Qui a peur de l’austérité et de la rigueur  ?

Qui a peur de l’austérité et de la rigueur  ?

Il y a comme un malaise quelque part dans cette communication gouvernementale. D’une part, le ministre des Finances s’efforce au prix de discours et de déclarations de décortiquer et d’expliquer la crise de nos recettes pétrolières, en justifiant toutes les augmentations des taxes et autres impôts sur certaines denrées et produits, alors que d’autre part, le Premier ministre, en personne, tonne au cours d’une visite officielle à Sétif que le pays n’est pas en danger et que les caisses sont pleines et que l’Etat algérien n’ira pas quémander des prêts ou des crédits auprès des institutions financières internationales.

Pour Sellal, “l’Etat algérien maîtrise la situation et les Algériens doivent se rassurer définitivement parce que la politique de Bouteflika est contre l’immobilisme”, ajoutant également dans la foulée qu’il “est inconcevable d’avoir des recettes en milliards de dollars, les consommer et d’aller s’endetter ensuite auprès du FMI”.

Alors qui croire  ? Le pays vit-il vraiment une crise ? Pourquoi parle-t-on ici et là d’austérité, que des ministres eux-mêmes envoient des notes et des instructions à leurs responsables intermédiaires les exhortant à plus de rigueur, à faire moins de dépenses et à faire attention aux frais de fonctionnement de leurs départements ou services ? Le Premier ministre lui aussi n’a pas dérogé à la règle en adressant tout récemment des instructions à ses ministres pour plus d’application dans la gestion des budgets sectoriels et à faire attention aux dépenses.

En fait, depuis des mois, l’opinion publique nationale est continuellement bombardée par une “propagande” ciblée sur les effets de la crise et les périls qui s’annoncent sur la vie quotidienne des Algériens. Les bulletins quotidiens sur les cours du brent sont devenus très suivis comme la météo ces derniers temps.

Un discours que Bouteflika n’a pas caché dans ses messages au cours de cette année qui s’achève. Il a invité le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour faire face à la chute vertigineuse des prix du baril sur les marchés internationaux.

Tous les indicateurs des experts et des économistes, comme ceux des hommes d’affaires ou des hommes politiques, évoquent ouvertement la crise, la baisse de nos recettes. Tout le monde parle sans ambages de l’urgence des réformes, de changer la structure de notre économie et surtout de mobiliser l’opinion afin qu’elle accepte la dure réalité qui pointe à l’horizon.

Hier seulement, le Brent (référence pour le pétrole algérien) a frôlé son niveau ou sa cotation d’il y a 11 ans. En 2004, ce pétrole valait 36 dollars le baril, soit moins que le prix de référence ou l’indicateur qui a présidé à la confection de notre Loi des Finances 2016, que le Président s’apprête à signer la semaine prochaine.

Autrement dit, comme cela a été relevé par des observateurs, cette LF est déjà dépassée et qu’il faudra réfléchir à une autre LF complémentaire pour compenser les écarts énormes et les déficits qui vont en résulter sur les budgets d’équipement.

Ainsi, le malaise se trouve au niveau de cette incohérence dans le discours officiel. Ce dernier n’en finit pas de tirer ses propres contradictions, de les mettre au-devant de la scène, de dérouter le citoyen lambda qui ne saisit plus réellement de quoi il s’agit. Vit-on vraiment le début de la crise ? Pourquoi parle -t-on d’austérité et de rigueur aujourd’hui ? et pourquoi parle-t-on le lendemain de bonnes perspectives économiques ?

La vérité est pourtant bien claire. S’il ne faut pas faire paniquer l’opinion sur les sombres mois qui vont venir, notamment en maintenant les plans de charge sur la construction des logements et les transferts sociaux, il y a lieu d’expliquer pourquoi le gouvernement a gelé des projets, en a reporté d’autres et a gardé le silence sur d’autres plans de développement.

Plus encore, que ce gouvernement doit s’évertue à maintenir un discours homogène, cohérent et clair sur la crise et développe une communication ou une “propagande” sur les effets directs de cette nouvelle donne sans tomber dans l’alarmisme “politicard”, et ce sera mieux pour tout le monde.