Seule la qualité fera la différence. Tel est le postulat, cathodiquement parlant, de l’âpre et rude concurrence des chaînes de télévision satellitaires arabes, qui semble de mise durant le mois de Ramadhan.
Et ce, de par une « surenchère » montrant et démontrant un effort créatif, esthétique et technique.
Car l’on veut surprendre le téléspectateur en l’extirpant du carcan routinier et par conséquent, le séduire de par un « effet bœuf » et l’accrocher.
Ces chaînes satellitaires affichent… en clair et franchement leur ambition comme MBC, LBC, Nessma TV, 2M TV, Nile Drama, Panorama, Dream1 et 2, Rotana, Dubaï TV, ART… Surtout, depuis l’avènement des « dramas » arabes et turques ayant supplanté les feuilletons élastiques égyptiens, brésiliens et mexicains.
Dans ce bouquet numérique où tout se joue dans un mouchoir, ce Ramadhan aura été de bon augure pour la chaîne tunisienne, Nessma TV, baptisée la « Télévision du Maghreb ».
Aussi, les Algériens commencent à la regarder, car appâtés par un programmes attractif où ils voient défiler des artistes algériens – Maghreb oblige ! – comme Khaled, Safy Boutella, Beyouna, le Marocain Saïd Taghmaoui ou encore la Libanaise Haïfa Wahby dans le talk show Ness Nessma.
Tous les vendredi et samedi, un invité de marque est accueilli sous les auspices de l’animateur vedette tunisien Fawez Ben Tmessek et une fine équipe de chroniqueurs tunisiens, algériens et marocains, composée de Sawsen Maâlej, Maha Chtourou, Amine Idjer et Kaoutar Boudarraja, croquant l’actualité culturelle et sociale avec en prime des reportages, ainsi que des séries TV comme Zorroh, sitcom humoristique et de parodie musicale, Bab El Hara (saison 4), Grey’s Anatomy et C.S.I : Las Vegas (Les Experts). Et puis du football à profusion !
Cependant, Nessma TV a fait fort avec la série-événement Houdou Nessbi (calme précaire) signée par le réalisateur tunisien Chawki Mejri.
Un feuilleton de 30 épisodes, une fiction politico-sociale, relatant les conditions périlleuses entourant le travail des journalistes arabes et étrangers, après l’invasion de l’Irak par les troupes américaines en 2003.
Le pitch ? Une histoire d’amour entre deux reporters. Entre une journaliste syrienne et un reporter égyptien.
C’est aussi une chronique brûlante, dramatique et inique sur la guerre, dans un climat mortifère atteignant son paroxysme et dépassant tout entendement humain lors de la chute de Baghdad, l’un des événements qui a suscité le plus d’émotions à travers tout le monde arabe et musulman.
Houdou Nessbi a été tourné avec des moyens hollywoodiens pour un feuilleton arabe. Pour ce faire, Chawki Mejri a rassemblé dans cette grande production une pléiade de comédiens parmi les meilleurs acteurs arabes, dont notamment Abed Fahd, Nelly Karim, Jawed Chakarji, ainsi que l’acteur tunisien Mohamed Ali Ben Jemaâ.
Nesma TV revendique et se revendique comme une télévision du Maghreb, à l’image de la Star Academy maghrébine et Dar Familya en 2007, une téléréalité tunisienne diffusée durant le mois du ramadhan dont le concept reposait sur la participation de cinq familles venues d’Algérie, Maroc, Tunisie, Libye et France (famille émigrée) vivant enfermées dans dar familya afin de découvrir le Ramadhan de chaque pays et décrocher le super lot : une magnifique maison dans leur pays d’origine.
On air de fraîcheur
Nessma TV amorce un retour fracassant après une parenthèse qui aura duré deux ans. C’est que cette chaîne est en train de creuser son trou, de se forger un nom.
Elle ne cesse de monter et cette montée en puissance est motivée par une fusion, un « ménage » à trois, médiatiquement parlant, réalisé en mai 2009.
Une association réunissant trois groupes. La chaîne Nessma TV, basée à Tunis, est un projet initié par la fratrie Karoui & Karoui (de jeunes publicitaires dont le groupe de communication est leader au Maghreb), le groupe de Tarek Ben Amar, grand producteur de cinéma franco-tunisien – il a à son actif un prestigieux pedigree comme La Traviata (1982) de Franco Zeffirelli, Pirates (1986) de Roman Polanski, Femme fatale (2002) de Brian De Palma ou encore Hannibal Lecter : les origines du mal (2007) de Peter Webber -et ancien impresario de Michael Jackson (qui a donné un concert à Tunis en 1996) et aussi président de Quinta Communications et du géant italien Mediaset, filiale du holding Fininvest de Silvio Berlusconi.
Le groupe Mediaset est leader dans le domaine de la télévision en Italie et se positionne comme l’une des principales entreprises de communication en Europe, qui possède en Italie trois chaînes commerciales (Canale 5, Italia 1 et Rete 4) et d’autres en Espagne, aux Etats-Unis et en Chine et propriétaire aussi de deux régies publicitaires.
En clair, cette fusion s’est traduite par une augmentation de capital de la chaîne Nessma TV (créée par les frères Karoui le 16 mars 2007) de 30 millions de dollars, à parts égales (soit 15 millions) entre Quinta Communications et Mediaset qui sont désormais actionnaires à 50% dans cette chaîne privée à vocation maghrébine.
Mediaset est le premier groupe étranger participant au capital d’une chaîne de télévision dans le monde arabe de cette envergure, après par exemple, la chaîne marocaine 2M TV.
