On n’en parle quasiment plus. Les printemps arabes – qui ont débuté en hiver et se poursuivent en été – ont certainement quelque chose à voir. Mais il est un fait indéniable : WikiLeaks avait fait le «buzz» faute d’événements significatifs.
Il faut bien le reconnaître, le site de l’Australien Jullian Assange a fourni un «marronnier» inespéré aux rédactions. Certes, les adeptes du complot permanent seraient tentés de dire que les Révolutions arabes sont une riposte aux révélations de WikiLeaks quand d’autres prétendent qu’elles ont été inspirées par WikiLeaks. On sait que raisonnablement qu’il n’en est rien. Mais cette situation suggère une question fondamentale : est-ce que WikiLeaks a été effectivement un feu de paille ou est-ce que ses révélations auront une incidence sur l’avenir des régimes démocratiques en Occident ? Cette question est liée à l’ampleur des révélations. Celles-ci gênaient plus les puissants qu’elles n’embêtaient réellement les dictateurs et les despotes connus et reconnus. Les révélations tranchaient avec les habituelles enquêtes et exclusivités bonnes à déstabiliser des régimes africains ou sud-américains qui se précipitaient pour censurer les publications ou les images qui pouvaient leur nuire dans leurs pays.
Avec WikiLeaks, c’est toute la dimension mondialisée et foncièrement accessible de l’information avec Internet qui a suscité l’émoi. L’ampleur est telle qu’il en a été presque fini des scoops de papa dans les démocraties occidentales bien assises sur leurs acquis de liberté d’expression tous azimuts et premier amendement de la Constitution des Etats-Unis.
Mais voilà, que faire avec autant d’informations ? WikiLeaks balançait tout, certes par paquets, mais tout, sans filtre, sans analyse. Dans le fatras des révélations on trouvait l’utile mêlé au superflu, l’essentiel aux côtés de l’accessoire. Sans prendre le temps de lire dans le détail et la sérénité, les télégrammes dévoilés par WikiLeaks, on aura du mal à voir la mise à nu de la puissance américaine – mais pas seulement elle – de ses accointances criminelles, son mépris et de son égarement, mais curieusement, aussi, de ses faiblesses et de ses défaillances.
L’objectif révolutionnaire de Assange, qui se fait appelé aussi Mendax, celui d’améliorer leurs démocraties comme il le disait, s’en trouvait dès lors hypothéqué.
CASE PRISON
Que reste-t-il aujourd’hui de WikiLeaks ? Un homme en résidence surveillée à Londres qui tente avec ses dernières forces et ses derniers moyens de ne pas tomber entre les mains de la justice suédoise qui lui demande des comptes. Des comptes, non pas à cause de ses révélations dangereuses, mais plutôt de ses
liaisons – désolé pour ce jeu de mots – dangereuses. Jullian Assange est soupçonné, lui aussi, de viol et d’agressions sexuelles. Certes le moment choisi pour voir ses accusatrices surgir a laissé penser qu’il s’agissait d’une cabale. Le 18 novembre 2010, la Suède avait diffusé un mandat d’arrêt international à son encontre. Il a été arrêté le 7 décembre et un tribunal de Londres avait déjà répondu positivement à son extradition, après un procès à huis clos, une extradition vers la Suède où il risque quatre ans de prison pour agression sexuelle sur deux de ses collaboratrices. Mais de la Suède, c’est les Etats-Unis qui pourraient demander aussi son extradition vers le pays de l’Oncle Sam dont il a révélé les câbles diplomatiques et où il risque tout bonnement la peine capitale. Aux Etats-Unis, une enquête pénale a été ouverte à l’encontre du gourou de WikiLeaks depuis un an. Bien avant les câbles diplomatiques, le site Internet avait rendu publiques les images vidéo d’une bavure de l’armée américaine en Irak. Des hélicoptères qui tirent sur des journalistes et des civils juste pour faire un carton. La publication des câbles diplomatiques de Washington aura été une goutte de plus dans le vase de la colère de l’administration Obama plein à rabord.
Bradley Manning, un officier américain analyste, est accusé par la Maison Blanche d’avoir fait fuiter les documents confidentiels. Il risque la prison à vie. Si les enquêteurs arrivent à prouver le lien entre le fondateur de WikiLeaks et Bradley Manning et surtout que Assange est à l’origine des contacts, réclamer la venue de l’Australien sur le sol américain sera alors un jeu d’écriture. Difficile de ne pas voir aussi la capacité d’un Etat à vouloir aussi se défendre quand il est attaqué. Sauf que lorsqu’un Etat se défend contre un individu, il peut le broyer.
Avant cela, WikiLeaks a été asphyxié financièrement en empêchant l’organisation qui gère le site de percevoir les dons de ses sympathisants. La mise en place de moyens alternatifs de paiement que ce soit par cartes de crédit et surtout par chèque est loin d’assurer le même niveau de confort financier dont il jouissait avant les blocages. Le blocus économique maintenu du côté des prestataires de transfert Visa, PayPal et MasterCard empêche 90 % des dons d’aboutir, un préjudice estimé par WikiLeaks à 15 millions de dollars. Il reste que les câbles diplomatiques sont toujours là. Ils peuvent encore servir. Ils peuvent encore être utiles pour éveiller les consciences et orienter le sens critique des opinions