Jamais, sans doute, la commémoration du Printemps berbère n’a été sujette à autant d’interrogations qu’elle l’est en ce moment. Les profondes mutations sociopolitiques ont donné naissance, comme partout ailleurs à travers le pays, à des exigences qui chaque année gagnent du terrain aux dépens de revendications citoyennes plus mobilisatrices jusqu’à il y a encore quelques années à peine, dont l’idéal démocratique, dans tous ses segments, longtemps portées par le défunt Mouvement culturel berbère (MCB).
Plus lancinante encore qu’elle ne l’a été ces dernières années, la revendication a été reléguée à un plan apparemment moins important pour certains des acteurs qui en ont fait leur raison d’exister. C’est la conviction, pour ne pas dire le reproche, du simple militant, celui qui ne juge que par les actes des uns et des autres.
L’effacement de nombreux acteurs du casting établi à l’occasion des commémorations du Printemps berbère s’est accentué jusqu’à la réduction, ces dernières années, à sa plus simple expression, du moment fort des manifestations : la fameuse marche du 20 Avril, celle-là même qui drainait lors des années de feu, durant les années 1990, des centaines de milliers de citoyens de tous âges. De tout cela, il ne reste plus beaucoup, et la parfaite illustration en est l’incroyable effacement du FFS, sans doute trop pris par la haute mission de trouver un successeur à son charismatique leader. Mais il ne faut pas croire que la flamme est totalement éteinte. En effet, ici et là, des groupes de militants font de la résistance, à l’instar des cercles connus comme le RCD et les autonomistes du MAK qui entendent rééditer, aujourd’hui samedi, l’expérience de l’année dernière avec la notable différence que pour cette 33e commémoration, les deux entités ont décidé de «s’accepter» pour le bien de la cause. Un acquis, pourraient estimer les militants de la revendication identitaire, et un sacré dividende pour le mouvement autonomiste, alors que pour le RCD, c’est une implication qui entre dans l’ordre naturel des choses, pour tamazight d’une part, et d’autre part pour se mettre en travers de ce que des cadres du parti jugeaient lors d’une conférence de presse comme étant «la volonté de folkloriser la culture amazighe, de pervertir le combat et toutes les valeurs portées par les militants de la cause identitaire» pour parler de l’implication de l’administration, à travers la Direction de la culture, dans la commémoration du 33e anniversaire du Printemps amazigh. Et puis, il y a d’autres entités auxquelles les circonstances de cette commémoration «minimaliste» ont donné l’occasion d’exister et d’en tirer l’opportunité idéale pour placer leur mot. C’est le cas de Initiative citoyenne, un mouvement initié par d’anciens animateurs des Archs, sorti après avoir constaté avec regret et désolataion, écrit-il dans une déclaration, que ce bastion de la résistance qu’est la Kabylie connaît une régression terrible sur les plans politique, économique et social résultant d’une normalisation honteuse. Et aux initiateurs de ce mouvement de juger «que la commémoration du Printemps berbère ne soit pas liée au Printemps noir est la pire des trahisons». Une intrusion qui, on s’en doutait, ne recueille que très modérément l’adhésion si l’on en juge à travers le retour d’échos réservé à son appel au meeting tenu dans l’après-midi de jeudi. Ce qui ne semble pas pour autant dissuader les initiateurs de cette initiative d’aller au bout de leur action, apparemment même au-delà de cette commémoration qui, en fait, ne fait qu’illustrer un peu plus le constat établi il y a cinq ou six ans, lorsque les rues de Tizi- Ouzou ont commencé à perdre leurs couleurs si particulières à chaque 20 avril et se résoudre ainsi à s’interroger si le mouvement n’est pas à la croisée des chemins…
M. Azedine