Radioscopie Du secteur du médicament, Réalisations et insuffisances

Radioscopie Du secteur du médicament, Réalisations et insuffisances

L’Algérie a réalisé un bond quantitatif et qualitatif dans la production et la distribution du médicament. Sans cette maîtrise, la politique de santé publique présentera fatalement des défaillances.

Le responsable chargé de ce dossier au ministère de la Santé est catégorique. « Le médicament est un produit stratégique au même titre que la sécurité alimentaire », insiste-t-il. A ce titre, l’Algérie a toujours eu pour objectif de mettre à la disposition des citoyens les médicaments indispensables, récents et innovants. D’ailleurs, selon les recommandations de l’OMS, chaque pays doit avoir une liste de 700 médicaments alors que l’Algérie, selon notre interlocuteur, « dispose de 5.000 ». L’une des fonctions régaliennes de l’Etat est d’assurer la disponibilité du médicament, dont la commercialisation et l’importation ne sont soumises à aucun monopole. Toutefois, le directeur général des produits pharmaceutiques souligne que « l’approvisionnement et la régulation sont toujours maîtrisés puisque le programme prévisionnel d’importation et de production est établi à l’avance ».

Il existe deux classifications des médicaments. Ceux vendus en officine et ceux délivrés aux malades dans les hôpitaux. L’approvisionnement des hôpitaux est effectué par une centrale des achats, la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), une structure sous tutelle du ministère de la Santé. La sécurité du médicament étant un impératif majeur, tous les lots importés ou fabriqués localement sont contrôlés par le Laboratoire national de contrôle des produits pharmaceutiques (LNCPP). Ce dernier a été créé en 1993 et sa mise en service date de 1995. Les infractions enregistrées concernent les documents constituant le dossier et non les médicaments, selon le DG des produits pharmaceutiques au ministère de la Santé. Il ajoutera que « le LNCPP opère conformément aux standards internationaux et aux recommandations de l’OMS, à savoir le respect des normes de qualité, de sécurité et d’efficacité ». Selon un médecin spécialiste, « la prescription des médicaments, notamment dans les structures étatiques, répond dans 90% des cas aux normes ».

Selon lui, « une ordonnance prescrite ne devrait pas dépasser quatre médicaments ». Il faut savoir que le médicament est un apport étranger au corps, donc assimilé à une intrusion. Sa particularité est de ne pas nuire. Si l’on peut traiter avec un seul médicament pourquoi en prescrire deux. « Il s’agit d’éviter les effets secondaires et l’interaction entre plusieurs traitements », explique le même praticien. Néanmoins, « certains confrères qui exercent dans le secteur privé ne lésinent pas sur les anti-inflammatoires qui sont pourtant néfastes pour la santé ». « Ils calment la douleur symptomatique mais ne s’attaquent pas à l’origine du mal », relève-t-il. En principe, chaque médecin doit obéir à une prescription selon la norme DCI (Dénomination commune internationale) et non selon les marques. Le pharmacien propose ce qui est disponible et est habilité à donner un substitut selon les règles.

L’automédication, une arme à double tranchant

Tous les professionnels de la santé reconnaissent que l’automédication est un phénomène existant de par le monde. « Tous les médicaments doivent être prescrits par un médecin. L’automédication cache des signes et altère le diagnostic, notamment chez les enfants. Elle est une arme à double tranchant », avertit le directeur général des produits pharmaceutiques. Ce même responsable indique qu’il est dangereux de prendre des antibiotiques sans l’avis d’un médecin. « A force d’utiliser les antibiotiques d’une manière anarchique, le patient développe une résistance », souligne-t-il. Toutefois, un simple mal de tête peut-être allégé par un comprimé de paracétamol. Par ailleurs, des malades recourent à la médecine traditionnelle. Celle-ci a montré ses limites pour le traitement de certaines pathologies. Miel, huile d’olive, tisanes ne sont que des aliments. Ils sont bénéfiques pour l’être humain mais ne constituent nullement des remèdes.

