Quête du feu vert de l’ONU pour traquer les passeurs des migrants clandestins près de la Libye, Mission délicate pour les Européens

Quête du feu vert de l’ONU pour traquer les passeurs des migrants clandestins près de la Libye, Mission délicate pour les Européens
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C’est un plaidoyer pour le moins délicat auquel s’est livrée, hier à New York, la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini : comment obtenir l’appui de la communauté internationale pour une opération militaire près des côtes libyennes d’où sont convoyés les cortèges de migrants dont certains finissent par périr en Méditerranée.

“Notre priorité est de sauver des vies et d’empêcher des pertes humaines supplémentaires en mer”, a-t-elle plaidé devant le Conseil de sécurité de l’ONU, et devant lequel, elle présentait un plan de l’Union européenne pour endiguer le phénomène de l’immigration clandestine en Méditerranée, théâtre d’une série de naufrages dramatiques ces dernières semaines.

Entériné lors d’un sommet fin avril, ce plan, outre l’augmentation du budget de l’opération “triton”, prévoit une intervention militaire près des côtes libyennes pour traquer les passeurs et la destruction des embarcations destinées aux convois des migrants, une intervention qui nécessite un feu de vert de l’ONU. “Ce n’est pas seulement une urgence humanitaire, c’est aussi une crise sécuritaire, puisque les réseaux de trafiquants sont liés à des activités terroristes et les financent”, a-t-elle expliqué selon des propos repris par l’AFP.

À ceux qui reprochent aux Européens de pécher par une absence criante de stratégie pour un traitement global du phénomène, la représentante des “28” se veut plutôt rassurante : “l’Union européenne est finalement prête à prendre ses propres responsabilités : sauver des vies, accueillir des réfugiés, traiter les causes profondes et démanteler les organisations criminelles.” Il reste que ce plan ambitieux risque de buter sur plusieurs obstacles : d’abord, le refus des autorités libyennes de toute intervention étrangère près de leurs côtes, ni sur leur territoire. Preuve de cette hostilité : un cargo turc a été bombardé dimanche dernier provoquant la mort d’un marin, car entré “sans permission” dans les eaux territoriales libyennes. Mais face à cette crainte, l’UE veut aussi rassurer : “Notre message aux Libyens est clair : l’Europe est prête à vous aider de toutes les manières possibles (…). L’Europe sera à vos côtés”, a indiqué Mme Mogherini.

LG Algérie

Ensuite, il faut convaincre la Russie et la Chine, deux pays qui se sont opposés, faut-il sans doute le rappeler, à la guerre en Libye qui avait conduit à la chute de Kadhafi. “Il faut encore caresser les Russes dans le bon sens”, selon un diplomate cité par l’AFP sous le sceau de l’anonymat. Enfin, l’ONU doit trouver les artifices juridiques pour autoriser une opération militaire. Dans la Charte des Nations unies, le recours à la force n’est autorisé que s’il est constaté “la menace contre la paix, une rupture de la paix ou un acte d’agression”.

Or, à bien des égards, la question de l’immigration clandestine ne relève pas de ce cas de figure. “La seule véritable solution pour tarir les sources de départ réside évidement dans l’établissement ou le rétablissement de la paix et des conditions de vie décentes, sur le plan économique, social et politique, dans les pays pourvoyeurs du plus grand nombre de candidats à la traversée, comme la Syrie, la Somalie et l’Érythrée. La stabilisation de la Libye — sans doute pas par une action militaire — permettra également de réduire les départs puisqu’on y retrouvera un marché du travail gourmand de main d’œuvre étrangère. En attendant, et tant que des personnes quittent leur pays, la seule solution humaine et viable pour leur éviter d’autres traumatismes et d’autres souffrances, si ce n’est la mort, est de faciliter les voies de circulation légales vers l’ensemble des pays qui ont la possibilité de leur offrir les moyens d’une vie décente”, expliquait, dans un entretien à Liberté, Delphine Perrin, spécialiste en droit comparé de la migration et chargée de recherche à l’université d’Aix-Marseille.

Une vision que l’UE pourrait adopter même si les ministres de la Défense, en attendant un éventuel quitus de l’ONU, vont discuter des détails de l’opération militaire le 18 mai prochain. En effet, le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’est dit hier en faveur d’une “répartition” des demandeurs d’asile au sein de l’UE. “Je crois qu’il est normal qu’il y ait une répartition du nombre de demandeurs d’asile entre les différents pays de l’Union européenne et qu’il est normal que l’Europe ait une politique de l’asile”, a-t-il affirmé sur RTL. Il s’exprimait alors que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, devrait présenter demain un plan d’action pour tenter de stopper le trafic des migrants. Ce plan prévoit notamment d’imposer aux États l’obligation de prendre en charge des quotas de réfugiés, selon un document dont l’AFP a pris connaissance, une mesure qui ne fait pas l’unanimité au sein de l’UE.

K. K.