par Abdelkrim Zerzouri
Le problème de la petite monnaie se pose tout au long de l’année mais avec l’arrivée du Ramadhan, la situation se transforme, littéralement, en cauchemar pour les commerçants. Déjà, à quelques jours du mois sacré, c’est la course au ramassage et stockage de la petite monnaie.
Des commerçants nous ont avoué qu’ils «mettent de côté» la petite pièce de monnaie, tant qu’ils peuvent en récolter, en prévision du ramadhan où la pression sera terrible sur les pièces de 5, 10 et 20 dinars en particulier. Automatiquement, ce comportement accentue, davantage, la crise, et la rareté de la petite monnaie se fait sentir, partout, chez les commerçants. «Imaginez chaque commerçant qui se met à stocker la petite monnaie chez lui, le peu qui se trouve en circulation sur le marché disparaîtra, en attendant de remettre en circulation sur le marché ces petites pièces de monnaie à l’arrivée du Ramadhan, où le commerce vit ses meilleurs jours de l’an.
Ainsi, partout, tous les services souffrent de ce manque, et il n’y a qu’à entendre cette phrase «vous n’avez pas la monnaie», qui revient tel un leitmotiv dans la bouche des vendeurs de fruits et légumes, les restaurateurs, les taxieurs, les receveurs des bus et jusqu’aux caissiers auprès desquels on règle les factures d’électricité ou du téléphone, pour s’en assurer.
Les vendeurs de fruits et légumes, ainsi que tous ceux qui utilisent la bascule dans leurs transactions d’achat de marchandises au détail, prennent soin d’arrondir le prix de la marchandise à la pesée pour éviter le problème de la petite monnaie. «Cela vous coûte 100 dinars, est-ce que je diminue encore le poids ou vous le prenez», lance un vendeur à un client qui a commandé un kilo de tomate et qui devait payer en contrepartie 80 dinars. Presque machinalement, tous les clients acceptent le jeu et règle la note «arrondie» par le commerçant. Cela évite bien des tracasseries pour l’un et l’autre, puisque le client qui refusera cet arrangement risque d’attendre sa monnaie assez longtemps.
Souvent les vendeurs, dont les stands dans les marchés sont adossés les uns aux autres, communiquent entre eux pour se rendre mutuellement service en cas de pénurie de petites pièces de monnaie. Parfois, le vendeur est obligé d’aller loin pour ramener la petite monnaie et libérer le client.
Chez certains, cela n’a pas besoin d’attendre, car on vous demande avant l’exécution du service si vous avez la monnaie exacte pour payer, chez le taxieur notamment, parce que personne n’a le temps, ni l’espace, pour discuter de la monnaie une fois sur la route.
Lorsque les choses ne sont pas mises au clair au départ, cela se termine souvent par l’accrochage verbal entre les deux parties. «Il fallait me dire avant de démarrer que vous avez un gros billet, on aurait de la sorte trouvé une solution sur place, comment je vais faire, maintenant que je suis coincé derrière le volant», peste un taxieur contre un client. Ce dernier lui répond sèchement que ce n’est pas à lui de penser à la monnaie mais au taxieur. Des scènes qui font partie de la vie quotidienne.
Chère petite monnaie. Tout ce qui est rare prend logiquement de la valeur, et la petite monnaie coûte désormais plus que sa valeur réelle. Certains commerçants, bloqués dans leurs activités à cause de cette pénurie de la petite pièce monnaie, achètent carrément la petite monnaie auprès de jeunes et moins jeunes qui se sont spécialisés dans ce métier qui rapportent. «J’achète 1100 les 1000 dinars en petites pièces de monnaie», nous ont déclaré plusieurs commerçants, de divers horizons, interrogés à ce sujet. Cela évite de trop chercher, à droite et à gauche, considèrent-ils. D’autres paient «un bonus» pour attirer les mendiants, qui viennent chez eux à la fin de la journée déposer tout ce qu’ils ont récolté en petites pièces contre des billets de banque. Chacun a sa petite astuce pour avoir assez de petites pièces de monnaie avec quoi faire tourner son commerce.
De coutume, la Banque centrale d’Algérie met à la disposition des commerçants détaillants, à la veille du Ramadhan, d’importantes sommes en petite monnaie, dans le but évident de faciliter les transactions d’achats et de services, mais cela ne suffit pas, à cause principalement du marché qui privilégie les liquidités à toute autre forme de paiement moderne, notamment le paiement électronique. L’installation de terminaux de paiement électroniques (TPE) chez les commerçants, obligatoire dès le mois de janvier 2019, est le seul moyen à même de contribuer au règlement de ces problèmes de pénurie endémique de la petite monnaie, estiment les banquiers.