C’est officiel et de source digne de foi, le général américain qui dirige l’Africom à partir de son QG de Stuttgart en Allemagne, prépare sa première venue en Algérie prévue dans le courant du mois prochain.
Il arrivera à Alger probablement quelques jours après la visite du secrétaire du Département d’Etat, John Kerry, attendu à Alger la première semaine de novembre.
Hasard du calendrier ou synchronisation d’un timing bien étudié, ces deux rendez-vous rapprochés augurent une nouvelle étape dans le traitement de la situation sécuritaire au Sahel.
Les Etats-Unis veulent- ils intensifier leur coopération avec l’Algérie pour reprendre la main sur une guerre contre le narcoterrorisme qu’on croyait confiée à l’armée française et à la Minusma déjà embourbées dans un no man’s land pourtant bien arride ?
L’AFRICOM VEUT DÉMÉNAGER
Notre source est américaine, impliquée et fiable. David M. Rodriguez, le nouveau chef de l’Africom qui a remplacé Carter Ham il y a un an, s’apprête à effectuer une visite de présentation et de travail en Algérie.
En effet, ce sera l’occasion d’une première prise de contact avec les autorités militaires et civiles d’Alger depuis sa nomination tandis que la menace terroriste n’a jamais été aussi intense en plusieurs pays frontaliers de l’Algérie.
On apprend ainsi que le général Rodriguez effectuera son voyage algérien quelques jours après celui programmé par John Kerry, le chef de la diplomatie américaine. La coïncidence pousse à s’interroger sur l’agenda des Etats- Unis en plein réexamen de l’Africom dont ils voudraient finalement déménager le siège vers le sol américain après avoir envisagé en vain une adresse africaine.
Ces derniers mois, il y aurait eu des coupes dans son budget par Washington en plus de discussions sur la révision de son fonctionnement global selon un rapport du GAO (Government Accountability Office).
Un fonctionnement qui, on doit le rappeler, s’appuie davantage sur la quête permanente du renseignement et la formationencadrement des soldats des armées africaines en prise avec le terrorisme international, notamment, et pour le maintien de la paix (programme ACOTA).
On se souvient qu’en automne 2011, le prédécesseur de David M. Rodriguez avait participé à la Conférence sur le Sahel à Alger auprès des pays du Champ et des partenaires extarégionaux.
Un espace de concertation qui permit aux ateliers de plancher sur la vulnérabilité des populations autochtones que «seul un développement économique pouvait soustraire à l’hégémonisme du narcotrafic et de la criminalité transfrontalière».
Mais cette approche sociale ne fut pas suivie de résolutions concrètes ni de gestes généreux de la part des participants pour financer l’aide qui fait encore défaut aux populations livrées à la violence actuelle.
REVOIR LA COPIE MINUSMA
A présent que la situation s’est encore dégradée et que l’opération Serval de l’armée française n’a pas réussi à ramener la sécurité dans le nord du pays, quel mode opératoire peuvent mettre en branle les Etats-Unis qu’on dit attachés à redonner à Alger son rôle pivot régional de la lutte antiterroriste ?
La visite de John Kerry, le secrétaire d’Etat américain, devrait nous éclairer sur les intentions des uns et des autres quant à la gestion de la crise sécuritaire étroitement liée à l’instabilité des pays qui ont subi le printemps arabe. Notons qu’en ce moment, une nouvelle opération baptisée «Hydre» est en cours dans le Septentrion malien, engageant 1 500 hommes entre soldats de l’armée française et de la Minusma en plus d’un soutien aérien.
Il n’y a donc pas de doute qu’une course contre la montre a été déclenchée pour réduire les poches des criminels qui sévissent dans la bande sahélo-saharienne. D’aucuns l’expliquent par les derniers attentats qui ont visé la coalition, d’autres évoquent l’impératif de maintenir les hordes terroristes loin des villes et villages pour l’organisation des prochaines élections législatives maliennes.
Un scrutin qui devrait faire élire aussi des représentants légitimes de la partie nord du pays pour renforcer le camp du dialogue inclusif. Mais il n’est pas interdit de penser que les Etats-Unis ont mis la pression aux interventionnistes pour plus de performance dans la lutte contre les «djihadistes».
En effet, il faut savoir que le renseignement et les drones américains sont d’un apport essentiel pour le succès des Français et de leurs alliés dans leurs opérations. Or, en matière de renseignement et de connaissance des subtilités tribales et guerrières des Sahéliens, l’Algérie demeure un bon conseiller pour l’US Army.
Le duo Alger-Washington pourrait bien corriger la copie d’une offensive antiterroriste qui ressemble davantage à un bivouac sur un bout de territoire immense qu’à une réelle lutte contre un fléau aux racines politiques.
Nordine Mzalla