Ramtane Lamamra n’annonce pas “une révolution diplomatique” “La politique étrangère est la prérogative du Président”

Ramtane Lamamra n’annonce pas “une révolution diplomatique” “La politique étrangère est la prérogative du Président”

Le nouveau chef de la diplomatie n’aura pas été trop loquace pour sa première prestation, mais a promis aux journalistes d’autres rencontres pour débattre d’autres sujets liés à la diplomatie algérienne.

Le tout nouveau chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, s’est déjà mis dans le bain, en recevant hier son homologue canadien, John Baird.

Nouveau ministre, nouveau style ? Trop tôt pour le dire. Ramtane Lamamra a, toutefois, annoncé la couleur pour sa première sortie publique (si l’on excepte celle relative à la cérémonie de passation de consignes).

Pour lui, “la politique étrangère est la prérogative du président de la République” et son ministère est là pour l’exécuter.

S’exprimant aussi bien en arabe qu’en français, le nouveau chef de la diplomatie n’aura pas été trop loquace pour sa première prestation, mais il a promis aux journalistes d’autres rencontres pour débattre d’autres sujets liés à la diplomatie algérienne.

Mais, dans le fond, le nouveau chef de la diplomatie reste fidèle aux positions de principe de l’Algérie. Mieux encore, il affirme que les grandes puissances estiment que “l’Algérie est le seul pays stable de la région”. Et de poursuivre : “Nos grands partenaires voient en nous un élément de stabilité et un pays pivot dans la lutte contre le terrorisme.” Pour lui, l’Algérie a un statut fondateur et de leader en matière de lutte antiterroriste, elle qui avait subi une décennie des plus difficiles et qui avait lutté seule contre un phénomène nouveau. En affichant ainsi la couleur, Ramtane Lamamra compte faire entrer l’Algérie dans la cour des grands, la replacer sur la scène internationale comme interlocuteur incontournable.

Celui qui avait présidé la commission de paix de l’Union africaine et qui avait pris part aux différentes réunions des pays du Sahel concernant la lutte antiterroriste, bien avant l’éclatement du conflit malien, apporte une clarification : lorsqu’on dit que la solution doit être africaine, s’agissant des problèmes de l’Afrique, cela ne veut pas dire que l’on refuse la contribution de la communauté internationale. Mais, pour Ramtane Lamamra, le combat que mènent les pays africains, que ce soit contre le terrorisme ou contre le crime organisé transfrontalier, n’est pas seulement destiné à sécuriser les pays concernés, mais va au-delà puisque, selon lui, cela contribue à la stabilité et à la sécurité du reste du monde. Il citera l’exemple du trafic international de drogue qui prend pour base l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Nord, pour affirmer que ce trafic cible, en fait, les marchés européen et nord-américain.

Concernant la situation aux frontières algériennes, Ramtane Lamamra ne cache pas son inquiétude. “Ce qui s’est passé au nord du Mali risque de se répéter dans d’autres foyers de la région”, prévient-il. C’est pourquoi, il estime que la solidarité des pays de la région et la communauté d’intérêts, mais aussi la contribution des grandes puissances mondiales doivent converger pour venir à bout de ces menaces.

Pour ce qui est du chaud dossier syrien, le nouveau chef de la diplomatie a réitéré la position algérienne consistant à privilégier la solution politique, tout en se ménageant une porte de sortie honorable, affirmant que l’usage des armes chimiques, quel qu’en soit l’auteur, est répréhensible et en martelant que l’objectif de la solution politique est de permettre au peuple syrien de décider démocratiquement de son destin. Ramtane Lamamra, tout en saluant l’accord russo-américain concernant le dossier syrien, a estimé que “nous étions proches du recours à la force”, avant de se féliciter de ce que la sagesse a prévalu. Pour lui, la crise syrienne a prouvé qu’il existait toujours un moyen pacifique pour parvenir à résoudre les crises les plus aiguës.

Pour ce qui concerne les relations algéro-canadiennes, le nouveau chef de la diplomatie n’a pas été très prolixe en informations, se contentant de rappeler que l’Algérie demeurait le plus grand partenaire commercial du Canada en Afrique et au Moyen-Orient et que les échanges entre les deux pays s’élevaient, en 2012, à 6,5 milliards de dollars. L’Algérie exporte notamment du gaz naturel pour les besoins de la côte-est canadienne. M. Lamamra confirme une demande officielle algérienne concernant la programmation de vols quotidiens entre Alger et Montréal (Air Algérie assure, pour le moment, un vol hebdomadaire). Selon les chiffres officiels, la communauté algérienne établie au Canada est estimée à 100 000 personnes. Pour le reste, les discussions avec son homologue canadien ont porté sur la nécessité de développer la coopération économique entre les deux pays, notamment à travers l’encouragement des PME, dans les deux pays. Le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique devrait, lui aussi, être un des piliers de la coopération effective entre les deux pays. D’ores et déjà, il a prévu l’organisation, en Algérie en 2014, d’une conférence universitaire traitant des perspectives de coopération en matière de recherche scientifique.

Quant aux dossiers qui fâchent, ceux relatifs aux scandales de corruption impliquant SNC-Lavalin, mais aussi le sort de Farid Bedjaoui, qui possède des propriétés au Canada et qui y serait hébergé, le chef de la diplomatie canadienne est resté très évasif, se contentant de rappeler que le gouvernement canadien avait durci la législation en matière de corruption, notamment pour les sociétés canadiennes opérant à l’étranger, et que certaines personnes, sans autre précision, ont été poursuivies en justice. Quant au sort de Farid Bedjaoui, John Baird dit tout ignorer.

Et c’est Ramtane Lamamra qui vole à son secours, affirmant que les autorités canadiennes coopèrent pleinement avec les autorités judiciaires algériennes.

A. B