Il y a quelques jours nous avons fait nos derniers adieux à 2014, une année qui s’achève sur fond de crise due à la chute des prix du pétrole, à la menace sécuritaire à nos frontières et à la crise financière qui pointe à l’horizon. Et avec l’arrivée du nouvel an, une modeste analyse des faits importants attendus en 2015 dans les différents domaines de la vie des citoyens en Algérie, tomberait sûrement à point.
De l’économie, et probable remontée du prix du pétrole, la politique avec l’application de la révision constitutionnelle en passant par les grands projets en instances des travaux publics d’envergures, et l’amélioration du climat des affaires pour les investisseurs étrangers. En nous basant sur des prévisions d’experts de tous bords, tandis que l’année 2014 écoulée, essayons de brosser le tableau de ce qui nous attend en 2015. Entre optimistes et résolument pessimistes, des prévisionnistes commencent à lancer leurs ‘’visions’’ à travers les médias nationaux et internationaux de la situation qui se dessinerait en 2015 en Algérie. Nous voilà déjà en fin d’année, et l’exercice « bilan et perspectives » va bientôt commencer… De quoi l’année 2015 sera-t-elle faite ? La croissance économique du pays devrait être de 4% en 2015. En Algérie comme dans la plupart des pays du monde, le FMI a revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2014 et 2015. Concernant l’Algérie, alors que le FMI tablait en avril dernier sur une croissance de 4,3% en 2014 et de 4,1% en 2015, il prévoit aujourd’hui une croissance de 3,8% en 2014 et de 4% en 2015.
L’Algérie est également menacée par une hausse du chômage. Le taux de chômage était de 9,8% en 2013, il s’élèvera probablement à 10,8% en 2014 et à 11,3% en 2015, soit une augmentation de 1,5 point si ces prévisions se réalisent. En ce qui concerne le solde extérieur courant de l’Algérie (qui correspond à la différence entre les exportations et les importations), le FMI prévoit qu’il s’établira à -3% du PIB en 2014 et à – 2,9% du PIB en 2015. Là encore, les prévisions sont revues à la baisse puisqu’en avril dernier le FMI établissait le solde extérieur courant à (+ 0,5%) du PIB en 2014 et – 1,3% du PIB en 2015. Enfin, le FMI prévoit que l’inflation s’élèvera en Algérie à + 3,2% fin 2014 et + 4% en 2015.
Pour autant, le pire est à venir?

L’année 2015 ne s’annonce pas sous de bons auspices selon certains analystes. La baisse brutale des prix du pétrole laisse envisager une année difficile en Algérie. C’est du moins ce que prévoit l’agence britannique Reuters qui a publié un rapport sous forme de perspective sur la région Afrique du Nord et Moyen-Orient reprise par le journal électronique Algérie Focus. Avec un baril qui est sous la barre des 80 dollars et qui pourrait même plonger vers 60 dollars, les bases de la prévision du budget 2015 – un prix moyen du Sahara Blend de 100 dollars – risquent d’être caduques. Les officiels algériens, de ministre des finances à celui de l’énergie, continuent de le répéter : la chute des prix du pétrole est sans impact sur l’économie algérienne. Sur le court terme, cet « optimisme » se justifie par un niveau de réserves de change conséquent (195 milliards de dollars) qui couvre trois ans d’importation de marchandises. Pour l’année 2014, le prix moyen du baril algérien s’établira à 100 dollars, selon le Ministre des finances. La situation pourrait être beaucoup moins soutenable en 2015.
