On la disait acquise cette extradition, pourtant il faudra encore attendre longtemps. L’ancien milliardaire algérien, Rafik Khalifa, numéro d’écrou TP7191, a introduit un recours auprès de la Cour suprême britannique pour empêcher son extradition vers l’Algérie.
L’annonce a été faite mercredi 14 juillet par le ministre algérien de la Justice Tayeb Belaiz.
«Abdelmoumène Rafik Khelifa a introduit devant la Cour suprême (High Court) un recours contre la décision de son extradition », a déclaré le ministre algérien à la presse au cours d’une une cérémonie en l’honneur des détenus lauréats du baccalauréat et du Brevet d’enseignement moyen (BEM) à l’établissement de rééducation et de réinsertion d’El-Harrach (Alger).
La Cour Suprême, la Chambre des Lords et la Cour européenne des droits de l’homme
Le ministère britannique de l’Intérieur, The Home Office, avait donné, mercredi 28 avril 2010, son aval à l’extradition de l’ex-patron du groupe Khalifa, après une bataille judiciaire qui aura duré plus trois années.
Le feu vert des autorités britanniques pour le renvoi de Rafik Khalifa, 41 ans, s’appuie sur un accord d’extradition qui lie depuis 2003 la Grande-Bretagne à l’Algérie. Aussitôt la décision du ministère britannique rendue publique, l’avocate de Khalifa, Anita Vasisht, du cabinet Wilson & Co qui défend les intérêts de l’ex-milliardaire, avait annoncé que l’intéressé allait interjeter appel auprès de la Cour Suprême du Royaume-Uni.
C’est désormais chose faite. C’est que Rafik Khalifa, détenu depuis avril 2007 à la prison de Wandsworth, dans le sud-ouest de Londres, dispose encore de plusieurs recours. Outre la Cour Suprême, celui-ci peut encore faire appel auprès de la Chambre des Lords britannique ainsi qu’auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.
Bref, le feuilleton est loin d’être terminé. C’est d’autant plus vrai que la justice de Sa Majesté est réputée pour une des plus pointilleuses au monde.
Khalifa fait état de « menaces » sur sa vie
Cette nouvelle procédure devra donc retarder un éventuel renvoi de Rafik vers son pays d’origine. L’avocate avait prévenu que « le dossier est loin d’être clos ». Le cabinet chargé de la défense de Khalifa dit craindre pour la vie de son client si celui-ci devrait être extradé en Algérie. En dépit des garanties « diplomatiques » données par le gouvernement algérien quant à la sécurité de l’ex-tycon, ce dernier dit qu’il risquait la mort dans son pays.
Le quotidien britannique The Guardian révélait dans son édition du 26 avril 2010 détenir des documents et des informations faisant étant de réelles menaces qui plaineraient sur la vie du prévenu.
Dans un article intitulé « L’homme d’affaires algérien fait face à une éventuelle extradition malgré les mises en garde des services de sécurité britanniques », The Guardian indiquait que des membres des services secrets britanniques avaient rendu visite à Khalifa dans sa cellule pour lui faire part de sérieux risques de « liquidation physique » en cas de retour en Algérie.
Si les autorités britanniques avaient démenti les affirmations du quotidien londonien, rien n’empêche les juges qui auront à statuer sur ce dossier d’en prendre éventuellement compte.
Khalifa condamné à perpétuité, des personnalités soustraites aux poursuites judiciaires
Refugié à Londres depuis mars 2003, cet ancien fils d’un ministre sous le président Ahmed Bella, a fait fortune dans la banque et le transport aérien avant que son groupe ne soit dissous et dépecé dés l’automne 2002. Selon des estimations fournies par le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia, la faillite du groupe Khalifa a coûté la somme de 3 milliards de dollars au trésor public.
Jugé par contumace en Algérie, Khalifa a été condamné à la réclusion à perpétuité par le tribunal criminel de Blida pour « association criminelle, corruption, abus de confiance, faux et escroquerie ». Son procès avait laissé un gout d’inachevé auprès de l’opinion publique dans la mesure ou plusieurs hautes personnalités du régime, nommément citées dans le cadre de cette affaire de corruption et de malversations, ont été soustraites aux poursuites judiciaires.
Il s’agit notamment de l’ancien ministre Aboujera Soltani, du ministre des affaires Etrangères, Mourad Medelci ainsi que du secrétaire général de l’UGTA, Abdelmadjid Sidi Said.
Recours auprès de la Cour Suprême : les méandres de la procédure
Le recours introduit par les avocats de Khalifa devant la Cour Suprême du Royaume-Uni doit comprendre un exposé des faits et les arguments qui le justifient. Une fois la procédure enregistrée, un magistrat est appelé à se prononcer sur la recevabilité ou non de la requête de la défense. En théorie, la Cour doit statuer sur des article et points de droit, toutefois elle peut avoir sa propre appréciation des faits.
En cas d’accord de la part des juges de la Cour Suprême, les avocats de la défense et ceux de la partie civile, représentant les intérêts de l’Etat algérien, seront appelés à une audience. Celle-ci pourrait intervenir dans un délai de cinq mois, délai nécessaire pour que les juges puissent étudier le dossier.