Quelles chances de succès pour l’emprunt obligataire lancé mercredi par Sellal ?

Quelles chances de succès pour l’emprunt obligataire lancé mercredi par Sellal ?

Abdelmalek Sellal a reconnu mercredi devant les députés que la crise économique que vit le pays est sévère mais surtout imprévisible. Il est vrai que pour le moment, l’Etat dispose du fond de régulation des ressources (FRR) et des réserves de changes pour tenir le coup. Mais combien de temps ces deux soupapes résisteront-elles ? Faut-il aller tout de suite à l’endettement extérieur ? La question est discutable.

Il y a des experts Algériens qui ne voient pas forcément d’un mauvais œil cette piste de travail, expliquant qu’il est plus facile aujourd’hui pour l’Algérie d’accéder à des crédits extérieurs et avec une « conditionnalité favorable », vu qu’elle dispose encore d’un matelas consistant de devises, synonyme de solvabilité, plutôt que d’attendre l’épuisement de ce dernier, autrement dit un état de faillite, comme dans les années 90, pour aller sur les marchés de financement extérieur.

Fatalement, argumentent les partisans de cette options, la conditionnalité sera plus draconienne. On se souvient encore de la thérapie de cheval imposée par le FMI à l’Algérie, qui n’avait alors plus les moyens d’importer un bateau de blé. A l’évidence, cette option n’est pas encore sur les tablettes du pouvoir qui privilégie le recours à l’Argent algérien. C’est dans cette optique qu’il a annoncé le lancement, le mois prochain d’un emprunt obligataire nationale pour permettre à l’Etat de faire face à ses engagements budgétaires, d’autant que l’équivalent de 35 à 40 milliards de dollars sont toujours aux mains du circuit informel qui rechigne à déposer ces fonds dans les banques.

C’est un levier à moindre risque, à certains égards. Reste à en connaître les modalités, car en dehors du taux d’intérêt de 5% , le montant global, le prix de chaque obligation, l’échéance de remboursement sont des inconnus. Autre question : s’agit-il d’un emprunt grand public ou d’un emprunt institutionnel. L’idéal serait que le produit soit mixte, c’est à dire institutionnel et grand public. « L’’emprunt obligataire est une bonne chose car c’est le seul moyen qui reste pour mobiliser l’épargne nationale et faire face aux engagements budgétaires du pays. Il évitera un recours précipité à l’endettement extérieur », explique Chérif Belmihoub professeur en économie institutionnelle et en management.

Un peu trop optimiste, M. Belmihoub prédit que le taux de 5% fixé pour cet emprunt devra garantir un engouement de la part des épargnants, selon cet expert. En effet, explique-t-il, un tel taux est intéressant dans la mesure où il est aligné sur le taux d’inflation mais il est beaucoup mieux rémunéré que les dépôts bancaires dont les taux tournent actuellement entre 1,75% et 2%. « Une rémunération des obligations à 5% n’est ni trop élevée ni trop basse. Elle est juste ce qu’il faut. On ne peut pas fixer un taux de 3%, par exemple, car les intérêts tirés par les souscripteurs auront été vite absorbés par l’inflation et ça ne serait donc pas intéressant pour eux. Il fallait impérativement offrir un taux supérieur au taux d’inflation ou, du moins, aligné sur ce dernier », argumente -il.

L’emprunt obligataire est une mesure susceptible de faire face aux effets de l’actuelle conjoncture économique défavorable, a estimé, jeudi à Aïn Defla, le président du forum des chefs d’entreprises (FCE), Ali Haddad. Dans un point de presse qu’il a animé à la fin de la cérémonie d’installation du responsable du bureau de la délégation du FCE de Aïn Defla, M. Haddad a jugé le crédit intérieur de « plus sûr » par rapport au crédit extérieur. Selon lui, le chiffre de « 37 milliards de dollars circulant dans le marché informel en 2015 a probablement grimpé cette année », affirmant que l’emprunt obligataire constitue une incitation à toutes les personnes disposant de fonds à les injecter dans les circuits informels.

Le patron des patrons algériens fonde son optimisme sur un préjugé optimiste, croyant que les détenteurs des « fonds pourris » de l’informel vont se ruer vers les banques pour acheter des obligations et trouver dans l’offre un moyen de recycler leurs bas de laine. Pourtant, le peu d’intérêt suscité par l’opération e bancarisation de l’argent de l’informel, lancée en août dernier par le ministre des fiances Abderrahmane Benkhalfa, devrait amener le patron des patrons algériens à nuancer son jugement, s’agissant du succès des chances de cet emprunt. C’est vraiment enfoncer une porte ouverte de dire que les algériens en général ne font pas confiance aux institutions de l’Etat et encore moins les islamistes qui sont les gros détenteurs de l’argent informel.