La visite de deux jours en Algérie, du candidat à la primaire de la droite française et ancien ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, épouse cette dynamique de resserrement des liens enclenchée depuis l’époque chiraquienne.
Moment fort à Saint-Michel (Paris) en ce 28 janvier 2016 quand le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, se recueillant devant la plaque commémorative des massacres d’Algériens le 17 octobre 1961, a lancé avec une tonalité sûre: «Nous n’avons, avec la France, aucun différend. Nous avons seulement, entre nous, des dossiers en suspens qui empoisonnent constamment nos relations.» Un message lourd de sens annonçant une évolution certaine dans les relations algéro-françaises qui ont le caractère à la fois complexe et singulier.
La distanciation, le ressentiment et la passion ont-ils cédé la place à la raison? il faut le croire et un long chemin a été parcouru. Il a fallu le traité d’amitié pétri par le couple Bouteflika-Chirac, en passant par la parenthèse Nicolas Sarkozy de 2007 à 2012, pour parvenir au partenariat d’exception du président François Hollande qui, il faut le reconnaître, a impulsé un tonus à cette relation. C’est d’ailleurs, la première fois qu’un président français effectue deux visites officielles en Algérie, durant le même quinquennat. Depuis l’arrivée de Hollande à l’Elysée, Alger et Paris se sont placés sur la même longueur d’onde politique.
Les deux pays s’accordent sur plusieurs dossiers comme les crises malienne et libyenne, et l’épineux dossier des migrants ainsi que la question environnementale, nominalement la COP21 où l’Algérie a grandement collaboré à sa réussite. La conflictualité au Sahel interpelle les deux pays sur les relations de toutes natures et notamment avec la pénétration de l’islamisme radical aussi bien au Maghreb qu’en France. Devenu l’axe focal, il est impossible pour la France et pour l’Algérie d’agir seules. Une politique sécuritaire commune et de nouveaux mécanismes de coopération s’imposent face à ce fléau transnational.
Des dossiers qui ont été assortis d’incessants ballets d’officiels entre les deux capitales. La visite de deux jours en Algérie, du candidat à la primaire de la droite française et ancien ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, épouse cette dynamique de resserrement des liens enclenchée depuis l’époque chiraquienne. Il y a comme une règle non écrite selon laquelle tous les candidats à la présidentielle française doivent passer par Alger et Juppé en homme politique avisé ne déroge pas à la «tradition».
Indéniablement, c’est sur le plan économique que les rapports semblent au beau fixe. Attractif à souhait pour les entreprises de l’Hexagone, le marché algérien capte 2 milliards d’euros d’investissements français et c’est le marché de l’automobile avec Renault et prochainement Peugeot qui carbure à plein régime, surtout que les voitures françaises jouissent d’une solide réputation en Algérie.
Cette tendance à préférer le produit français et cette confiance font que le marché algérien de l’automobile est une sérieuse option pour les fabricants français bousculés aussi bien sur le marché interne qu’européen.
Même si la France se fait devancer par la Chine en Algérie, les liens étroits entre les deux pays résistent aux humeurs diplomatiques, aux tempêtes politiques et aux aléas du marché. Des liens culturels noués par une communauté algérienne en France et française en Algérie.
Près de 30 000 Français vivent en Algérie dont plus de 90% sont des binationaux et le nombre d’Algériens en France avoisinerait les 3 millions de personnes. A cela s’ajoutent les liens linguistiques puisque près de 11 millions d’Algériens parlent la langue française, et des liens historiques, sans compter la proximité géographique. Aux pires moments, au paroxysme de la tension, il se trouvera toujours de bonnes volontés de part et d’autre pour indiquer la voie positive et détendre l’atmosphère.
Toute la singularité des relations entre les deux pays réside dans ce cordon social. Une sérieuse option de salut pour cette relation passionnelle entre deux Etats et une digue face aux lobbys de la discorde. Aux aguets, ces derniers se saisissent de la moindre brouille pour amplifier la crise.