Qui veut impliquer l´Algérie ?

Qui veut impliquer l´Algérie ?

L´Algérie est le seul pays du Maghreb à ne pas reconnaître le Conseil national de transition (CNT) libyen. Si en politique, il ne faut jamais dire jamais, la position de neutralité la diplomatie algérienne sur le conflit libyen, scrupuleusement observée même après la prise de Tripoli, a au moins le mérite de ne pas s´aligner, par opportunisme, sur celle du vainqueur.

Le ballet des courtisans à Benghazi

Beaucoup dans les cercles des nouveaux penseurs s´étonnent qu´aucun émissaire du gouvernement algérien ne soit présent dans la cour de Benghazi pour faire acte d´allégeance à la rébellion lorsque ses troupes étaient parvenues aux portes de Tripoli.

L´absence des Algériens à ce défilé diplomatique, la rébellion ne l´a pas acceptée. Dès le départ, les insurgés savaient que l´Algérie ne ferait pas dans l´opportunisme et ne renoncerait pas à sa position de principe de ne pas choisir entre deux camps dans un pays frère.

C´est le recours au scénario des accusations sans preuves. L´Algérie aurait d´abord recruté, financé et assuré le transport de mercenaires africains pour le compte de Mouamar Kadhafi. Même Paris s´est volontairement laissé aller à ce petit jeu de rumeurs, gracieusement véhiculées par des médias impliqués aux côtés de la rébellion. Le ministre français des Affaires étrangères,

Alain Juppé, avait alors jugé opportun de demander auprès de son homologue Mourad Medelci sur, selon sa propre expression, ce qu´il avait entendu dire dans certains cercles de presse. La diplomatie du ragot quoi !

Depuis l´«affaire des mercenaires»

Les explications d´Alger ont-elles convaincu la France qui a fait du conflit libyen sa guerre et de l´entrée, plus tard des insurgés dans Tripoli, sa propre victoire. Il n´est pas faux de dire, en effet, que la chute du régime du colonel Kadhafi a été possible seulement après six mois de bombardements intensifs des positions des partisans du régime libyen par les armées de l´OTAN.

C´est ce qui a ouvert grandes les portes de Tripoli devant des insurgés, souvent en tenue de plage, et peu économes en munitions devant les caméras de télévision.

On voit mal alors comment un régime politique, même le plus rodé militairement, aurait pu résister au déluge de feu de l´Alliance atlantique ! L´«affaire des mercenaires» ne semblait pas tenir la route puisque les membres du CNT avaient, eux-mêmes, fini par admettre n´avoir pas les preuves des accusations qu´elles ont portées avec insistance contre l´Algérie.

Al Qaeda dans les rangs du CNT

Le second volet du scénario fut le prétendu trafic d´armes pour l´armée de Kadhafi à travers la frontière ouest. Il y avait trafic d´armes, en effet. C´est d´abord celui que la France larguait dans le camp des insurgés, en violation de la légation internationale. D´autres opérations de trafic d´armes se faisaient depuis la Libye vers le nord du Mali, via le Tchad et le Niger.

La frontière algérienne était devenue infranchissable depuis que l´ANP y avait renforcé sa présence. Les espions de la CIA qui fréquentent Benghazi ont des raisons de s´inquiéter de la passivité du CNT qui a fermé les yeux sur le transfert de lots de matériel militaire des plus sophistiqués, des missiles Sam 7 et des Stringer abandonnés à Benghazi par l´armée de Kadhafi, par les membres de Al Qaeda qui combattent aux côtés des insurgés.

Certains de ces djihadistes qui ont fait l´Irak, la Bosnie et l´Afghanistan, sont parmi les chefs de la rébellion. Le leader du CNT, Mustapha Abdeljallil, islamiste convaincu après avoir été kadhafiste en son temps, a-t-il voulu faire payer à l´Algérie son refus de s´impliquer dans le conflit libyen ?

Dans quel sens tourne le vent ?

L´Algérie a refusé de participer à Benghazi au ballet des courtisans arabes qui ont attendu, par opportunisme diplomatique, la dernière heure, pour voir dans quel sens le vent était en train de tourner. Le gouvernement algérien, c´est à son honneur, s´en est tenu à la position de neutralité active qu´il a adoptée depuis le début, sans prendre partie pour un camp ou pour un autre. Alger avait appelé, seule ou dans le cadre de la médiation africaine conduite par le président Zumo, à un dialogue politique et à la cessation immédiate de la violence.

Cette position n´arrangeait pas, naturellement, les intérêts économiques et géostratégiques des puissances occidentales qui avaient besoin d´un pays riche et en ruine pour en confier la reconstruction aux entreprises du CAC 40, du Nasdaq, de l´Ibex de Madrid ou la Bourse de Londres.

La dernière manœuvre de la rébellion, par médias interposés, visait à forcer la main au gouvernement algérien que l´on disait prêt à reconnaître sous conditions le CNT. Une fois de plus, le ministère de Mourad Medelci ne fera pas dans les hésitations par son refus catégorique de ne pas renoncer à sa position de neutralité et, surtout, de ne pas se laisser entraîner dans ce conflit.

Cinq Mercedes dans le désert

Samedi, «on a vu cinq Mercedes de hauts dignitaires du régime libyen entrer en territoire algérien» ! Cartes d´état-major à l´appui, des chaînes de télévision aux ordres qui lancent des appels aux chasseurs de primes, ne voient pas où Kadhafi et sa famille pourraient se réfugier, ailleurs qu´en Algérie. La rébellion et ses alliés savent, pourtant, que la position de l´Algérie sur cette guerre injuste, qui n´obéit pas à des objectifs humanitaires, est plus que défendable.

Les pays impliqués dans les opérations de destruction massive en Libye n´ont rien trouvé à redire là-dessus. Les Etats-Unis, eux, ont eu au moins la décence d´exprimer leur «respect» au droit d´un pays, l´Algérie, de ne pas prendre position pour un camp ou un autre. A plus forte raison s´agissant d´un pays frère et voisin qui avait besoin de bons offices pour dépasser son conflit. Mais pas d´une guerre d´où les Occidentaux sont sortis les vrais vainqueurs.

Hamid A