La flambée des prix, traditionnelle au début du Ramadhan, n’a pas eu lieu cette année. Le gouvernement exprime sa satisfaction, tout comme le consommateur. Mais le fellah fait la grimace.
Le ministre du commerce, M. Mustapha Benbada, peut se frotter les mains. En ce début de Ramadhan 2013, les prix sont restés relativement stables. Malgré quelques frémissements, la traditionnelle flambée du Ramadhan n’a pas eu lieu. Pour un membre du gouvernement algérien, qui considère toute hausse des prix comme une menace potentielle contre la paix sociale, le résultat est satisfaisant. Seuls quatre à cinq produits ont connu une augmentation de 15 à 20%, a déclaré M. Benbada au cours d’une visite à Aïn-Defla. Le ministre s’est déclaré confiant pour la suite du mois de Ramadhan, affirmant que les choses vont rentrer dans l’ordre sous peu. Dans les marchés, les prix sont effectivement « raisonnables », selon la formule du ministre. Pomme de terre, tomate, oignons n’ont pas connu des prix aussi bas depuis une décennie.
très capricieuse courgette, produit typique du Ramadhan, est passé de 20 à 100 dinars au début du jeûne, pour retomber aussitôt à vingt dinars. « Sur les marchés de gros, la courgette ne trouve pas preneur à 10 dinars », selon un commerçant. Exception, sans incidence particulière toutefois sur le budget alimentaire: le citron s’est montré plutôt coquet, en s’affichant à 400 dinars le kilo. Seul bémol, le prix de la viande, dont la consommation explose pendant le Ramadhan, se maintient à un niveau très élevé, au-dessus de mille dinars. Le poulet et la viande congelée d’importation, disponibles en quantités, à des prix abordables, permettent toutefois d’atténuer la pression sur la viande fraiche.
Le consommateur sourit, le fellah fait la grimace
M. Benbada a cependant tort de considérer que la bataille est gagnée, car le niveau actuel des prix n’est pas le résultat d’une action du ministère du commerce, mais d’une série de facteurs liés au marché. Selon un commerçant de Chlef, l’excédent de pomme de terre a provoqué une chute du prix de ce produit, qui occupe le second poste dans l’alimentation des Algériens, après les céréales. Sur le marché, la baisse de la pomme de terre entraine celle de tous les autres produits. En outre, nombre de fellahs, dont la production arrivait à terme, ont préféré attendre les premiers jours du Ramadhan pour l’écouler. Le résultat a été immédiat : les prix ont légèrement augmenté à la veille du Ramadhan, pour baisser et se stabiliser à un niveau relativement bas aussitôt après le début du mois de jeûne. Mais ce sont les prochains mois qui risquent d’être les plus éprouvants. Particulièrement pour les fellahs, car des prix bas sur le marché signifient que le fellah se ruine.
« Quand la courgette atteint 20 dinars sur le marché de détail, cela signifie que le fellah la cède à dix dinars. C’est la ruine », se plaint un fellah de Zéralda. Il en est de même pour la pomme de terre, qui a plafonné à moins de 20 dinars sur le marché de gros cette année.
Baisse de l’inflation
Entre un consommateur qui affiche le sourire, et un producteur menacé par la faillite, les commerçants gardent le cap. Le Ramadhan est traditionnellement une occasion pour élargir un peu leur marge. Pourtant, l’un d’eux avoue qu’il s’est fait avoir. Il a acheté un lot de courgette à 80 dinars, mais il n’a pas pu la revendre à 20 dinars le kilo. Il se rattrapera cependant sur d’autres produits. Sur la pastèque par exemple, qui a chuté à moins de 20 dinars sur le marché de gros, mais qui reste au-dessus de trente dinars au détail. Autre explication de la stabilité relative des prix, un économiste en vue à Alger rappelle que « l’inflation a frôlé les deux chiffres en 2012. Il est difficile d’envisager deux années consécutives au même rythme ». De plus, dit-il, toute augmentation des prix moindre apparait comme un phénomène positif. Si l’inflation est de cinq pour cent en 2013, cela apparaitra comme un excellent résultat. Or, dans l’absolu, c’est un taux trop élevé », dit-il.