Les affaires d’enlèvement se suivent et se ressemblent : elles se soldent toutes par des fins tragiques. Au-delà de la vive émotion que suscite la disparition de Haroun-Zaki et de Brahim, c’est toute la problématique du dispositif d’alerte-enlèvement qui est posée aujourd’hui. Comment mobiliser forces de sécurité et société civile pour éviter ces drames ? Le dispositif mis en place en Algérie est-il assez efficace ? Réponses de spécialistes.
Les questions taraudent tous les esprits : pourquoi les enlèvements se terminent systématiquement par d’abjects meurtres ? Comment les investigations se font-elles ? Comment les forces de l’ordre se mobilisent-elles après le signalement d’une disparition ? Ce dispositif est-il assez efficace ? En Algérie, il n’existe pas encore de système alerte-enlèvement. Le seul dispositif qui existe actuellement est celui que mettent en branle la police ou la gendarmerie.
Une procédure souvent jugée lente par les parents puisque très souvent, les services de sécurité attendent au moins 24 heures avant de valider la thèse de l’enlèvement, lui préférant souvent celle de la fugue. Un temps précieux est ainsi perdu alors que les spécialistes des investigations sont formels : les premières heures sont déterminantes pour secourir les enfants enlevés. Au-delà de ces premières heures, les indices, les éventuelles traces laissées par les ravisseurs sont sérieusement compromis. Ce dispositif a pourtant déjà fait ses preuves ailleurs et a permis de sauver des vies.
En France, à titre d’exemple, le dispositif permet la diffusion, durant trois heures, d’un message d’alerte sur les chaînes de télévision, les radios, les agences de presse, sur les sites internet ou dans les gares. Plusieurs critères, très stricts, doivent être réunis : il faut être en présence d’un enlèvement avéré et non d’une simple disparition, même inquiétante. Il faut aussi que la victime soit mineure et que sa vie ou son intégrité physique soit en danger. Il ne s’agit évidemment pas de déclencher l’alerte à chaque fois que des parents s’inquiètent pour leurs enfants mais de mettre en place en Algérie un véritable mécanisme qui puisse permettre non pas de retrouver des corps sans vie mais d’arracher des mains des assassins des enfants enlevés. Arar Abderrahmane, président du réseau Nada de défense et de promotion des droits des enfants, est formel au sujet de l’urgence de mettre en place un mécanisme efficace d’alerte. «Il faut mettre de nouveaux mécanismes d’alerte et arrêter de réagir après coup. Il nous faut un système fondé sur l’interaction de plusieurs acteurs y compris les médias qui doivent tout de suite répercuter l’information. Il faut que l’information circule de manière très rapide». Mais au-delà de ces aspects purement «techniques», le président du réseau Nada évoque «une grande faille» dans l’ensemble du dispositif de prise en charge des enfants dans l’espace public. Il déplore l’absence de structures et la démission des APC et plaide pour une prise en charge plus globale de la problématique. «Il y a une couche de délinquance qui s’installe en Algérie. C’est sur cette donne qu’il faut travailler en profondeur » dit-il, plaidant pour un système prenant en compte toutes ces dimensions. «Il faut réhabiliter le travail des travailleurs sociaux», dit-il affirmant qu’il faut fonder un mécanisme profond en plaçant des animateurs de quartier qui puissent être vigilants et à l’écoute de ce qui se passe aux alentours. Le travail de routine des forces de sécurité, dit-il, ne peut être suffisant face à l’absence d’un travail sociologique plus profond. Il déplore la dévalorisation du travail des assistantes sociales dont le rôle est primordial pour détecter les comportements asociaux ou suspects. Sans ce plan, déjà proposé aux gouvernements à maintes reprises par la société civile, il n’est pas exclu que d’autres cas d’enlèvements aux issus tragiques se reproduisent.
N. I.