quelle loi ? pour quelle assemblée ? pour quelle commune ?

quelle loi ? pour quelle assemblée ? pour quelle commune ?

Depuis l’ordonnance 67-24 du 18 janvier 1967 et la loi 90-08 du 7 avril 1990 relatives à la commune et promulguées dans des conditions particulières, la gestion des affaires communales est reléguée au second plan.

Objet de toutes les controverses horizontales et verticales, l’édile communal est à chaque fois désigné du doigt pour répondre aux inquiétudes et aux colères des citoyens

L’Assemblée populaire communale constitue l’interface directe entre le citoyen et ses gouvernants, jusqu’à la plus haute marche de l’édifice institutionnel. Dans les textes, la commune est définie comme étant la collectivité territoriale de base de l’État. Mais, dans les faits, elle constitue l’arène de base des batailles politiques, sociales et parfois juridiques. Le manque flagrant de moyens humains et financiers a fait de la commune, aujourd’hui, le maillon faible de la chaîne institutionnelle de notre pays.

La situation actuelle de nos communes n’est pas reluisante !

Deux tiers des 1 541 communes que compte notre vaste pays “survivent” grâce aux subventions d’équilibre, du Fonds communs des collectivités locales (FCCL) et des programmes des Plans communaux de développement (PCD).

L’essentiel des programmes de développement sont réalisés sur les budgets sectoriels proposés et réalisés au niveau central (PSD). Le niveau et l’opportunité de ces subventions sont décidés à un niveau supérieur à la commune. Cela provoque des tiraillements entre les élus locaux et l’administration. Quand les projets sont programmés et achevés, au grand bonheur des citoyens, le mérite revient à ceux qui les ont programmés et financés. Ce sont souvent le chef de daïra pour certains, le wali pour d’autres, mais très rarement l’élu local. Mais dès que la situation des routes, de l’assainissement, de l’éclairage public se dégrade, le responsable est vite trouvé : le président d’APC. Le nombre de P/APC, qui se retrouvent aujourd’hui traînés devant les tribunaux au niveau national, est trop important pour ne pas susciter l’inquiétude à tous les niveaux. Mis à part les cas de corruption et délits avérés, que la justice seule doit juger et condamner, les autres actes de gestion qui relèvent plus de l’appréciation ou de la méconnaissance de la réglementation doivent être prévenus par la formation et l’information.

La fragilité et la vulnérabilité de l’élu local sont plutôt celles de tout l’édifice institutionnel de notre pays. Et la commune est le premier maillon de base sur lequel est assise la pyramide de l’État. Sous-encadrées et surendettées, nos communes se débattent dans des problèmes inextricables chaque jour aggravés. Les mécontentements des citoyens, qui se manifestent chaque jour par des mouvements sociaux devant les sièges des communes de l’ensemble de notre pays, sont des signes de dysfonctionnement auxquels il faut remédier par des solutions législatives et financières durables et non conjoncturelles. Malgré tous les discours et textes qui attribuent le rôle de représentant de l’État et des citoyens à l’élu local, la réalité est qu’il n’est qu’un fonctionnaire contractuel dont la durée maximale du CDD ne dépasse pas les cinq années. Acculé de partout, l’élu local n’a même pas le temps ni les moyens pour se consacrer à ses tâches de projection, d’organisation ou de proposition de solutions pour les citoyens qui l’ont porté à ce niveau de responsabilité.

Adulé et porté aux nues lors des campagnes électorales, il est traîné dans la boue et désigné du doigt à l’approche de la fin de son CDD. Facilement accessible, l’élu local fait l’objet de toutes les violences, y compris terroristes. Beaucoup d’élus locaux ont payé de leur vie leur engagement pour leur commune et leurs concitoyens. Cette situation n’est pas favorable pour susciter des compétences pour briguer ce poste “ingrat” de responsabilité qui devrait plutôt être porté à un niveau supérieur de respectabilité et de noblesse. Enfin, l’insignifiance des indemnités et avantages liés à ces postes de responsabilité achève toutes les volontés récalcitrantes qui oseraient s’y hasarder.

