Les soirées de ramadhan à Constantine riment ces dernières années avec des saveurs et des senteurs différentes titillant les narines des jeûneurs et attisant leur appétit jusqu’à l’heure du S’hour.
A partir de 21 heures, à l’heure où les premiers fidèles commencent à se rendre à la mosquée pour la prière des Tarawih (surérogatoires), les marchands de brochettes affûtent leurs couteaux et préparent leurs barbecues en attendant la sortie des fidèles d’une part, mais aussi d’éventuels badauds que les premiers effluves de viande grillée attirent comme un aimant.
Dans le quartier des « chouwaya » (rôtisseurs) de la commune d’El Khroub, seconde plus grande commune de la wilaya de Constantine réputée pour ses bonnes brochettes, les soirées de ramadhan sont synonymes d’animation, mais aussi d’irrésistibles exhalaisons émanant des barbecues.
Une fois la prière des Tarawih terminée, les vendeurs de brochettes sont, en effet, « investis » par les fidèles dont certains s’attablent, au moment où d’autres préfèrent acheter leurs sandwichs et rentrer chez eux pour les consommer.
Ces « chouwaya » sont néanmoins concurrencés par des vendeurs informels qui squattent l’espace public, attirant les badauds avec leurs brochettes de viande (rouge et blanche) à l’odeur entêtante, en dépit d’une installation généralement très sommaire.
Ces vendeurs de circonstance ne disposent souvent, en tout et pour tout, que d’un barbecue et d’une planche de fortune faisant office de « plan de travail », ce qui ne rebute nullement les jeûneurs.
Affirmant préférer de loin un bon sandwich à la viande et au foie grillés que des mets sucrés qui attisent sa soif davantage, Islam, 18 ans, fait partie des « inconditionnels » des brochettes qu’il consomme quotidiennement durant le mois sacré, et ce, tardivement en guise de S’hour (dernier repas avant une nouvelle journée de jeûne) avec ses copains de quartier.
Ce jeûneur, résidant dans la commune d’El Khroub, a révélé à l’APS que cette envie de brochettes est partagée par de nombreux autres consommateurs pour son apport en protéines, mais aussi, ajoute-t-il amusé, « parce qu’un casse-croûte de brochettes cale bien l’estomac et permet de résister à la faim ».
Des vendeurs de brochettes occasionnels
Selon un commerçant de cette commune, spécialisé dans la vente de brochettes, les citoyens consomment beaucoup de pâtisserie, Zlabia et Kalb Elouz au moment de la rupture du jeûne, ou juste après avec du café ou du lait, donc dans la soirée certains préfèrent manger salé d’où leur intérêt pour les brochettes.
Avec son étal de fortune et son barbecue loin d’être de première jeunesse, installé dans le quartier populaire de Daksi Abdesslem du chef-lieu de wilaya, Aymen, 21 ans, est un vendeur de brochettes occasionnel d’autant, confie-t-il, que c’est un « créneau rentable durant l’été, mais aussi pendant le ramadhan ».
Cela dit, comme toute médaille a son revers, ces vendeurs de « chwa » informel squattent les cités populeuses, en implantant leurs étals ambulants à proximité des immeubles et des devantures des autres commerces, provoquant parfois la colère des locataires qui se plaignent, témoigne Aymen, de la fumée occasionnée par les grillades.
Il y a aussi le volet hygiène que certains citoyens, approchés par l’APS, ont soulevé, notamment la qualité et le contrôle des viandes, estimant que si les marchands de brochettes légaux sont soumis au contrôle des services d’hygiène, les vendeurs informels exposent la viande à l’air libre, avec les risques d’intoxications que cela suppose.
Le rush des dix derniers jours
Installé dans le quartier populaire Rahbet Ledjamel, situé dans la vieille ville de Constantine, le très célèbre marchand de brochettes connu par les habitants de la ville sous le nom de « âami Salah » ouvre son commerce les dix (10) derniers jours du Ramadhan, période au cours de laquelle les badauds se font plus nombreux à l’approche de l’Aid El fitr.
Les brochettes qu’il propose sont « particulièrement savoureuses », font remarquer des habitués du coin, affirmant que c’est notamment la veille de l’Aid, où son local est notamment pris d’assaut par des dizaines de férus de brochettes.
En dépit de l’exiguïté des lieux, les consommateurs patientent à l’extérieur dans l’attente qu’une chaise se vide, s’attablant à tour de rôle, dans un mouvement de chaine interminable durant plusieurs heures.
Bien que les brochettes de viande rouge sont cédées à 35 DA l’unité, et celles de la viande blanche (dinde) à 30 DA, soit plus cher que les prix pratiqués par les vendeurs de brochettes informels, de nombreux consommateurs préfèrent les brochettes savoureuses de ce spécialiste des grillades pour leur qualité.
Pour Abderrahmane, 35 ans, la qualité de la viande reste certes importante, mais la « réputation » du marchand est également primordiale, certifiant, à ce titre, que les consommateurs ne se posent pas trop de questions sur l’origine de la viande quand ils ont à faire à « quelqu’un pratiquant cette activité avec passion ».