Au lendemain de la conférence de presse conjointe Jean Marc Ayrault- Ramtane Lamamra à Alger où la montée de l’islamophobie en France a été abordée, c’est un député français de l’opposition qui illustre ce climat de méfiance à l’endroit des musulmans de France. L’Europe cible d’attentats barbares commis par des pseudo-musulmans va-t-elle finir par verser dans une chasse aux sorcières, malgré les discours officiels appelant à la retenue ?
« Nécessaire » stigmatisation
C’est lors des questions orales à l’Assemblée nationale, diffusées hier en direct sur la chaîne publique France 3, que le député Laurent Furst, appartenant au groupe Les Républicains (ex-UMP), a fait l’aveu d’une angoisse nationale relative à la présence de musulmans, potentiels terroristes dans les rouages sécuritaires de l’Etat.
Si l’élu prend la précaution de signaler qu’il existe des convertis qui pourraient en faire partie, il a toutefois désigné clairement « les Français musulmans » officiant dans les services de sécurité, police, gendarmerie, armée… S’excusant de devoir stigmatiser cette communauté de Français, le député a estimé qu’il fallait cependant poser la question en ces termes pour la sécurité de la France.
Dans sa réponse, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, se gardera de reprendre cette notion de « musulmans » pour lui substituer celle de « terroristes » infiltrés dans les institutions.
Cela ne l’empêchera pas de révéler qu’il existe une surveillance de cette catégorie de citoyens soupçonnés de radicalisation et que des listes font l’objet d’une actualisation régulière voire de mesures disciplinaires, en illustrant son propos par l’exemple d’employés dans un aéroport qui auraient été suspendus.
Chasse aux sorcières
Face à la bête immonde, à ces criminels qui préparent et exécutent des attentats aveugles en profitant des failles de la démocratie, on ne peut que comprendre la paranoïa qui s’empare des politiques et des responsables de la chose sécuritaire. Néanmoins, la désignation des musulmans comme nid d’une menace potentielle sur la sécurité intérieure, de surcroît au cours d’une plénière de l’Assemblé nationale, télévisée et retransmise en direct, pourrait aggraver les tensions réprimées ou non dites entre les Français.
Quand on sait combien de « Français de confession ou d’éducation musulmane » sont tombés pour assurer la sécurité de la France à travers le monde, sur des terrains de conflits lointains ou à Toulouse sous les balles de Mohamed Merah, l’association du phénomène terroriste aux musulmans de France est une concession coupable faite aux commanditaires des attentats. De plus, comme l’a justement exprimé Ramtane Lamamra avant-hier lors de sa conférence de presse conjointe avec son homologue français, « l’islamophobie est un puissant ferment de l’extrémisme ».
En ce sens, la méfiance avouée envers les musulmans incorporés dans les rangs des services de sécurité pourrait nourrir un malaise rappelant les pires périodes de l’histoire où des chasses aux sorcières ont déchaîné des populations contre d’autres en justifiant le passage à l’acte des racistes de souche.
Retour aux ratonnades
Pour rester dans l’exemple français, selon des sources sérieuses de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Dilcra), les actes anti musulmans ont rebondi de 223 pour cent entre l’année 2014 et 2015. « Les actes antimusulmans ont triplé en 2015, avec 429 actes et menaces contre 133 en 2014. C’est le chiffre le plus élevé depuis que ces statistiques sont relevées (2012).Une forte augmentation des actes et des menaces est notamment observée aux mois de janvier et de novembre 2015, consécutivement aux attentats terroristes.
Les actes et menaces commis lors de ces deux mois représentent ainsi 58% du total des actes et menaces comptabilisés en 2015. » Des chiffres inquiétants mentionnant des actes qui pourraient encore se multiplier à cause de la menace terroriste persistante et de la faiblesse de la prévention de l’amalgame chez une classe politique de plus en plus populiste.
Si bien que l’éventualité d’émettre, pour la première fois en Algérie, des consignes de prudence à l’attention des ressortissants algériens voyageant ou vivant à l’étranger, avancée par le MAE algérien et ministre d’Etat, Ramtane Lamamra, vient confirmer que les crispations vont crescendo et que le retour des ratonnades pourraient poindre à l’horizon.
Le cas d’un jeune lycéen d’origines algériennes roué de coups en Belgique a peut-être ouvert la danse. Après la complicité d’un temps des gouvernements occidentaux avec l’organisation DAECH sur le front syrien, on risque d’assister à une complaisance dangereuse des pouvoirs publics vis-à-vis d’une montée en puissance de l’islamophobie en France et en Europe. Pas faite pour ramener la paix et la sécurité, c’est certain !