Rachid Grim, politologue : « Opposition : entre les discours et la réalité, il y a un fossé »

Rachid Grim, politologue : « Opposition : entre les discours et la réalité, il y a un fossé »

Reporters : Des partis de l’opposition regroupés au sein de l’Icso, à l’instar d’Ennahdha et d’El Islah, ont annoncé leur participation aux prochaines élections législatives, tout en dénonçant un manque de garanties pour la transparence de ces échéances. Que pensez-vous de cette ambivalence ?

Rachid Grim : Je ne pense pas qu’il y ait ambivalence. Ces partis n’ont pas de principes politiques sur lesquels ils vont se baser avant de prendre leurs décisions. Ce sont des partis qui vont participer aux élections quel que soit X, même si elles ne ramassent que des miettes. Je ne parle pas du Mouvement de la société pour la paix (MSP) qui est actuellement en proie à une lutte interne autour de cette participation. Boudjerra Soltani veut revenir à l’entrisme d’antan, quand le MSP était membre du gouvernement et Abderezzak Makri veut se positionner dans l’opposition pure et dure, arguant qu’ils n’ont rien gagné à participer au gouvernement et à prendre part à l’Alliance présidentielle. Ce parti est à part, mais je pense qu’il va fi nir par participer aux législatives surtout qu’il essaye de prendre ses distances par rapport à la Coordination nationale pour les libertés démocratiques (CNLTD). Il était un des membres fondateurs de cette coordination, mais actuellement, il est entre deux chaises. Quoi qu’il en soit, ces formations vont prendre part à l’élection pour gagner quelque chose : une reconnaissance, négocier une participation à l’Assemblée populaire nationale. Mais il ne s’agit pas de partis à important ancrage populaire et ils n’ont pas l’aptitude de faire bouger les foules. Ce qui sera intéressant est de voir comment des formations comme le Parti des travailleurs et le MSP qui, eux, représentent un courant, une masse de militants réagissent par rapport aux législatives car eux aussi dénoncent le manque de garanties pour la transparence de ces échéances électorales.



Hormis la dénonciation, que peuvent-ils faire pour influer sur le cours des événements ?

Justement, est-ce qu’ils sont capables de s’unir pour dire qu’à la moindre incartade de l’administration, on va se retirer ? Ça c’est une véritable position. C’est une position autour de laquelle l’opposition devrait s’unir, au moins via un accord de principe. Parce que jusqu’à l’heure actuelle, on sait que la Haute instance de surveillance des élections est représentée par l’administration et on ne sait pas ce qu’elle va faire au juste.

Mais pensez-vous que l’opposition peut s’entendre pour revendiquer du gouvernement un minimum de garanties pour la transparence des élections ?

Cela m’étonnerait, mais elle devrait le faire. On sait qu’au niveau de la CNLTD, ils font des discours dans ce sens, mais entre les discours et la réalité, il y a un fossé. Mais en tout état de cause, je pense que la plupart des partis iront aux élections législatives. Mais vous savez, l’opposition n’existe que théoriquement et les partis du pouvoir ont la main sur tout. Et demain, vous allez voir que deux mois avant les élections, toute l’administration va se mobiliser pour faire élire les partis du pouvoir. Mais certains partis vont négocier, comme à chaque fois.

Comment imaginez-vous la scène politique nationale au lendemain des législatives de 2017 ? Va t-elle subir un remodelage et une reconfiguration surtout avec la nouvelle loi électorale ?

Je ne pense pas qu’il y aura un grand changement ou un quelconque remodelage. Je pense qu’ils ont fait justement cette nouvelle loi électorale pour maintenir les choses en l’état. Je fais le pari qu’à l’issue des législatives, l’Assemblée nationale gardera la même configuration. Les partis du pouvoir, le FLN et le RND, vont avoir la majorité des sièges et dominer l’APN ; les autres partis, à l’instar du MSP, auront quelques sièges.