L’action de protestation a permis d’envoyer un message fort aux pouvoirs publics qui continuent d’user de pressions de toutes sortes pour faire taire les voix récalcitrantes dans le monde des médias.
Une foule nombreuse constituée d’artistes, de comédiens, de journalistes, de militants politiques et de citoyens anonymes a répondu présent, vendredi soir, à la placette du théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi (TNA), au rassemblement de solidarité avec Mehdi Benaïssa, Ryad Hartouf et Nora Nedjaï, qui croupissent en prison en attendant leur jugement dans le cadre de l’affaire KBC. Et c’est dans une ambiance festive que le sit-in s’est déroulé sous le regard discret des policiers qui ont encadré les lieux sans toutefois intervenir. Entre chants patriotiques entonnés en chœur et slogans en faveur de la démocratie, l’assistance n’a pas arrêté, durant toute la durée du rassemblement qui s’est dispersé après minuit, de brandir des pancartes sur lesquelles ont pouvait lire des appels à la libération des détenus. “Libérez l’Algérie”, “Libérez Mehdi, Ryad et Nora”, “Libérez la presse, libérez l’artiste”, “Pour la liberté d’expression en Algérie” sont quelques-uns des slogans qu’on pouvait lire sur les pancartes brandies par les protestataires qui, par-à-coup, entonnaient “Mindjibalina”, “Djazaïr horra, democratia”, ou “Ya doula mani chiat” (je ne suis pas un courtisan). Le mot d’ordre de mobilisation passé sur les réseaux sociaux semble donc avoir bien fonctionné comme le démontrent les centaines de personnes qui se sont déplacées en cette soirée pour apporter leur soutien aux détenus que sont les deux responsables de la chaîne de télévision KBC, en l’occurrence Mehdi Benaïssa et Ryad Hartouf, et Nora Nedjaï, cadre au ministère de la Culture.
La forte mobilisation de la communauté des artistes et de la corporation des journalistes a permis de réussir cette action pacifique destinée à envoyer un message de protestation aux pouvoirs publics qui continuent à user de pressions de toutes sortes pour faire taire les voix récalcitrantes dans la presse. Certains hommes politiques n’ont pas hésité à se joindre à cette manifestation, à l’image du président de Jil Jadid, Soufiane Djilali, et du bras droit de Louisa Hanoune au Parti des travailleurs, Djeloul Djoudi. Certains présents n’arrivent pas à s’expliquer l’attitude de la chambre d’accusation du tribunal de Sidi-M’hamed qui a décidé de n’examiner la demande de liberté provisoire introduite par la défense des trois prévenus, que le 10 juillet prochain.
Ce qui veut dire que les concernés passeront la fête de l’Aïd en prison et loin de leur famille. D’aucuns ont été choqués d’apprendre cette mauvaise nouvelle. Pourtant, les avocats des trois détenus ont présenté les garanties nécessaires pour obtenir tout au moins la liberté provisoire pour leurs clients en prévision de l’Aïd, en faisant appel de la décision du juge d’instruction de placer les concernés en détention provisoire. Mais visiblement, la machine judiciaire va continuer à fonctionner tel un rouleau-compresseur confirmant, de ce fait, que toutes les actions entreprises par les autorités à l’encontre de certains organes de presse entrent bien dans le cadre d’une cabale visant à museler les voix discordantes au pouvoir en place.
Une situation dénoncée à l’unanimité et qui offre une piètre image de l’Algérie à l’étranger. Le sit-in d’Alger constitue, en tout cas, un premier test réussi de mobilisation, qui devrait en appeler d’autres. Les journalistes et les artistes de l’Oranie se sont, en effet, déjà donné rendez-vous vendredi prochain à la place d’Armes au centre-ville d’Oran, pour tenir un sit-in similaire à celui d’Alger pour exiger la libération immédiate et inconditionnelle des trois détenus.