Le gouvernement sera contraint de piocher dans le Fonds de régulation des recettes (FRR) dont le niveau est de 5000 milliards de dinars (plus de 48 milliards d’euros) pour couvrir le déficit. Au sujet de l’Algérie, l’agence d’information prévoit que l’année 2015 sera celle de l’incertitude. Reuters ajoute, à ces couacs politiques, d’autres difficultés liées à la baisse des prix du baril de pétrole. «Avec la baisse des prix du pétrole, l’Algérie se débat pour attirer un maximum d’investisseurs en hydrocarbures et fait face à une pression sociale revendiquant une vie meilleure (…) » écrit encore le rapport qui prévoit donc « une année de crise pour le plus grand pays d’Afrique». Certains experts n’hésitent pas à rappeler le scénario catastrophe du milieu des années 1980 où la chute drastique des prix du pétrole a ouvert le chemin des grandes turbulences politiques et sociales entamées avec les émeutes d’octobre 1988. L’Algérie, note EL Watan, n’a pas profité de l’embellie financière de la longue période du baril fort (de plus de 100 dollars) pour diversifier son économie et réduire la « tendance boulimique des importations » va se retrouver à recourir au Fonds de régulation des recettes (FRR), « seule bouée de sauvetage à court terme ». Au regard de ce tableau, l’on comprend que l’année qui arrive risque d’être agitée pour l’économie en Algérie. Avec la chute des cours du pétrole de façon durable, le gouvernement devra revoir sa politique. Jusqu’à quand les cours du pétrole vont chuter ?
C’est la question qui se pose en Algérie depuis maintenant plusieurs mois et l’hypothèse d’un maintient durable à de très bas niveau met désormais en péril le budget de l’année à venir. L’économie algérienne dont les revenus sont presque exclusivement tirés des recettes des exportations d’hydrocarbures pourrait connaître de fortes turbulences en 2015. Avec 97% des revenus d’exportations provenant du pétrole et du gaz, l’Algérie est en permanence soumise à la hausse ou la baisse des prix des matières premières sur le marché mondial. L’État, pour son budget 2015, s’est basé sur un baril de pétrole à 120 dollars alors que pour le moment on n’en est pas très loin. Le manque de diversification ne favorise pas la mise en place d’une économie stable et pérenne et surtout n’encourage pas les investisseurs étrangers à s’implanter sur le territoire. Le pays a atteint un peu plus de 3% de croissance en 2013 et réalisa à peine 4% en 2014 puis restera à ce niveau jusqu’en 2017. Si ce taux fait rêver de nombreux pays européens en crise, il est très largement insuffisant pour endiguer le chômage. Chaque année, pour permettre l’absorption par le marché du travail du nombre de jeunes qui sortent de l’école, il faudrait un taux de plus de 6%, objectif pour le moment irréalisable. Il y a quelques mois, le gouvernement avait annoncé qu’il visait d’ici quelques années les 7% de croissance, une annonce désormais considérée comme ‘’trop optimiste’’.
L’urgence de restructurer l’économie nationale
L’exploitation des hydrocarbures demeure à ce jour un avantage pour l’Algérie mais aussi un inconvénient. Aujourd’hui grâce à ses ressources, l’État algérien est riche, très riche même, il figure dans le top 15 des pays détenant les plus grandes réserves de change avec plus 200 milliards de dollars. Mais cette richesse est trompeuse et bien éphémère même si les autorités algériennes ne cessent d’affirmer que l’Algérie est hors de danger grâce à son matelas financier. À moyen terme si le pays poursuit sur ce chemin économique et que les prix du pétrole restent très bas, il est presque évident que des turbulences risquent de voir le jour, et ce, dans le meilleur des cas. La situation actuelle du pays met également en évidence le fait que malgré une très grande richesse accumulée ces dernières années en raison d’hydrocarbures au prix très élevé, l’instabilité et la fragilité économique perdurent. L’Algérie s’est exclusivement construite depuis son indépendance autour d’un modèle de développement basé sur l’exploitation de ressources naturelles.
Un modèle rentier, générateur certes d’importantes devises quand le prix de ces matières premières s’envole mais qui se révèle très vulnérable aux retournements du marché comme ce fut le cas en 1986 lors de la baisse sensible des prix du pétrole, événement qui contribua fortement à la dégradation de la situation économique et sociale du pays. Car pour l’émergence d’une croissance économique durable dans le pays il faudra certainement restructurer l’économie nationale, avec des investissements massifs dans les technologies de télécommunications, dans la recherche, dans l’innovation, ces secteurs cependant peinent à sortir de leur léthargie malgré les capacités financières du pays. L’exploitation prochaine des gaz de schiste pourrait-elle changer la donne dans l’ombre de l’émergence des énergies renouvelables ? Et l’État tirera-t-il enfin les enseignements de certains ‘’donneurs de leçons’’ nationaux experts en conseils économiques ?
AZZI S. Mohsen