Et puis, il y a quelques jours, Silvio Berlusconi, président du Conseil des ministres italien, en visite officielle en Tunisie, s’est rendu au siège de Nessma TV et y a même accordé une longue interview de 40 minutes en tant qu’invité et… actionnaire.
Téléphone arabe
Toujours au Maghreb, la chaîne privée marocaine 2M TV se distingue aussi par son effort qualitatif à travers une série de dramas et sitcoms tels que Aandak A Miloud (minisérie), Cool Center, Is’al Rouhak, Nsib Al Haj Azzouz, Bent Bladi, Ana wiyak, Rommana Wa Bartal, Sihr Al Ghajariyate, Wa Tamdy Al Ayyam ou encore Wa Yabqa Al Houb.
Nsib Al Haj Azzouz est un sitcom réalisé par Hassan Rhania avec Saïd Naciri, Hammadi Ammor, Imane Albani, Aïcha Mahmah, Latifa Ahrar, Mustapha Zaâri, Mehjoub Raji, Jaouad Nkhili… La trame ?
Alwan est un fonctionnaire sérieux et honnête, âgé d’une quarantaine d’années.
Malgré son abnégation, il n’est jamais arrivé à progresser dans sa carrière, il décide alors de profiter de l’opération « départ volontaire » pour commencer une nouvelle vie.
Avec la prime qui lui a été versée, il s’achète un appartement et le loue pour… aller s’installer « provisoirement », avec sa femme Salwa et ses deux enfants, chez son beau-père Lhaj Azzouz…
Alwan, l’intrus, tente de cohabiter avec le vieil homme radin et farfelu tout en cherchant un nouvel emploi. Bienvenue dans le quotidien d’une famille pas comme les autres !
Cependant, la série la plus regardée est Cool Center, signée par un duo de réalisateurs, Narjiss Nejjar et Hicham El Asri, mettant en vedette la talentueuse Hayat Belhalloufi aux côtés de Younes Bouab, Amal Al Atrach, Mehdi Ouazzani, Naïma Ilias, Bouchra Hraich, Abderrahim Tounsi (Abderraouf), Malek Akhmiss, Salah Bensalah, Asmae Khamlichi, Mustapha Moustaid, Sahar Seddik…
L’histoire se déroule dans l’univers des centres d’appel, à Casablanca, peuplés d’une faune de jeunes qui font ou pensent faire de l’intérim avant de passer à une vraie carrière.
Rita Benchrifa, une fille de riche qui a dégringolé l’échelle sociale après le décès de son père, débarque dans le call center.
Elle apprend à se débrouiller seule pour la première fois de sa vie. Rita apprend aussi à revivre au contact de la population si particulière de cet univers : Othman, le patron parano, Bouchta, le footballeur déchu qui fait du surplace, Sfia, qui se prend pour Nicole Kidman, une formatrice un peu dépassée, un chaouch avec des prétentions comiques, des laveurs de carreaux philosophes…
Ces gens deviendront la nouvelle famille de Rita avec qui elle va retrouver cette part de chaleur et d’humanité qui lui a toujours manqué. Elle va y trouver aussi l’amour.
Sur Dubaï TV, la drama arabe, par analogie à celle turque (Remember Noor), est Khass Djidan avec la grande actrice égyptienne Yousra, campant le rôle du docteur Chérifa Zaki, une psy exerçant dans deux centres médicaux, l’un au Caire et l’autre à Dubaï.
Il s’agit d’une « analyse » sur le divan du monde… arabe et un regard profond, sans complaisance, sur la société et sa complexité.
Desperate Housewives panarabes
Sur MBC, plusieurs dramas s’illustrent. Un feuilleton épique intitulé Findjan Edam (une coupe de sang) réalisé par Laith Hajou avec Djamel Souleyman, Ghassan Messaoud, Bassem Yakhour et Mayssa Maghrabi relate la période ante-Islam, ses croyances et ses totems, sur fond d’histoire d’amour et de joutes belliqueuses.
La série est émaillée de cascades conçues par des experts venus d’Hollywood et ce, sous la direction du Britannique Ian Van Timberly.
De même que la saison 4 de Bab El Harra, Char Noufouss décriant les pratiques obscurantistes, le recours à la sorcellerie et au vaudou, Sadk oua Oûda de Mohamed Aziza relate l’épisode « impie » de Abou Djahl quant à l’Islam.
Kalam Nessouane (palabres de femmes) est une « drama » qui marche aussi. Une série à la Desperate Housewives composée de quatre femmes : deux Libanaises, une Tunisienne et une Egyptienne exprimant leurs joies, souffrances, peines et espoirs au quotidien.
Commentant son rôle dans Kalam Nessouane, l’actrice libanaise Nadine Errassi, indique : « Kalam Nessouane parle de la souffrance et de la répression contre les femmes.
Il traite de la condition des femmes dans le monde arabe. Kalam Nessouane est très important.
Il s’agit aussi d’échec d’expériences. Comme l’histoire d’une jeune fille qui épouse le fiancé de sa sœur ainsi que l’antinomie de la célébrité à l’anonymat humain et humaniste.
Quant au rôle de Nadine, je l’ai incarné avec mon accent et mon identité libanaise. Le rôle de Nadine me ressemble. C’est une battante et une ambitieuse. »
Bref, à vos télécommandes et au remote tv control, c’est le grand zapping ! ça crève les yeux et le petit écran, qui voit grand !
K. Smaïl