Les pays occidentaux ont dû tirer de l’inflexible obstination de Hosni Moubarak à vouloir se maintenir au pouvoir, envers et contre tous, le peu d’effet qu’inspire désormais la redoutable question «Qui t’a fait roi ?», qui fut jadis le cauchemar des despotes.
Le président égyptien, aujourd’hui le dictateur le plus décrié en Occident, dont il a été l’un des plus fidèles serviteurs et ami de ses dirigeants jusqu’à la révolte populaire qui lui demande de partir, résiste comme aucun autre dirigeant arabe ou musulman ne l’a fait avant lui.
Aux pressions de son peuple, auxquelles il finira, sans doute, par céder. Aux initiatives de plus en plus fortes des puissances occidentales qui l’ont installé au pouvoir ou qui l’ont aidé à s’y maintenir, par la force et la répression, après l’assassinat d’Anouar Sadate par les «Frères musulmans» qui montrent le bout du nez dans les manifestations qui se prolongent au Caire, à Alexandrie et à Suez.
Les dirigeants occidentaux ont, peut-être, trop vite amalgamé la situation de crise politique que traverse l’Egypte, le pays le plus peuplé et le puissant du monde arabe, avec la révolte populaire en Tunisie. Ils ont assimilé plus hâtivement encore la personnalité de Moubarak avec celle de Ben Ali, qui a fait ses valises à la première cartouche, quelques heures seulement après avoir promis à son peuple qu’il allait répondre à ses légitimes aspirations politiques et sociales. Moubarak et Ben Ali sont sont, certes, des dictateurs dont les méthodes de gouvernement sont pareilles.
Là doit s’arrêter la comparaison. Car il faut à la vérité de reconnaître que le dictateur égyptien sur lequel pèse plus lourdement la pression interne et externe veut «mourir dans son pays». Apparemment, il refuse de passer aux yeux de son peuple pour un «lâche».
Pour ses partisans, il doit même être perçu comme un «héros» pour avoir au moins tenu tête à ses «amis-adversaires» occidentaux. Les Egyptiens, eux, d’un camp ou d’un autre, ne sont pas dupes des sentiments philanthropiques ni du soutien tardif et hypocrite des Occidentaux envers leur cause, et jettent au fond d’eux-mêmes le même regard sur les faux amis de Moubarak, de Abdallah de Jordanie ou de Mohammed VI, qui sont tous de vrais amis d’Israël.
L’insistance des Américains et Européens suspecte
Il est, en effet, pour le moins suspect de voir les Américains et les Européens qui ont contribué à mettre en place des dictatures dans le monde arabe, soutenu à bout de bras les monarchies les plus féodales au Maghreb comme au Machrek et flatté les régimes les plus impopulaires, alliés d’Israël, insister, aujourd’hui, sur le respect des aspirations à la démocratie en Tunisie et en Egypte. Sur l’honneur des Arabes.
Le doute plane entièrement sur la sincérité de cette attitude occidentale. Un comportement hypocrite et intéressé qui ne prend que plus de sens encore quand face au silence que les Américains comme les Européens observent, au moment où les rues du Caire et de Tunis s’enflamment, sur la nature des monarchies arabes, là où ils ne voient rien venir, pour le moment. Donc pas de dictature au Maroc,
ni en Arabie Saoudite, ni dans les pays du Golfe où Ben Ali et Moubarak ont, pourtant, tout à apprendre de ces féodalités en matière de violations des droits de l’homme.
Ce n’est pas parce que les Américains et les Européens multiplient leurs pressions sur Moubarak que le régime égyptien se trouve, aujourd’hui, au bord de l’effondrement. Que la démocratie est en train de s’installer en Egypte et en Tunisie.
Le départ de Ben Ali, et celui de Moubarak auraient même pu survenir plus tôt sans le soutien dont le premier comme le second ont trouvé en 22 ans et 32 ans de pouvoir absolu en Occident. Il est plus que vraisemblable que Moubarak sera, bientôt, il est à espérer en tout cas, le «dernier pharaon» d’Egypte, pour le salut de l’Egypte et des Egyptiens.
Mais avant de se décider à quitter le pouvoir, le «raïs» est en train de donner quelque part une leçon à ses maîtres d’hier, toujours les décideurs d’aujourd’hui, ce «G1» ou «G2» qui sait ce qui est bon ou mauvais pour les autres. «Qui t’a fait roi ?». Moubarak semble s’en moquer. C’est vrai qu’il n’a plus rien à perdre.
Par A. Hamid