Rahim Sadek : « J’ai toujours aimé exposer en Algérie »

Rahim Sadek : « J’ai toujours aimé exposer en Algérie »

Talentueux artiste, Rahim Sadek expose du 19 mai au 10 juin 2016 à la galerie El Marhoon (Hydra, Alger) son dernier projet. Maîtrisant toutes les techniques, Sadek Rahim, diplômé des prestigieuses écoles des Beaux-arts de Beyrouth et de Londres, est l’un des premiers artistes à avoir exposé des installations.

Dans un entretien au Jeune Indépendant à notre quotidien, le plasticien donne un aperçu de sa prochaine exposition, parle de l’installation et de ses projets artistiques immédiats.

Jeune Indépendant : Vos exposerez à Alger à la galerie El Marhoon (Hydra) à partir du 19 mai. Pourriez-vous nous donner un aperçu sur le projet que vous présenterez ?

Rahim Sadek : Cette exposition, qui durera jusqu’au 10 juin 2016, s’intitulé Call me Giminiana. J’expose 6 grandes toiles de 185/160cm et 6 toiles de 60/60 cm ainsi que quelques dessins sur papier. Pour la technique, j’ai utilisé de la : poudre et la mine de graphite, mine de plomb, l’encre et l’acrylique.

Pourriez-vous nous parler de la genèse de ce projet ?

C’est un projet qui s’est imposé à moi et qui évoque les évènements tragiques en Syrie et en Irak et l’immigration massive de ces populations vers l’Europe qui s’en est suivie.

En fait j’ai déjà vécu, il y a quelques années une année en Syrie puis j’ai fait mes études entre autre au Liban pendant quatre années, cela a fait que durant des années je me suis promis de ne pas me contraindre à produire un projet sur ce sujet à moins que ce dernier vienne naturellement et s’impose a moi.

C’est ce qui s’est passé lors de mon dernier voyage à Rome en Mars 2016. Lors de ce voyage touristique j’ai visité plusieurs musées et galeries.

L’un des moments fort de ces visites a été de revoir l’originale d’une fresque représentant le navire marchand Isis Giminiana au musée du Vatican, œuvre que j’avais déjà admiré plusieurs fois dans des livres ; bien sûr la composition de ce nom m’intrigué.

L’œuvre en question est une fresque restauré qui représente une scène de la vie quotidienne de marchands à Ostie près de Rome un siècle av. J.-C. La mâtiné de ce même jour à Rome j’avais et par pure coïncidence, j’ai assisté au fameux tour du Pape en Pape-mobile dans la place Saint-pierre et pris des photographies.

En rentrant à Oran, quelques jours après, le Pape quitte l’ile de Lesbos avec trois familles syriennes à bord de son avion ; le projet s’est alors naturellement imposé et très vite j’ai complété mes recherches pour ce projet.

Cette fois-ci vous exposez des peintures sur toiles et des dessins sur papier mais le nom de Sadek Rahim est associé à l’installation.

Oui effectivement, pour la plupart de mes projets, l’installation est l’un des modes d’expression artistique que je préfère.

C’est un moyen technique comme un autre pour véhiculer une idée, un concept ou tout autre travail à présenter au public. Personnellement, j’ai toujours senti que mes messages parviennent mieux, sûrement et efficacement au public via le medium de l’installation.

Quand avez-vous découvert l’installation et pourquoi préférez-vous ce mode d’expression et de communication ?

J’ai découvert l’installation pour la première fois au Liban où j’étais étudiant à l’école des beaux-arts. Cela m’a fasciné. Je découvrais un mode d’expression qui donner accès à une œuvre non seulement par le sens de la vue mais aussi de par le toucher et l’ouïe.

Les divers éléments de l’installation constituent un environnement qui sollicite la participation du spectateur, elle l’encourage donc à une réflexion sur son site et son contexte.

J’aime le fait que l’installation ne sollicite pas seulement l’œil, elle est souvent immersive : Elle enveloppe le spectateur dans un espace imaginaire ou réel et lui propose souvent des expériences sensorielles nouvelles. Placé au cœur du processus artistique, le spectateur est immergé dans un milieu où tous ses sens sont incités. Il est ainsi confronté à la théâtralité de l’œuvre ; il est alors actif et non plus passif vis-à-vis de l’œuvre.

Ne pensez-vous pas qu’une installation s’adresse seulement à un public connaisseur, pour ne pas dire l’élite ?

Je ne partage pas cet avis. Pour un artiste, utiliser une technique ou une autre pour s’exprimer importe peu du moment où son message est reçu par le public.

C’est à l’artiste de disposer de l’habilité nécessaire pour toucher la sensibilité d’un regardeur (Monsieur tout le monde) qui doit garder en lui une trace de l’œuvre même si celle-ci est complexe. Moi j’encourage le public, qui est encore retissant à faire cette expérience et d’aller voir des installations ; il y a souvent des évènements artistiques comprenant des installations.

En ce moment à voir absolument Picturie Générale III c’est au Marché Volta, à Alger-centre. Il faut aussi voir les expositions qui se déroulent à l’espace « La Baignoire « , près du square Port Saïd, le Festival international des arts contemporains qui se tient au musée le MAMA chaque début Décembre sans oublier bien sûr la Biennale d’Art Contemporain d’Oran.

