Les émeutes dites du sucre et de l’huile ont laissé des traces et les ministres responsables de la hausse de leurs prix y sont allés chacun de ses arguments. Si celui des Finances s’en explique avec cette impression qu’il jette la pierre à ses collègues du Commerce et des Transports, ces derniers réagissent en tâchant chacun de tirer la couverture à lui. Une situation significative du manque de visibilité et d’unité dans l’analyse et l’action du gouverneme
L’analyse du rapport parlementaire sur les émeutes de janvier dernier, dites du sucre et de l’huile, montre à l’évidence une bien curieuse gestion de la chose économique dans notre pays.
Le diagnostic est effarant et grave, car il démontre cette incohérence dans la conduite des affaires économiques entre plusieurs institutions, censées représenter une unité gouvernementale sur des questions vitales touchant la population, comme la disponibilité des produits de première nécessité et leur accessibilité.
En effet, les explications données par des ministres, ainsi que par leurs propres collaborateurs, sont contradictoires. Si l’un (Djoudi) évoque les coûts élevés des inputs et l’ardoise lourde des transports, ainsi que la volatilité des marchés internationaux, l’autre (Tou) réfute ce constat et déculpabilise ses services portuaires.
De même que le ministre du Commerce incombe la faute au stockage et à la déstabilisation des circuits par les décisions émanant d’un opérateur, ses propres fonctionnaires mettent en avant d’autres raisons et d’autres facteurs liés à la nature même de notre commerce et à la prépondérance de l’informel.Au-delà du bilan et des conclusions de ce rapport sur la genèse des émeutes de janvier 2011, c’est plutôt ce manque de visibilité et d’unité dans l’analyse et l’action des pouvoirs publics qui fait peur.
Car, si l’on ajoute l’explication donnée par Ouyahia lors d’une émission télévisée deux mois après ces événements, on est bien dans le flou total. Conclusion : chaque institution navigue selon sa propre perception. Les plus pessimistes avancent même un diagnostic plus grave : «Notre pouvoir ou notre Etat est morcelé, dépecé en une multitude de pouvoirs, chacun gérant comme il l’entend un secteur loin des autres et sans rendre compte à quiconque».
Il y a bien longtemps que des observateurs et des acteurs politiques ont tiré la sonnette d’alarme sur l’émiettement quasi permanent et progressif des pouvoirs constitutifs de notre Etat, délaissant ainsi des parcelles importantes aux barons de l’informel.
L’exemple récent de l’affaire des médicaments et l’entrée en lice à la dernière minute du Premier ministre démontrent cet état de fait. C’est vrai que nous possédons un gouvernement hétéroclite, avec des ministres centralisateurs, qui ne veulent en aucune manière gêner leurs homologues, refusant toute critique sur leurs gestions, tout débat.
Faut-il revoir la copie ? Oui, celle du mode de fonctionnement de notre Etat, qui doit avant tout accepter des réformes internes au niveau de ses modes opératoires, de ses interventions, des choix des encadrements et de la qualification de ses ressources humaines.
Des réformes qui devront privilégier l’intelligence, l’imagination, le management et la bonne gouvernance. Tout comme il est vrai que l’apport d’une vision claire, transparente, homogène d’une politique économique nationale réduira ces dysfonctionnements et cette anarchie au plus haut sommet de l’Etat. Quant à parler des stratégies et des plans de développements…
H. R.
