Le ministère des Affaires religieuses et du Wakf a instruit les imams des mosquées à l’occasion du ramadhan à adopter des prêches en relation avec les préoccupations quotidiennes des citoyens.
Les préoccupations religieuses vont prendre une large place au cours du mois de ramadhan. Beaucoup de ceux qui habituellement, sans se soucier totalement des pratiques, vont redécouvrir le chemin des mosquées. L’un des cinq piliers de l’islam n’est-il pas le mois du repentir et de l’introspection…
Il fut un temps où ce mois sacré ne donnait pas lieu à cet étalage de piété religieuse. La société ne connaissait pas de débat sur la licéité de la fréquentation des plages qui étaient envahies par les estivants. Les pages de journaux ne débordaient pas de fetwas sur tout et rien. La sobriété caractérisait les comportements. Il faut sans doute lier cette résurgence effrénée de la pratique cultuelle à un phénomène qui, en réalité, épargne peu de pays. Même en Occident qui a toujours fait de la modernité sa boussole et son moteur, la fragilité des êtres et des sociétés en proie à une crise identitaire a poussé beaucoup à se tourner vers les religions et les pratiques mystiques. Cette vague dément la croyance partagée du triomphe inéluctable de la raison et de la démocratie.
Les chaînes satellitaires arabes qui arrosent notre pays semblent aussi avoir leur part dans cette religiosité envahissante. Le socle sur lequel s’appuie la perception religieuse dans notre région est ébranlé. Le ministère des Affaires religieuses et le réseau des zaouïas tentent ces dernières années de dresser un barrage pour protéger la société contre des pratiques nées dans un contexte culturel différent. La nécessité pour les imams qui dirigent les prières surérogatoires de réciter le Coran selon le mode de lecture Ouarch s’inscrit dans cet esprit.
Des milliers d’exemplaires du Coran ont été imprimés avec ce mode et distribué aux mosquées. La perte des repères avait poussé de larges pans de la société à adopter des tenues vestimentaires, des coutumes en rupture avec le syncrétisme qui a façonné le Maghreb et au mépris de la préservation de ce legs (culturel et spirituel) qui a fait l’originalité de la personnalité algérienne. Un combat difficile dans un monde où s’interpénètrent les doctrines et se réduisent les distances.
SORTIR DE LA TOUR D’IVOIRE
Avec l’instruction des pouvoirs publics, un nouveau front pour promouvoir une pratique plus saine et plus positive de la religion. Il paraissait pour le moins illogique d’entendre des imams expliquer des préceptes, se noyer dans le moralisme sans se référer à la vie quotidienne. Le prêche sera orienté vers les commerçants qui en profitent pour réaliser des gains faciles. Il s’adressera également aux personnes malades interdites de jeûner, les exhortant à respecter les prescriptions médicales afin de ne pas nuire à leur santé. Certains imams allaient jusqu’à s’en prendre à des concitoyens accusés de tiédeur dans la pratique, tournant le dos et fermant les yeux sur des comportements plus en porte-à-faux sur la religion.
En ce mois où la cupidité, l’hypocrisie répréhensibles aux yeux du Coran et de la Sunna font florès, l’imam ne peut continuer à vivre dans une sorte de tour d’ivoire, ressassant des problématiques d’un autre âge. La mosquée a joué depuis l’aube de l’islam, un rôle central. Elle a été le lieu où naquirent et se dénouèrent des conflits politiques. Si, aujourd’hui, l’évolution a fait rétrécir ce rôle qui a conduit à des crises sanglantes, elle ne devrait pas servir de caisse de résonance à un discours déconnecté des réalités sociales. L’initiative du ministère des Affaires religieuses n’a pas pour ambition de relayer le discours étatique, mais de rappeler que ces lieux ne sont pas des îlots. Ceux qui y prennent la parole et possèdent ce privilège de s’adresser à des millions de citoyens doivent refléter leurs attentes et répondre à leurs angoisses.