Une installation, c’est volumineux et cela prend de l’espace. Trouvez-vous facilement de l’espace pour exposer ?

Jusqu’à ce jour, je n’ai pas eu de problème pour montrer mes installations.

J’ai exposé des installations en Europe et au Moyen-Orient et même en Algérie dès mon retour du Royaume-Unis où je venais de finir des études approfondies en Art contemporain ; ici les portes été toujours ouvertes. Ma première installation a été donc dans la Bibliothèque du Hama, le musée MAMA, l’institut Français Oran, l’école des Beaux Art de Mostaganem, la Biennale Méditerranéenne d’Art Contemporain d’Oran et la galerie Racim.

Quelle est l’installation que vous avez vue et qui est restée dans votre mémoire ?

L’une des installations qui m’a le plus marquée est Flying Rats de Kader Attia. Elle a été exposée lors de la Biennale de Lyon (France) en 2005. L’installation est constituée d’une grande cage grillagée qui enferme 45 mannequins d’enfants et 150 pigeons vivants, le tout ressemblant à une cour de récréation.

Les sculptures d’enfants sont faites de mélange de mousse et de graines et constituent donc la seule source de nourriture pour les pigeons.

Les sculptures se font peu à peu picorer par les pigeons et la jolie cour de récréation se transforme en un véritable champ de bataille. Cette installation a suscité une grande polémique mais l’artiste a expliqué qu’il s’est inspiré d’une anecdote d’enfance. Il s’est évanoui dans la cour de son l’école.

Quand les pompiers lui ont demandé si ‘’il avait vu des oiseaux’’ ; ne connaissant pas cette expression populaire, cette phrase a créé une phobie en lui durant des années.

Outre à la Bibliothèque nationale, dans quels espaces avez-vous exposé en Algérie et où souhaiteriez-vous exposer ?

J’ai toujours aimé exposer en Algérie. Comme les acteurs et les comédiens ont besoin de théâtre et de salles de cinéma, nous, les plasticiens, nous avons besoin d’espaces d’expositions. Dommage pour nous, nous ne sommes pas gâtés. Nous profitons comme nous pouvons du minimum de galeries, centres d’Art et musées pour montrer nos créations.

Personnellement j’ai exposé aux musées Zabana et Cirta ainsi qu’au MAMA. J’ai également présenté mes œuvres au niveau des galeries Racim, Al Marhoon et Civ’œil, ainsi qu’à l’Institut français et autres galeries du pays.

A l’étranger j’ai exposé dans des centres d’art contemporain, musées et galeries au Liban, en France, en Argentine, en Slovaquie, au Royaume-Uni, à Dubaï, au Maroc, en Tunisie et en Allemagne.

Je salue à cette occasion la création de deux nouveaux espaces d’art contemporain a Alger : La Baignoire et l’espace d’art contemporain d’El Achour. Et pour répondre à la deuxième partie de votre question, étant artiste oranais je souhaiterais bien sûr exposer dans le futur musée oranais le MAMO ; en fait je suis en pleine préparation d’un grand projet pour ce musée.

Outre les magnifiques installations que vous avez réalisées, vous maîtrisez plusieurs techniques artistiques. Pourriez-vous nous présenter Rahim Sadek le plasticien « classique « ?

A la base je suis un artiste plasticien. Durant mes études aux beaux-arts de Beyrouth, j’ai eu une formation classique : peinture, sculpture, gravure, photographie, histoire de l’art et des civilisations … En rentrant à Oran en 2004 après mes Masters à Londres, j’ai entamé des expositions où j’ai produit des peintures sur toiles, des dessins, des photographies, des installation et des vidéos. En Algérie, la plupart des artistes touchent à plusieurs techniques.

Vous êtes aussi artiste photographe ?

Oui, quoi que je n’aie jamais exposé de photographie encadrée, c’est-à-dire présentée d’une manière classique. En fait, j’utilise la photographie pour l’intégrer à mes installations ou à en faire des mixed-medias. Pour l’évènement YSL a Oran en 2013, j’ai réalisé une commande d’une installation et deux mixed-medias.

L’installation comprenait des portrais de jeunes algériens imprimés sur des autocollants de 7/7cm, et deux autres grands portrais imprimés sur textile, le tout tiré sur un châssis de 200/140cm et recouvert de dentelle.

J’ai eu à travailler avec le photographe REZA lors de « Nuit Blanche d’Oran « il ya quelques années et j’ai participé à des expositions avec les photographes Bruno SERRALONGUE et Jean-Luc VILMOUTH dans le cadre du cycle Emigration-Immigration présenté à Oran par l’IF et le CRASC.

Sur quel projet travaillez-vous actuellement ?

Actuellement je travaille sur des projets pour plusieurs expositions à venir ; entre autre l’exposition TALANT en Tunisie, une rencontre entre la galerie A.Gorgi et l’entreprise Talant qui prête un espace de 800m2 a des artistes venus du Maghreb Arabe), un solo pour la galerie Al Marhoon à Alger et un grand projet qui me tient particulièrement a cœur pour le nouveau musée à Oran le MAMO.