terroristes présents au Nord-Mali, notamment Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Ces organisations avaient réussi à s’équiper militairement en puisant dans les stocks d’armes libyens. Pour tenter de mettre un terme aux trafics et de contrôler le sud de leur territoire, les autorités libyennes avaient décidé, au courant du mois de décembre 2012, de fermer leurs frontières avec l’Algérie, le Niger, le Soudan et le Tchad.

T. H.

LE DR CHAFFIK MESBAH, POLITOLOGUE :

«La diplomatie algérienne est disqualifiée»

«Je ne suis pas du tout étonné comme tous les observateurs de la décision de la France pour une intervention militaire au Mali car celle-ci a été prise depuis fort longtemps. La résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies a donné un habillage juridique à une décision militaire opérationnelle déjà prise par les Français. Ce qui peut paraître étonnant, c’est le timing, dans un cadre isolé, dans le sens où l’intervention de la France paraît précipitée alors que la mission incombait à la force africaine dans le cadre du mandat délivré par le Conseil de sécurité. De là et d’autant plus étonnant qu’habituellement, les pays occidentaux y compris la France sont partisans du scénario de zéro mort à l’occasion d’interventions militaires pour ne pas irriter leurs opinions publiques respectives. Concernant la diplomatie algérienne, cette dernière est totalement disqualifiée parce que depuis le début de la crise malienne, elle n’a eu de cesse de défendre le principe du dialogue qui doit précéder, voire prévenir l’intervention militaire et tout récemment les responsables diplomates algériens affirmaient que les pays occidentaux s’étaient rangés à l’avis de l’Algérie. Malheureusement, ce qui vient de se produire prouve bien en réalité que l’Algérie, hélas, n’est plus la puissance régionale qu’elle était et même si l’Algérie a été informée, c’est une intervention qui se déroule en dehors de sa volonté alors qu’elle est directement concernée par la situation au Sahel. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a un risque certain pour la stabilité et la sécurité de l’Algérie, parce qu’un enlisement ou un embrasement de la situation militaire aura fatalement des répercussions néfastes sur le territoire algérien, compte tenu de l’immensité des frontières qui la lient aux pays voisins, pour lesquelles il n’existe pas de protection absolue.»

ABDELAZIZ RAHABI, ANCIEN MINISTRE ET ANCIEN DIPLOMATE :

«L’ANP sera soumise à une guerre d’usure»

«Personnellement, je ne suis pas surpris par cette intervention militaire. Il faut signaler qu’au mois de septembre dernier, on était déjà dans une situation d’internalisation du conflit. La dernière résolution du Conseil de sécurité laisse la porte ouverte dans le cadre d’une intervention militaire. Le problème qui se pose est le suivant : peut-on attendre indéfiniment un dialogue intermalien qui n’a pas démarré ? Donc l’option algérienne est une position sérieuse et intéressante mais son handicap est le temps car en attendant une solution politique, Al Qaïda et le Mujao sont déjà en train de gagner du terrain. L’Algérie va subir les dommages collatéraux de cette intervention. La première conséquence est le flux de réfugiés qui fuiront vers le Nord, la deuxième conséquence est le risque d’infiltration d’éléments armés, la troisième conséquence, et qui est à mon avis extrêmement dangereuse sur le plan interne, car notre système de sécurité et de défense sera mis à rude épreuve et sous une pression permanente, l’ANP sera soumise à une guerre d’usure, c’est-à-dire que notre armée sera en mobilisation permanente. L’Algérie subit des coups incessants à ses frontières qui ne sont pas totalement protégées. N’oubliez pas que le Mujao est arrivé jusqu’à Tindouf. La vigilance est de mise. L’Algérie devra se prémunir des agressions qui vont se multiplier et défendre son territoire.»

Le Dr MOHAMED BOUSOLTANE, EXPERT EN DROIT INTERNATIONAL :

«Sur le plan juridique, l’intervention de la France est un peu compliquée»

«Ce qui se passe au Mali est un peu similaire à ce qui s’est passé en Libye. C’est une situation extrêmement compliquée. On a, d’un côté, du terrorisme international et, d’un autre, des mouvements revendicatifs, tout cela crée une vraie cacophonie, le dialogue était privilégié par l’Algérie qui refusait toute ingérence étrangère. Cependant, l’option militaire n’a jamais été écartée. Sauf qu’elle intervient un peu subitement suite à l’avancée des groupes terroristes au sud du Mali. Politiquement, la France est intervenue suite à la demande du pouvoir malien qui n’est pas tout à fait légitime. Sur le plan juridique, l’intervention de la France est un peu compliquée car les hauts responsables français n’ont eu de cesse de déclarer que la France n’interviendra pas militairement mais la vérité, c’est que les événements se sont précipités ces dernières heures et il fallait prendre une décision radicale. L’intervention militaire revêt un caractère d’urgence. La France, certainement gênée, joue sur le tableau de la légitime défense collective dans le sens que c’est le pouvoir malien qui lui a demandé d’intervenir ainsi que sur les résolutions du Conseil de sécurité qui a laissé l’option militaire ouverte.»

Propos recueillis par Fatma Haouari