Rabat a préparé l’échec

Rabat a préparé l’échec

Ce qui se passe ces jours-ci dans les territoires occupés du Sahara occidental, où l’on assiste à un déploiement de forces militaires marocaines aux abords de camps de toile dressés par les populations sahraouies pour protester contre le déni de leurs droits élémentaires, et au Maroc

, où le roi vient de lancer une nouvelle diatribe violente et gratuite contre son voisin de l’Est, n’augure pas de lendemains sereins dans cette région du Maghreb.

La montée des menaces au Maroc contre l’Algérie accusée d’avoir fabriqué le conflit sahraoui, pour on ne sait quel dessein, les agitations des groupuscules marocains liés aux services de renseignements du palais dans les capitales occidentales autour de ce conflit, les dénonciations quotidiennes d’ONG internationales des violations des droits

de l’homme au Sahara occidental et la répression exercée contre de paisibles citoyens sahraouis sans défense n’augurent en réalité que de l’échec programmé par les tenants du pouvoir des négociations informelles qui se sont ouvertes hier, près de New York, entre le Maroc et le Front Polisario.

Le vent est en train de tourner

Rabat a habitué l’opinion internationale à agir de la sorte à la veille de l’ouverture de ces négociations, ce comportement, à l’évidence, traduit sa peur-panique d’être ouvertement lâché par ses soutiens traditionnels dans le conflit sahraoui. Cette fois-ci, les hobereaux à Rabat ont senti que le vent est en train de tourner, du fait que les pouvoirs qui appuient sa thèse colonialiste

au «Sahara non marocain» font face à des crises sociales qui les détournent de l’actualité dans la région du Maghreb, mais aussi du récent réchauffement des relations entre Alger et Paris. A preuve aussi, les nombreux succès diplomatiques comptabilisés ces dernières semaines par les dirigeants sahraouis,

aussi bien aux Nations unies que dans les capitales occidentales où l’on assiste à des manifestations de soutien de plus en plus médiatisées à la juste cause sahraouie, notamment au regard de la répression à huis clos qui s’abat sur ces «populations du désert», qui ont osé lancer une désobéissance civile en quittant la capitale sahraouie occupée pour se réfugier aux alentours dans des camps de fortune

L’assassinat d’un jeune Sahraoui, un adolescent qui voulait rejoindre sa famille dans ces camps, dénoncé par les défenseurs des droits de l’homme dans le monde et tous les amis du peuple sahraoui, surtout en Europe, est un signe de cette panique des dirigeants marocains qui n’ont plus d’argument à faire valoir pour perpétuer leur défi de la communauté internationale.

Escalade dangereuse

Du reste, les autorités sahraouies ont compris ce manège suspect des autorités marocaines, qui intervient à la veille et pendant leur supposée volonté de régler le problème sahraoui en prenant part à la réunion de New York.

Alors que la réunion en question allait s’ouvrir, on assiste selon le président sahraoui à une dangereuse escalade au Sahara occidental ouverte par le Maroc, pour tenter de perpétuer le fait accompli dans les territoires utiles occupés de ce pays divisé.

Dans un ultime appel, le président sahraoui exhorte le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, à «une intervention urgente» des Nations unies «face à une menace d’escalade militaire marocaine contre

les Sahraouis qui pourrait déboucher sur un nouveau crime contre l’humanité», écrit-il, à juste titre, dans une missive qui lui a été adressée, selon l’APS. Le président sahraoui demande aux Nations unies de se pencher sur «la situation qui pourrait s’aggraver davantage dans le camp des réfugiés sahraouis d’Akadim Isik, à l’est de la ville de Laâyoune, capitale du territoire du Sahara occidental».

Ce camp, ouvert spontanément par les populations sahraouies pour protester contre leurs conditions de colonisés, était perçu comme une ultime réaction à la situation de non-droit qui prévaut dans les territoires utiles occupés du Sahara occidental.

«Après avoir avisé à plusieurs reprises sur l’éventualité d’un recours par les autorités d’occupation marocaines à la violence et à une intervention brutale contre les dizaines de milliers de citoyens sahraouis, des citoyens pacifiques et leurs familles, les indications et les informations dont nous disposons actuellement nous portent à croire qu’une attaque est imminente», estime-t-il. Mohamed Abdelaziz ajoute que «la présence renforcée des militaires et des forces de sécurité marocains, et la large mobilisation de la police et de la gendarmerie, des centaines de véhicules et d’ambulances, d’avions et d’hélicoptères pour assiéger le camp où ne résident que de paisibles citoyens isolés, est extrêmement dangereuse et reflète les intentions agressives des autorités d’occupation marocaines».

Un feu vert pour le crime

Cette présence militaire aux abords des camps a été du reste montrée par les télévisions du monde et dénoncée par les ONG de défense des droits de l’homme.

«Ce qui aggrave davantage la situation est le langage de la menace et de l’intimidation utilisé par le roi du Maroc dans son discours prononcé samedi (dernier) à l’occasion du 35e anniversaire de l’occupation du Sahara occidental, dont il n’est pas exclu d’être un feu vert pour commettre de nouveaux crimes contre des milliers d’hommes,

de femmes et d’enfants et des personnes âgées pacifiques et isolés qui ont seulement revendiqué des droits sociaux, économiques et politiques justes et légitimes», déplore-t-il. «En outre, le gouvernement marocain a expulsé de nombreuses délégations et des personnalités, dont des membres des parlements étrangers, des aéroports

de Casablanca et de Laâyoune, pour se rendre au Sahara occidental occupé, et a également commis des actes d’agression contre des représentants de médias internationaux pour les empêcher de s’approcher des camps des personnes déplacées», signale Mohamed Abdelaziz dans sa correspondance. Dans cette optique, il faut rappeler l’affaire de l’interdiction du Maroc de l’équipe de la chaîne arabe Al Jazeera par les autorités marocaines, sous des prétextes fallacieux,

alors qu’en réalité cette chaîne a décidé de ne plus travestir la vérité sur le problème sahraoui, notamment en séparant le territoire du Sahara occidental du Maroc dans ses cartes illustrant cette région. Ceci dit, la présence de la délégation sahraouie à la rencontre informelle

de New York traduit seulement le souci des autorités sahraouies à aller jusqu’au bout avec Rabat dans ses errements à propos de leur question nationale. Elles savent d’avance que la délégation du Maroc n’est pas habitée de bonne foi pour négocier cette affaire. Dans les jours qui suivent, l’opinion internationale ne sera guère surprise d’enregistrer un nouvel échec à ces négociations avortées avant leur tenue.

A. M.