Sur un autre plan, les formations politiques dont sont issues les différents élus locaux s’érigent pour la plupart en “tutelles” dont il faut prendre l’avis et exécuter les décisions. Comme au bon vieux temps du parti unique, les citoyens insatisfaits des décisions de leurs élus locaux s’en remettent le plus souvent à leur hiérarchie politique pour avoir gain de cause. S’ils n’obtempèrent pas, la fatidique “levée de la couverture politique” vient s’ajouter à leurs malheurs quotidiens et constituera l’inévitable début de leur deuil sur leur avenir politique. D’ailleurs, ce n’est un secret pour personne que la logistique communale est mise à contribution à chaque manifestation politique du parti auquel appartient l’élu local sur le territoire de sa circonscription. Au lieu de constituer des sources d’inspiration pour les formations politiques pour en faire des programmes et des expériences à mettre en œuvre, la gestion communale constitue un terrain d’affrontements et de manœuvres dont les élus eux-mêmes et les citoyens, en général, payent fortement le prix du retard. En somme, l’élu local doit se partager en plusieurs quartiers pour rester dans les bonnes grâces du chef de daïra, du wali, des services déconcentrés de l’État et des responsables locaux et nationaux du parti auquel il appartient. C’en est vraiment trop pour un responsable qui doit avoir le temps de se consacrer aux préoccupations légitimes de ses concitoyens. La réalité, aujourd’hui, est que l’élu local ne peut ni attribuer un logement ni affecter un lot de terrain ni recruter un employé, ni construire une école primaire, ni acquérir un équipement quelconque, ni initier un projet structurant sans avoir l’aval préalable de la “tutelle”. D’ailleurs, il est très rare que les partis politiques ou les services de l’administration fassent appel aux élus locaux pour les écouter et recueillir leurs propositions. Ils ne sont appelés que pour “subir” des orientations et instructions. Tout le monde oriente l’élu local selon une vision tranchée ailleurs, des décisions prises en son absence et parfois des désirs pris pour des réalités par des responsables en totale rupture avec le terrain.

Que faut-il faire pour améliorer la situation de nos communes ?

Des dispositions législatives, humaines, financières et matérielles adéquates et urgentes peuvent rendre nos communes capables de répondre aux aspirations des citoyens qui y vivent.

– Les indemnités actuelles octroyées aux élus locaux dans l’exercice de leurs fonctions de représentation et de leurs salaires sont très loin de répondre aux besoins d’une vie décente. Ces indemnités et salaires ne doivent pas être subordonnés au parcours professionnel de l’élu. Cela crée des disparités indemnitaires injustifiées. Des élus locaux gérant des communes de même importance sont très différemment rémunérés parce qu’il est tenu compte de leurs fiches de paie respectives. Les indemnités et salaires ne doivent nullement constituer une contrainte pour briguer ce type de poste de responsabilité en se soumettant au verdict populaire.

– Il est aussi nécessaire d’instaurer la stabilisation de l’exécutif communal une fois élu, pour le soustraire le plus possible aux velléités des destitutions capricieuses. Le président d’APW est élu pour la durée du mandat, alors que le président d’APC est soumis à des destitutions à répétition. Ces deux responsables doivent être sur un pied d’égalité, à l’abri de la déstabilisation facile.

– La volonté de la subtile substitution à l’élu local en déléguant une partie de ses pouvoirs à une autre structure non élue, sous prétexte d’assurer la continuité du fonctionnement de la commune, doit être définitivement écartée. Le bicéphalisme aboutit toujours sur l’impasse et les frictions.

– Les prétendants à la fonction d’élu local doivent être repérés suffisamment à l’avance par leurs structures politiques respectives, pour leur permettre de se préparer sur tous les plans, y compris ceux de la formation et de l’information. Une fois installé, l’élu local doit agir sur un terrain connu et maîtrisé.