« La santé des patients est trop importante pour qu’on la livre à l’empirisme », poursuit notre interlocuteur. « Attention, c’est la dose qui fait le poison ! », met-il en garde. Concernant la production locale du médicament, il est à souligner que Saidal, leader dans ce domaine, a déployé des efforts remarquables pour couvrir les besoins locaux. Certains médicaments fabriqués par ce groupe n’ont rien à envier à ceux importés à coups de devises. « A titre d’exemple, le Paralgan de Saidal répond aux normes alors que nombre de génériques importés laisse à désirer », déplore le même responsable. A ce propos, d’une année en année, il est constaté une augmentation de la part de la production nationale de 5%. Avec 70 unités de fabrication privées et 9 unités de Saidal, la production locale constitue une alternative à l’importation. « L’Algérie a pris des mesures incitatives et protectrices en faveur de la fabrication locale », affirme le DG des produits pharmaceutiques. Il ajoutera que « c’est un point important soulevé lors des négociations avec l’OMS pour protéger la production locale en interdisant l’importation des produits fabriqués localement depuis 2008 ». Pour ce qui est de la classification, elle est irréprochable et est faite dans les normes, selon les pharmaciens contactés. Les médicaments qui doivent être délivrés sur ordonnance comme les neuroleptiques sont classés dans la case « C ».

Prévenir que guérir

Dans ce tableau contrasté, les médecins spécialistes doivent accorder plus d’importance à la prévention afin d’éviter les complications (maladies chroniques). Le diabète et l’hypertension coûtent très chers à l’Etat, il faut donc donner de l’importance à la prévention et éviter les facteurs de risque. Il s’agit d’adopter un régime alimentaire sain, de pratiquer une activité sportive et d’éviter le stress de la vie moderne. Bien qu’un nombre important de séminaires, de congrès et de journées portes ouvertes se tiennent chaque année autour des maladies chroniques, il n’en demeure pas moins qu’aucune recommandation issue de ces joutes scientifiques n’est appliquée sur le terrain. L’hypertension peut engendrer plusieurs complications tels l’accident vasculaire cérébral et l’insuffisance rénale. Les spécialistes et les associations de malades soutiennent que le nombre de personnes atteintes d’insuffisance rénale est très important. Elles ont des antécédents d’hypertension artérielle et ne le savent pas. « Au bout du compte, l’insuffisance rénale peut devenir terminale et conduire à la dialyse », relèvent les spécialistes en néphrologie. Du moment que plus l’hypertension est importante, plus la fonction du rein se dégrade, il suffit juste de mesurer le taux de créatinine dans le sang. Selon les statistiques des associations d’aide aux insuffisants rénaux, 35% de la population souffre d’hypertension artérielle. Dans la wilaya d’Alger, il a été recensé 65.000 personnes hypertendues.

La prise en charge de ces malades laisse à désirer, selon les présidents d’association. Les tensiomètres, un instrument nécessaire pour les hypertendus, à titre d’exemple, n’est pas remboursable par la Sécurité sociale. Les spécialistes expliquent que plus l’hypertension est importante, plus la fonction rénale se dégrade. Une insuffisance rénale se dépiste simplement par le dosage de la créatinine dans le sang. D’où l’attention particulière à apporter au suivi du traitement. Mieux que le médicament, la prévention est un volet auquel le ministère de la Santé, les médecins, les paramédicaux et les associations doivent s’y atteler pour diminuer la prévalence de la mortalité (maladies chroniques). Il suffit d’adopter une hygiène de vie adéquate en diminuant la consommation de sel, de sucre, en pratiquant un sport et en évitant la cigarette. D’ailleurs, grâce à une vaccination les que la poliomyélite et la coqueluche ont été éradiquées. Ne dit-on pas que la santé n’a pas de prix mais a un coût. La maîtrise de cet élément peut servir à financer des projets d’équipement ou autres pour que la santé ne soit plus l’objet d’interminables récriminations.

Rabéa F.