Le Trésor a pompé 2 553 milliards de dinars du Fonds de régulation des recettes.
Le rapport annuel 2015 sur l’évolution économique et monétaire de l’Algérie que vient de publier la Banque d’Alger et dont Liberté détient une copie comporte une série d’indicateurs qui montrent une nette dégradation de la situation financière du pays, après la chute des prix du pétrole amorcée en juin 2014. Le document enregistre un déficit record de la balance des paiements : -27,54 milliards de dollars contre -9,2 milliards de dollars en 2014. Ces deux déficits successifs interviennent après plusieurs années de soldes positifs. Pour absorber ce déficit, l’Algérie a pompé 34,81 milliards de dollars de son matelas de devises.
En effet, les réserves de change sont passées de 178,94 milliards de dollars à fin 2014 à 144,13 milliards de dollars à fin 2015. Elles représentent 27 mois d’importations. Les importations de marchandises se sont élevées à 52,64 milliards de dollars, contre 59,67 milliards de dollars en 2014. Plus grave, le document pointe du doigt l’envolée des importations de biens et services. Entamée en 2004, avec une nette accélération à partir de 2008, les importations de biens et services ont dépassé les 70 milliards de dollars en 2014 (près de 71,4 milliards de dollars), soit plus de six fois leur niveau de l’an 2000 (11,7 milliards de dollars). Ces indicateurs montrent la forte dépendance de l’Algérie à l’égard de l’étranger. Une hausse résultant de l’augmentation des transferts de devises au titre des dividendes des sociétés étrangères ou des prestations d’études effectuées par des compagnies étrangères au titre des travaux d’infrastructures ou pour les projets de Sonatrach. Les exportations d’hydrocarbures, elles, ont reculé de 43,4% : 33 milliards de dollars en 2015 contre 58,48 en 2014.
Les exportations globales ont atteint 34,56 milliards de dollars contre 60,12 milliards de dollars en 2014. Elles ont chuté de presque de moitié. Ces résultats du commerce extérieur s’expliquent par la chute des prix du pétrole : 53 dollars le baril en moyenne en 2015, contre 100,23 dollars en 2014, par la faible diversification de l’économie et par l’augmentation exponentielle des dépenses publiques.
Au tableau rose, le volume de la dette extérieure reste faible : 3,02 milliards de dollars en 2015.
Au chapitre budget, le déficit budgétaire affiche un chiffre record : 2 553 milliards de dinars. Il résulte de l’augmentation des dépenses publiques et de la diminution des recettes budgétaires en raison de la baisse des prix du pétrole. Pour résorber ce déficit, le Trésor a recouru intensivement au Fonds de régulation des recettes : il a pompé 2 336 milliards de dinars. Ce Fonds accumulait 2 072 milliards de dinars en 2015 contre 4 400 milliards de dinars en 2014.
Concernant les banques, on est passé d’une situation de surliquidité à une situation d’assèchement des liquidités bancaires. En effet, la liquidité bancaire en moyenne annuelle s’est contractée, passant de 2 826,3 milliards de dinars en 2014 à 2 135 milliards de dinars en 2015 et 1 832,6 milliards de dinars à fin 2015. Les créances non performantes des banques restent élevées comparativement avec les standards internationaux. Ce qui veut dire que les banques publiques éprouvent toujours des difficultés à se faire rembourser les crédits.
Ainsi, l’année 2015 constitue l’amorce de la dégradation de la situation financière du pays après la chute des prix du pétrole en 2014. La tendance négative s’est poursuivie en 2016. En 2017, l’Algérie perdra un amortisseur contre les chocs extérieurs : le Fonds de régulation des recettes. Ce qui va diminuer les marges de manœuvre du gouvernement et pourrait compromettre la paix sociale.