– La gestion de la collectivité locale doit se rapprocher de celle d’une entreprise. Les projets et les dépenses doivent être envisagés d’abord en fonction des rentrées et des disponibilités financières de la commune. Beaucoup de taxes sont collectées par le Trésor public alors qu’elles reviennent de droit au budget communal pour le renflouer et permettre une relative aisance financière. Ces taxes permettront à beaucoup de communes de sortir de l’ornière de la dépendance financière des subventions d’équilibre et du fonds commun des collectivités locales pour payer les charges obligatoires (salaires, énergie, consommables, etc). Cette dépendance financière est synonyme de “minorité” dans les actes de gestion.

– D’un autre côté, la commune doit constituer un espace de souveraineté où l’élu local doit être considéré comme le garant et, par conséquent, consulté pour tout sujet relatif au développement et au bien-être des citoyens qui y résident.

Cette souveraineté est l’émanation même de la volonté populaire des citoyens qui accordent leur voix le jour du scrutin aux élus qu’ils jugent aptes à les représenter. L’élu local sortira alors du statut de “mineur”, responsabilisé qu’il faut surveiller continuellement pour l’empêcher de commettre des “bêtises” dans ses actes quotidiens de gestion.

– Aucun leader politique actuel ne s’est hasardé jusqu’à présent à solliciter d’abord les voix locales de sa commune de naissance pour s’affirmer d’abord au niveau local et montrer le modèle de gestion qu’il veut instaurer pour l’ensemble du territoire national en tenant compte des spécificités géographiques, sociales et culturelles. Cela traduit le niveau de considération accordé à la commune par notre classe politique actuelle.

– Le cycle des regroupements de formation et d’information, lancé par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, est une excellente initiative qu’il faut encourager pour permettre une osmose entre les différents élus locaux de toutes les régions du pays. Ces rencontres permettent au moins des échanges directs entre les différents élus issus d’horizons divers et confrontés à des problèmes similaires.

– Pour permettre aux élus locaux de prendre les décisions adéquates et en temps opportun, des mises à jour de la base de données de leurs communes respectives doivent être envisagées en recourant régulièrement à des enquêtes sociales locales concernant le nombre d’habitants, le nombre et le profil des diplômés, les aspirations des citoyens concernant l’habitat, l’alimentation en eau potable, l’emploi féminin, etc. Les aspirations des citoyens, les vocations de développement, les besoins socioéconomiques, les potentialités humaines, naturelles et humaines peuvent apparaître au grand jour à travers ces enquêtes sociales locales. Pour éviter les coûts importants de ces enquêtes, l’apport des établissements universitaires peut être d’un grand secours.

La commune et à sa tête ses élus locaux ont besoin d’être confortés dans leur rôle de structure de base de l’État au service des citoyens. Pour cela, une révision profonde et objective de la fiscalité locale est la première urgence. Le projet de loi relative à la commune, actuellement en débat, doit conforter et renforcer la commune et ses élus dans leur rôle stratégique de la double représentation : des citoyens et de l’État. La libération de l’initiative et de l’énergie locales permettra certainement de désengorger les services centraux de l’État pour se consacrer à leur rôle de coordination et de régulation.

La réhabilitation de l’élu local en le confortant et en le renforçant dans ses prérogatives sur le territoire de sa commune permettra la consécration du principe de la décentralisation, de la démocratie locale et de proximité. Cette conjugaison des efforts entre les élus locaux confortés dans leur rôle, le mouvement associatif représentatif et les services déconcentrés de l’État permettront certainement d’ouvrir des perspectives de développement et d’épanouissement au service exclusif des citoyens. La situation de confrontation perpétuelle administration-élus, actuellement très répandue, sera définitivement dépassée. C’est le souhait et le salut de tous.

M. B.

(*) Député à l’APN

Ex-P/APC d’Amizour, wilaya de Béjaïa

Ex-membre de l’APW de Béjaïa