«Oui, j’ai voté contre l’enquête demandée par le Parlement européen sur les événements du camp sahraoui de Gdeim Izik, dans la périphérie d’Al Ayoune», a déclaré hier Rachida Dati, Eurodéputée, ancienne ministre française de la Justice, et ancienne maire, au cours d’une conférence de presse animée à l’Institut des sciences politiques d’Alger.
«Nous n’avions pas d’informations vérifiées et authentiques», sur ce qui s’est passé dans ce camp, a-t-elle ajouté. Elle cite l’affaire des photos d’un enfant palestinien victime de la guerre de Ghaza publiées par des titres de la presse espagnole et montrées comme des images des événements du camp. «Vous voyez, avec ce qui se passe, ces fausses informations, je ne pouvais pas voter dans ces conditions», poursuit-elle.
«Ce vote n’a aucun effet juridique, il devait avoir lieu en décembre et non en novembre comme cela s’est produit. Ça a donc été fait dans la précipitation», selon Rachida Dati. «Nous n’avions pas toutes les informations, donc il fallait débattre, ça n’a pas été le cas, j’ai voté contre», a lancé l’Eurodéputée.
«Des images ont été montrées alors qu’elles concernent le conflit israélo-palestinien. Je ne peux pas prendre position quand les informations sont fausses», a expliqué Rachida Dati. L’eurodéputée, de père marocain et de mère algérienne, a prononcé cette phrase significative : «Je ne peux pas choisir entre mon père et ma mère.»
Les députés européens qui «condamnent fermement» les incidents violents qui ont eu lieu le 8 novembre lors du démantèlement du camp de Gdeim Izik au Sahara occidental étaient d’avis que l’ONU est l’institution la plus appropriée pour mener «une enquête internationale indépendante»,
dans une résolution adoptée le mois passé, rappelle-t-on. L’eurodéputée, pour appuyer son rejet du vote du Parlement européen, a rappelé que «le Parlement européen a déjà adopté par le passé une résolution avant de reconnaître, une semaine après, qu’il n’y a pas eu de débats».
«Les autorités marocaines font preuve de tempérance envers les Algériens,et vous le savez.»
Par ailleurs, l’eurodéputée a déclaré que «les autorités marocaines font preuve de tempérance envers les Algériens, et vous le savez». «Le ministre marocain, auditionné mercredi, a rendu hommage à son homologue algérien. Les autorités marocaines ne font pas de critiques envers les Algériens», a-t-elle ajouté.
«Je fais confiance aux responsables des deux pays.» Interrogée par une journaliste sur un document de la CIA prévoyant une «guerre» entre l’Algérie et le Maroc, Rachida Dati répond : «Je ne peux pas imaginer un conflit entre les deux pays», ce qui pourrait être interprété comme un appel de l’eurodéputée pour éviter ce scénario.
Rachida Dati, qui animait une conférence au grand amphithéâtre de l’école pour les étudiants sur le sujet «quel avenir pour l’Union pour la Méditerranée ? (UPM)» a évoqué ce thème.
«Quand vous êtes face à des géants comme l’Inde, avec 1,8 milliard d’habitants, les USA, avec 500 millions d’habitants, vous ne pouvez pas exister si vous n’êtes pas membre de l’Union européenne»,
ajoutant que «le Maroc, tout seul, l’Algérie, toute seule et la Tunisie, toute seule, ne peuvent pas exister», signifiant que l’intégration à l’UPM relève d’une question de survie pour ces pays. «La France est plus forte quand l’Europe est plus forte. On l’a vu pendant la crise», cite-t-elle encore comme exemple.
L’eurodéputée reconnaît, toutefois, l’existence d’obstacles pour l’édification de l’UPM. «C’est vrai qu’il y a des différends, il y en a qui pensent qu’ils sont d’ordre politique et diplomatique,
mais ne sont pas économique ou environnementale», lance l’eurodéputée. Elle en veut pour preuve l’existence de projets en matière d’environnement, d’énergie solaire, d’infrastructures, ainsi que du nucléaire civil, avec la proposition d’aide de la France pour l’Algérie dans ce domaine dans le cadre de l’UPM.
«Pour le conflit israélo/ palestinien, ce n’est pas une fatalité», ajoute l’eurodéputée, et d’expliquer : «Qu’il y a des rapports de l’ONU, des instructions pour arrêter la colonisation», et «qu’il y a des négociations». «Laissons l’ONU faire son travail et attelons-nous à l’édification de l’UPM», lance-t-elle, appelant les chefs d’Etat à «prendre des initiatives» dans ce sens.
«Les premières victimes de l’Aqmi sont les pays musulmans»² L’eurodéputée a, par ailleurs, évoqué le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC). «Ce qui se passe sur le terrain, ce qu’on appelle l’AQMI, ne fait pas l’affaire des pays musulmans», dira-t-elle, et d’ajouter : «Les premières victimes ce sont les pays musulmans.» Rachida Dati dira avoir défendu le droit des émigrés à l’intégration en France du temps où elle était ministre de la Justice et maire.
Citant l’exemple de la scolarité, elle dira que «les enfants des pauvres ne sont pas moins intelligents que les enfants des riches». L’eurodéputée croit que «toutes les générations maghrébines (en France) sont pauvres et non formés, rejetant l’idée que la délinquance dans ce pays incombe à la communauté musulmane,
«même si, il est vrai, la délinquance est concentrée dans certains endroits». A ce titre, elle évoque la pauvreté dans laquelle se trouvent de grands pans de la communauté musulmane dans ce pays. «Mon père était dans l’impossibilité de me payer mes études», confie-t-elle. «En France, il y a eu des années de politique d’émigration, mais pas de politique d’intégration», regrette-t-elle.
Mounir Abi