Ramadhan et sport, Les risques de la pratique sportive chez les jeûneurs

Ramadhan et sport, Les risques de la pratique sportive chez les jeûneurs

Si dans l’imaginaire populaire collectif, Ramadhan ne rime pas forcément avec sport et performance physique, empiriquement, son influence sur le rendement des athlètes est loin de les handicaper. Bien au contraire.

Coïncidant cette année avec l’indispensable préparation d’avant-saison que la majorité des clubs de l’élite meuble avec des stages de moyenne durée à l’étranger, le Ramadhan contraint forcément les techniciens et leurs assistants à réadapter leur plan de travail et leurs séances d’entraînement en fonction des conditions actuelles, pas nécessairement encourageantes ou motivantes pour la pratique du sport de performance.

Aux différentes précautions d’usage, des règles d’or sont ainsi adoptées afin de minimiser l’effet du jeûne sur le métabolisme des joueurs, dans la mesure où, comme le rappelle le site médical d’information des sportifs et des professionnels du sport et de la santé, « la pratique d’une activité sportive à jeun brûle prioritairement les sucres et les acides gras circulant dans le sang, puis impose à l’organisme de puiser dans ses réserves de glycogène, de graisse et de protéine, ce qui provoque un déficit énergétique qui place l’organisme en situation de souffrance dans laquelle on peut difficilement concevoir atteindre des performances sans avoir la disponibilité énergétique nécessaire ».

à ce propos et toujours d’après la même source, « la pratique d’un effort en cette période spécifique sollicite d’autres sources d’énergie telles que les graisses corporelles ».

Et si en parallèle une déshydratation y est associée, le risque de blessure tendineuse et musculaire (tendinopathie, élongation, claquage) est beaucoup plus couru qu’en temps normal.

Ce qui explique, en grande partie, le fait que les joueurs, soumis à une charge de travail conséquente en ce mois sacré perdent « toute connotation de plaisir » en raison de la pénibilité de l’effort fourni.

Abderrahim Brikci, enseignant-chercheur en physiologie de l’exercice à l’université de Reims (France), estime, pourtant, que « le jeûne peut faire office de stimulus durant cette période et peut même avoir un effet positif ».

« L’étude (de l’impact du jeûne sur les sportifs) réalisée en Algérie, chez des nageurs, montre par exemple une amélioration significative (+7%) de la performance physique lors de la quatrième semaine de jeûne ; cette amélioration persiste durant les deux semaines suivant le ramadhan. Celle réalisée en France montre, chez les coureurs, une diminution des résultats lors de la première semaine, une stagnation durant les deux semaines suivantes puis une amélioration significative (+5%). Chez les footballeurs, l’impact est beaucoup plus négatif, puisque nous avons relevé un taux important de blessures et d’abandons (50%) dès la première semaine. S’agissant d’un sport collectif, on peut donc penser que ces blessures et abandons sont liés au fait que les séances d’entraînement et de compétition ne sont pas aménagées en fonction des particularismes de chacun », indiquait-il, vendredi dernier, dans Le Nouvel Observateur.

Précision de taille, cette étude a été réalisée l’hiver. « Pratiquer le sport, à jeun, l’été est beaucoup plus problématique » précisera, en parallèle, ledit chercheur avec comme référence les imminents Jeux olympiques de Londres.

Dans cette étude justement, menée conjointement avec ses collaborateurs Faynot et Davenne et intitulée « Ramadan et pratique sportive », le professeur Abderrahim Brikci arrive à la conclusion que « les modifications du rythme biologique (notamment veille-sommeil), l’absence d’hydratation au cours de l’entraînement, l’épuisement précoce des stocks hépatique et musculaire de sucres, l’hypoglycémie qui en résulte ainsi que l’insuffisance de la récupération sont les principaux facteurs susceptibles de se manifester au cours du jeûne et de réduire la performance physique durant le Ramadhan ».

« Afin de prévenir les risques d’épuisement, d’éviter les symptômes inhérents, et éventuellement pour exploiter positivement la pratique du jeûne », Abderrahim Brikci préconise de « respecter certaines règles méthodologiques, diététiques et de récupération ». Il les résumera, dans son rapport final, comme suit : « Donner le temps à l’organisme de s’habituer aux modifications brutales du rythme de vie (décalage de prises alimentaires, de phases de digestion, du sommeil et parfois même celui du rapport sommeil-veille, modification qualitative et quantitative du régime alimentaire…). Pour cela il y a lieu de réduire, durant la première semaine du Ramadhan, le volume et surtout l’intensité de l’entraînement, pour les rétablir progressivement dès la deuxième semaine.

« également, « adapter, pour les athlètes, la fréquence, l’intensité et la durée des séances d’entraînement en tenant compte des particularités énergétiques de la spécialité sportive pratiquée et des spécificités du jeûne ».En parallèle, « respecter la constance du rythme biologique, notamment la durée habituelle du sommeil, sachant que le sommeil de jour, quelle que soit sa durée, ne peut remplacer celui de la nuit ».

Enfin, « éviter les séances d’entraînement intense en début de journée, cela entraîne un épuisement précoce des réserves de sucres. Ce type de séance peut être programmé avant la rupture du jeûne ».

R. B