Plusieurs centaines de gardes communaux ont pris possession, hier, de la place des Martyrs. Ils ont décidé de ne pas quitter les lieux tant que Abdelaziz Bouteflika n’aura pas satisfait leurs revendications. Un dispositif policier s’étalant sur plusieurs kilomètres a été mis en place pour empêcher les gardes communaux de rallier le siège de la présidence de la République.
Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – Ils sont venus de toutes les régions d’Algérie, bravant les décisions administratives leur interdisant de quitter leurs postes mais aussi les barrages érigés sur leur chemin pour les empêcher de pénétrer dans Alger. Ils ont tous le visage buriné par le soleil et le froid. Nombre d’entre eux ont été blessés dans la lutte contre le terrorisme.
Hier, à l’aube, des centaines de gardes communaux sont revenus à Alger pour transformer la place des Martyrs en «Sahet Ettahrir». Pour éviter qu’ils ne marchent sur le siège de la présidence de la République, les pouvoirs publics ont mis face à eux des milliers d’agents antiémeutes. Un dispositif sécuritaire de plusieurs kilomètres qui monte de la Basse-Casbah au quartier d’El-Mouradia.
La balle dans le camp du Raïs
Aux environs de 10h30, les gardes communaux se pressaient autour du kiosque à musique de la place des Martyrs pour écouter les membres de la délégation qui ont été reçus au palais d’El-Mouradia. «Nous avons remis notre plate-forme de revendications à un conseiller du président Bouteflika. Il nous a expliqué que le dossier sera remis au Raïs vers 14 heures et qu’il l’étudierait au courant de l’après-midi», diront les délégués Hakim Chaïb et Ali Sekouri. Les gardes communaux restent sceptiques. «Nous ne partirons pas d’ici tant que nous n’aurons pas une réponse positive de Bouteflika. Son ministre de l’Intérieur nous a déjà fait le coup avec son histoire de commission», lance un garde de la wilaya de M’sila.
Ce dernier fait référence à la commission mixte, installée au lendemain de la marche du 7 mars, qui a proposé une série de mesures socioprofessionnelles, notamment sur le plan salarial et de départ à la retraite. Ils considèrent que c’est loin d’être suffisant. «Nous exigeons que l’Etat nous octroie une prime de risque, une prime de port d’arme et qu’il prenne en charge le problème des congés et des heures supplémentaires impayés», soutient un garde communal de Blida.
Sans assurance
Les gardes communaux ont tous une histoire à raconter. Toujours tragique. A l’instar du jeune Fethi de Koléa, blessé en 2003 lors d’une opération antiterroriste. «Notre véhicule a fait plusieurs tonneaux dans une course-poursuite. J’ai eu les membres et les côtes fracturés. Mais à mon réveil à l’hôpital, je me suis rendu compte que je n’étais même pas assuré. En plus, les autorités ont décidé de geler mon salaire durant plusieurs mois au motif que j’étais inapte au service», note Fethi. La problématique de l’assurance sociale revient dans plusieurs récits.
C’est notamment le cas d’un garde de la localité de Ouled-Allel qui a été blessé durant une opération nocturne. Mais dans les documents qui lui ont été remis, il est précisé que cette blessure lui a été infligée au courant de la journée pour, semble-t-il, pouvoir bénéficier de la couverture sociale. Les propos d’un garde communal de Blida démontrent, à eux seuls, l’échec de «la politique de réconciliation nationale». «Pourquoi l’Etat a-t-il été aussi généreux avec les terroristes ? Pourquoi les «émirs» roulent-ils sur l’or alors que nous ne pouvons même pas nous nourrir correctement avec nos salaires de misère ? Aujourd’hui, je ne demande qu’une seule chose, qu’on me considère comme un terroriste repenti. »
De son côté, Raouf Souissi mène un autre combat. Avec plusieurs de ses compagnons d’armes, il milite pour la réhabilitation de milliers de gardes communaux révoqués. «Tous les dossiers en notre possession démontrent que nous sommes face à des cas de révocations arbitraire.
Il s’avère qu’aucune décision administrative ne comporte de motif. Et en l’absence de motivation, les gardes communaux ne peuvent introduire de recours», précise Raouf Souissi. Hier, en fin d’après-midi, les gardes communaux ont installé leurs bivouacs pour passer leur première nuit sur la place des Martyrs.
T. H.